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mardi 17 janvier 2017

Les femmes ont toujours du mal à s'imposer

Marie-Hélène Poitras
QUE VIVENT LES FEMMES en 2017 ? Est-ce plus facile pour elles de s’imposer dans un Québec où les élus affirment sur toutes les tribunes que l’égalité entre les hommes et les femmes est un principe sacré ? Marie-Hélène Poitras et Léa Clermont-Dion se sont penchées sur la question et ont rencontré plusieurs femmes qui ont bousculé les conventions et fait de leur vie une réussite. Constats : c’est plus difficile pour les femmes de faire leur chemin dans une société où les hommes imposent leur modèle. Une femme qui veut atteindre des postes de direction fait face à la discrimination et à des remarques sexistes et fort désobligeantes à un moment ou à un autre. Très difficile pour elles de prendre leur envol, même après cinquante ans de féminisme et de revendications.
Léa Clermont-Dion

L’événement a fait les manchettes à la parution de l’essai Les superbes de Marie-Hélène Poitras et Léa Clermont-Dion. Un individu, sur Facebook, a évoqué Polytechnique et Marc Lépine pour exprimer son désaccord avec les propos tenus par les participantes à cette enquête. Je n’en croyais pas mes oreilles. 
Nous en sommes là en 2017.
Les Superbes met le doigt sur une réalité que l’on refuse souvent de voir. Nous nous complaisons à répéter que l’égalité entre les hommes et les femmes est un acquis en ce Québec de toutes les lamentations ; que les femmes n’ont qu’à vouloir pour s’imposer dans les différentes sphères du travail. Les auteures ont rencontré des battantes qui ont fait leur chemin ou qui occupent des postes importants pour leur demander si elles avaient la certitude d’avoir eu les mêmes chances que les hommes dans leur vie active et leur carrière.
Elles ont écouté Pauline Marois, Cœur de pirate, Fabienne Larouche, Sonia Lebel, Mariloup Wolfe, Louise Arbour, Francine Pelletier, Marie-Mai et quelques autres. Des modèles pour beaucoup de jeunes filles et des exceptions dans notre monde de défis et de réussites.
Toutes ont dû jouer du coude pour faire leur place dans un monde conçu et pensé par les hommes ; toutes ont dû s’imposer et travailler plus que leurs collègues masculins pour arriver là où elles sont. Elles ont dû demeurer imperturbables devant des propos sexistes, des plaisanteries déplacées quand ce n’étaient pas des sarcasmes et le harcèlement.

CONSTAT

Mes lectures, depuis le début de l’année 2017, me font mieux connaître des femmes qui ont marqué leur époque et qui ont vécu en échappant aux normes et aux diktats de la société des hommes. Suzanne Meloche, du groupe des Automatistes qui a refusé de signer Le Refus global, Marcelle Ferron, peintre, qui a su faire son chemin dans le monde des arts.
Marie-Hélène Poitras, écrivaine, a fait sa marque dans la société. Elle aussi aura été la cible de mâles vindicatifs. Sa camarade Léa Clermont-Dion s’intéresse à la situation des femmes et termine un doctorat en sociologie. Elle a reçu des insultes. Des propos à peine imaginables sur les réseaux sociaux où les femmes qui s’affirment et ont du succès sur la scène littéraire ou artistique deviennent particulièrement vulnérables.

La peur qu’on me fasse taire, je l’ai déjà vécue. Comme toi, je venais de passer à Tout le monde en parle pour discuter de mon documentaire Beauté fatale. J’ai dû recevoir par la suite la visite d’un policier parce que je voulais porter plainte en réaction aux menaces de viol et de mort, et aux incitations au suicide que j’avais reçues sur le Web. Je me suis retrouvée seule devant le représentant de la violence légitime détenue par l’État. Ce fut une expérience pénible. Cet abruti s’amusait de ma situation. Il a rigolé devant « mes petites angoisses », si bien que j’ai refoulé mon inquiétude. Et je l’ai fermée, ma gueule. (Lettre de Léa à Marie-Hélène) (p.22)

Que c’est troublant de constater que la situation n’évolue guère dans notre Québec qui se gargarise d’égalité, de liberté et d’ouverture d’esprit. Il existe toujours une forte résistance devant l’affirmation des femmes au travail, des manières de leur compliquer la vie et de retarder leur ascension vers des postes d’autorité. Il suffit de voir les métiers où les femmes travaillent en majorité pour se rendre compte de l’inégalité salariale par exemple. Quand on apprend qu’une femme qui occupe le poste de chef de cabinet pour un ministre du gouvernement du Québec gagne moins qu’un homme pour le même travail, on peut se questionner. Et il semble que le gouvernement Couillard n’a pas l’intention de changer les choses. Les partis d’opposition se sont faits bien discrets sur la question.

