Suzanne Myre a fait une entrée remarquée en littérature en plongeant dans des textes mordants, enrobés d'humour, marqués par un cynisme qui malmène ses contemporains. Un ton, un style qui plaît en ces temps où l'humour corrompt tout avec plus ou moins de discernement. Comme si elle avait dépoussiéré l'approche Saïa en tentant de lui donner une patine personnelle et plus raffinée.
Il suffit de soupeser son dossier de presse pour croire que nous avons trouvé l'écrivaine du siècle ou presque. Attiré par cette agitation, je me suis aventuré dans ces textes pour être déçu rapidement. Que ce soit dans «Humains aigres-doux» ou «Nouvelles d'autres mères».
Les commentateurs, il me semble, en ont trop fait avec cette écrivaine. Il arrive que des auteurs soient nettement surévalués par certains médias.
Bien sûr, au début, cette prose parsemée d'humour et d'humeur, un peu baveuse même, plaît. Elle butine sur tout ce qui fait mode et actuel. Des sourires dans les premières phrases mais après quelques pages, on s'impatiente. À la fin, on referme le livre en se demandant ce qui est arrivé.
Recette
Suzanne Myre a trouvé une recette qu'elle étale d'une nouvelle à l'autre. Un personnage revenu de tout, une femme dans la trentaine, un ton et un cynisme qui n'épargne rien. Jeux de mots qui tombent à plat très souvent. Comme si l'auteure faisait le pari de toucher à tout dans une sorte de goinfrerie un peu dérangeante.
«- Ça m'étonne que ta langue accepte de suivre ton cerveau et de dire autant de bêtises. À sa place, je me suiciderais en m'éjectant de ta bouche. Bon, il faudrait que j'ajuste l'appareil à ton poids, ça me prendra quelques minutes.» (p.138)
Comme cela dans toutes les nouvelles, peu importe le personnage qui nous pousse à le suivre. Des dialogues plaqués et gonflés aux hormones!
Le peignoir
Son dernier recueil offre six nouvelles. Le texte principal, «Le peignoir», coiffe le livre. Nous y retrouvons la narratrice qui râle sur la vie, l'amour, la bouffe, les hôtels, ses orgasmes, son chum, les jeunes, ses poils et les femmes mûres qui tentent une cure de jouvence. Un milieu propice à toutes les moqueries. Le propos est sans pitié. Une fois que l'on a saisi la manière Myre, on ne peut que hausser les épaules...
Bien sûr, il y a un certain effort pour donner du poids à ses personnages mais elle ne parvient jamais à les lester vraiment. Des hommes cartes postales et des femmes qui n'ont guère plus d'intérêt.
Madame Myre répète ses figures imposées sans vraiment prendre le risque de plonger dans le mal être de son personnage par crainte, peut-être, de se perdre dans le vide. Même les finales de ses textes, qui tentent de pousser le lecteur dans une dimension plus introspective, tombent comme un pavé dans la mare. Que dire de ce texte loufoque d'une excursion à la campagne qui reprend cliché après cliché. «Le moustique erre» a failli me faire abandonner ma lecture.
«Pour m'éviter d'interminables discussions post-coïtales, je poussais quelques gémissements dans le ton de ceux qui l'ont toujours rassuré sur ma faculté de m'abandonner à lui. L'utilisation de vocalises judicieuses en période de stress, si cela peut éviter la panique et ménager la sensibilité de l'homme, pourquoi pas?» (P. 59)
Voilà une habile technicienne qui lasse rapidement. Il faut plus de poids, plus de senti pour donner à ce genre d'entreprise une aura humaine, dérangeante et un peu déstabilisante. Suzanne Myre se contente de patiner à la surface.
Véritable littérature jetable, écriture qui ne lève à peu près jamais, images et jeux de mots prévisibles. Cette jeune auteure m’a déçu. Plutôt désolant.
«Le peignoir» de Suzanne Myre est paru aux Éditions Marchand de feuilles.