Élisabeth Vonarburg vient de publier le second volet de sa fresque «Reine de Mémoire» qui comptera quatre tomes de 600 pages.
«Le Dragon de Feu» arrive à la suite de «La Maison d'Oubli» paru au printemps dernier. Le plan initial de Mme Vonarburg est de publier deux fois par année. Une cadence infernale. Elle en est donc à mi-parcours de ce projet ambitieux qui revoit l'histoire européenne et occidentale. Une plongée dans le passé pour modifier certains événements avec les conséquences que l'on peut imaginer. Le lecteur arpente une terre connue tout en découvrant un monde qui s’appuie sur d'autres prémices. Une intrigue qui pousse du côté du roman philosophique, du récit d'aventure et du pur fantastique.
Famille
Nous retrouvons avec plaisir la petite Julianne, les jumeaux Senso et Pierrinno et Grand-père. Grand-mère vit en recluse et reste mystérieuse. Il y a aussi l'autre monde, l'ancêtre Gilles qui fait retourner trois ou quatre générations en arrière. Les deux limites de la famille. Ce «mal-détalenté» vit en exil dans un pays qui pourrait être l'Asie. Un pays inventé où les dragons ne sont pas que symboliques. Magie, talents, esprits sont au rendez-vous.
L'imaginaire de Vonarburg demeure étonnant et séduisant. Les rencontres et les discussions des Encyclopédistes par exemple sont des moments de bonheur. Toute la partie européenne de ce roman s'ancre plus dans le monde réel et retient mieux le lecteur.
«Le vieux temps pèse sur le temps nouveau de tout son poids d'oubli, d'interdit ou de silence. Ceux qui devraient savoir ne savent pas parce qu'on ne leur a pas appris- on ne leur a pas appris parce qu'on ne savait plus. Et ceux qui savent n'en parlent pas parce qu'ils n'osent pas: un autre édit règne, qui n'a rien à voir avec celui de la Reine folle, «la
tradition» dit Grand-père. Il ne faut pas en parler. Cela ne se fait pas. On s'attire des silences désapprobateurs, des gronderies, des punitions. Et l'on apprend à se taire.» (p.33)
Héritages, silences, tabous, l'histoire est ainsi faite.
Mondes parallèles
Élisabeth Vonarburg construit ses mondes avec un bonheur inégal.
«Quant aux autres, pour l'instant, tout ce que l'on peut faire, c'est prier avec ferveur pour eux. Et leur offrir tout ce qui pourra être accompli de bon et de grand en cette terre nouvelle. Il est le seul survivant du naufrage, il est le seul désormais à savoir que le Pays des Dragons existe bel et bien. Et qu'il y règne une magie complètement différente de tout ce qu'on a pu rencontrer ailleurs.» (p.237)
La magie, les talents, les pouvoirs permettent à certains d'assumer une forme de domination et de contrer les ennemis. Vonarburg insiste beaucoup trop sur ces talents, les pouvoirs de la magie et les rôles des Natéhsin et des Xhélin. À force de trop vouloir préciser, elle finit par tout embrouiller.
Peut-être que Vonarburg publie trop rapidement aussi. Il aurait fallu resserrer un peu et pousser plus loin l'écriture. Certains passages grincent un peu aux encoignures.
«Panthère a bondi d'une de ses cachettes et les précède, preste découpe noire et feu, dans le couloir puis dans la tonnelle-appentis à la lumière vitreuse, dansant à la porte de la serre encore mélodieuse du passage de Jiliane, tandis qu'ils retirent leurs souliers pour mettre les sandales.» (p.526)
Madame Vonarburg nous a habitués à plus de tonus.
«Reine de Mémoire 2. Le Dragon de Feu d’Élisabeth Vonarburg est paru aux Éditions Alire.
http://www.alire.com/Auteurs/Vonarburg.html