Biz est membre du groupe Loco Locass |
Biz est connu pour faire partie du groupe Loco Locass. Il présente dans «Dérives», une première publication, un court récit qui témoigne du désarroi d’un nouveau père.
«Voilà, c’est fait, mon fils est né. Un accouchement comme tous les autres : dans les cris, les pleurs et le sang. Une révolution, en somme. Et pas vraiment tranquille… Mais une révolution à l’envers, qui aboutirait à l’installation d’un roi dans une république jusque-là plutôt pépère. Un petit tyran à l’ego hypertrophié dont les moindres caprices doivent être immédiatement satisfaits, sous peine de hurlements stridents.» (p.7)
C’est un cliché de dire que l’arrivée d’un enfant chambarde la vie du couple. Certains ne s’en remettent jamais. Cette naissance longtemps rêvée est le début d’un long cheminement qui mène à la rupture. Le nouveau-né exige tout de la mère et du père. Les parents ont l’impression d’être aspirés par cette bouche dévoreuse qui demande soins et nourriture. Les horaires se plient aux caprices du nouvel arrivant. Les heures du jour et de la nuit sont fragmentées. La merveilleuse aventure de la vie devient une épreuve, surtout de nos jours où les enfants sont le centre du monde et de la galaxie.
Dégringolade
Biz perd ses habitudes qui étaient pourtant bien ancrées avant l’arrivée de son fils. Il aime ce petit garçon, là n’est pas la question, mais il se retrouve devant un étranger quand il se regarde dans le miroir. Tout bascule. Les contacts avec les amis et sa femme qu’il agresse verbalement. Devant l’inévitable qui se profile, le couple décide de vivre une thérapie.
«À bout de ressources, ma mie m’avait intimé : C’est la psy ou je décrisse. Ça laisse peu de marge de manœuvre. On jouait carrément notre couple et on le savait tous les deux. On s’y rendait toujours dans un silence pesant et solennel. S’il fallait sombrer, ce serait avec la dignité des musiciens du Titanic, qui avaient persisté à jouer jusqu’aux derniers instants du naufrage.» (p.47)
Privé et public
Un récit touchant qui déborde un peu sur la société et le monde politique. Le privé reflète souvent le public. Il y a aussi tout au long de ce récit une allusion à la figure du passeur qui incarne la mort.
Si cette image du navigateur qui s’enfonce dans un marais est un peu déroutante au début, les dernières pages deviennent lumineuses. Le passeur maintenant serait-il celui ou celle qui contrôle les médicaments ? On bascule dans un mode ouaté avec les antidépresseurs qui empêchent de trop descendre et de ne pas trop s’élever.
«Je tentais d’avoir l’air détaché, mais je détestais cette consultation publique, où tous mes problèmes étaient révélés par cette maudite médication. Profesionnelle, elle me regardait sans juger, avec juste ce qu’il fallait de compassion.» (p. 93)
Un sujet que peu d’hommes ont osé aborder. Interdit ou tabou ? Biz le fait avec justesse. C’est un peu raboteux comme écriture, mais combien vrai et signifiant.
«Dérives» de Biz est publié aux Éditions Leméac.