Girardin touche à tout ce qui fait la vie d’un homme qui voyage et qui prétend tirer des leçons des agissements de ses contemporains. Parce que cet écrivain se veut moralisateur dans un monde sans morale, se veut réflexif et signifiant dans un monde qui se perd de plus en plus dans le virtuel et le jetable.
«Un jour, je suis né et je ne me le rappelle pas. Un autre jour, je vais mourir et je ne me le rappellerai pas non plus.» ( p.90)
Bien sûr une entreprise du genre comporte des risques et Robert G. Girardin bascule parfois dans la facilité.
«La feuille de papier vaut bien la feuille d’aluminium.
Un café seul refroidit vite.» (p.144 )
«À Montréal, je me sens souvent comme un Acadien dans un ascenseur à Moncton.» (p.154)
Regard
Le regard que cet écrivain pose sur le monde révèle plus sa véritable nature que ce qu’il veut dénoncer ou montrer. On devine un concept de la liberté, un genre de vie qui se veut particulièrement proche des années d’errances où il fallait fuir toutes les formes de travail ou d’engagements. Girardin est demeuré fidèle aux années 70, ces années où l’on rêvait l’amour et la paix tout en préparant un monde particulièrement matérialiste et dur.
Pourtant cet ouvrage est nécessaire dans une société où les pauses réflexives sont de moins en moins fréquentes. Ces phrases une fois retournées et scrutées à la loupe réussissent à nous faire sourire, à nous questionner ou nous font hausser les épaules tout simplement. C’est déjà beaucoup.
Girardin écrit le journal du quotidien, propose la réflexion au jour le jour. Il y est question de la vie, de la mort, du sens à donner à l’aventure contemporaine qui affole les plus audacieux, du travail, des guerres et de la violence. Le livre s’est construit au hasard des rencontres, d’une lecture, d’une sortie ou tout simplement d’un mot glané dans la rue. Le lecteur gardera ce qu’il veut.
«Petit à petit, le train s’éloigna, emportant ce moment de bonheur qu’il ne revivrait plus. L’écrivain quitta la gare et retourna à sa mélancolie. Le bonheur, comme l’orgasme, ne dure pas longtemps.» ( p.37)
Que dire devant les folies de la guerre, les affrontements et les tueries sinon répéter, retrouver des formules qui n’ont jamais été comprises. Robert G. Girardin ne s’en prive guère et c’est pour le meilleur et le pire.
«Malgré tout, histoires et aphorismes» de Robert G. Girardin est paru à La Pleine Lune.