EXPÉRIENCE

En 1996, je publiais Le Réflexe d’Adam où je me questionnais sur les relations entre les hommes et les femmes, sur l’éducation que l’on imposait aux hommes dans leur apprentissage. C’était ma manière de réagir à Polytechnique, au geste de Marc Lépine. J’avais été choqué par la publication du Manifeste d’un salaud de Rock Côté. On a ignoré le livre ou on l’a ridiculisé. Chantal Joli à La bande des six a même affirmé que les femmes au Québec en avaient assez des hommes roses. J’osais écrire que le féminisme avait été bon pour moi et m’avait aidé à devenir un homme meilleur. Il ne restait plus qu’à pilonner mon livre. Ce fut fait.
Toutes les femmes savent qu’elles n’auront jamais les mêmes droits et les mêmes chances dans notre société. On préfère toujours « un gars » même s’il est moins compétent. Une femme qui réussit à se faufiler dans les boys clubs, doit en faire plus et souvent elles doivent devenir la pire ennemie de celles qui veulent s’affirmer.

Les savoirs ont été construits par des hommes. Les femmes ont été définies comme incapables d’activité intellectuelle, d’efforts soutenus, et comme des personnes menées par leurs organes de reproduction. C’est l’univers symbolique qui définit le féminin et le masculin, même si on a l’impression d’avoir fait beaucoup de chemin depuis quelques années. Ces représentations rendent illégitime l’activité intellectuelle des femmes. (Hélène Charron) (p.48)

Et que dire des propos d’un Donald Trump sur le physique d’Hilary Clinton dans une campagne électorale qui passera pour la plus honteuse de l’histoire des États-Unis ? Que penser du traitement de l’attentat qui visait Pauline Marois le soir de son élection en 2012 ? Les médias n’ont jamais parlé d’attentat, d’acte délibéré pour éliminer une femme qui prenait le pouvoir et qui n’était pas à sa place. Tout comme on a refusé de dire que Marc Lépine était un terroriste raciste et sexiste. On a parlé de maladie mentale, de fou pour atténuer la gravité des gestes.

MUR

Tout est plus difficile pour les femmes et les prédateurs possèdent une arme terrible maintenant avec les réseaux sociaux. Que penser d’un Gab Roy qui s’en est pris à Mariloup Wolfe d’une manière abjecte ? Toutes les filles ont subi ce genre d’attaques. Dire qu’il était au Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean l’automne dernier et qu’on faisait la file pour aller le voir. Il a même eu droit à une page dans le journal régional.

« Ça m’a affectée, mais j’étais dans un tourbillon et j’avais autre chose en tête. C’est quand j’ai vu l’impact de cette lettre dans les réseaux sociaux et constaté les contrecoups médiatiques qui ont suivi sa publication que j’ai réalisé ce qui se passait. » En vingt-quatre heures, la page Facebook de Mariloup était passée de 500 à 50 000 fans. « Il a fallu que j’engage quelqu’un pour filtrer les messages haineux. Mes fans ne pouvaient pas les lire, mais moi, je voyais, en texte gris pâle, tous les messages envoyés par ceux de Gab Roy. » (p.171)

Toutes témoignent de propos et de messages qui gâchent leur quotidien et finissent par les déstabiliser.
Une femme est un objet sexuel avant tout dans notre monde. On a passé des années à parler des vêtements de Pauline Marois ou de l’allure d’Hilary Clinton. Je n’en reviens pas de la photo d’elle à la Une de L’actualité. On la présentait ridée et vieillissante. Qui se questionne sur les complets de Philippe Couillard ou de Denis Coderre ? De la beauté d'un Donald Trump ?

REGARD

Il est réjouissant de voir Marie-Hélène Poitras et Léa Clermont-Dion reprendre le flambeau et dénoncer cette inégalité qui existe encore et toujours entre les hommes et les femmes. Je n’avais pas imaginé que des individus pouvaient écrire des messages haineux parce qu’une écrivaine vient de remporter un prix littéraire ou encore qu’une comédienne connaît du succès.
C’est aberrant en 2017.
Et il y a des manières plus pernicieuses de les ignorer. L’article de Lori Saint-Martin sur la présence des œuvres écrites par des femmes dans la section livre du Devoir est pertinent. La réponse de Fabien Deglise est incroyable. Une belle manière de signifier à madame Saint-Martin que rien ne changera et qu’elle peut continuer à tenir sa comptabilité.
Une ségrégation insidieuse qui s’infiltre partout et qui fait en sorte que les femmes ne sont toujours pas des égales et n’ont pas les mêmes chances dans notre belle province.
Je ne peux que saluer le courage de Léa Clermont-Dion et Marie-Hélène Poitras. Pas facile de se lever pour témoigner d’une situation qui n’évolue guère. Vous êtes superbes. Malheureusement, on va vous ignorer comme on le fait toujours en continuant de répéter des clichés sans jamais regarder ce qui se vit dans la vraie vie pour reprendre le dernier titre de l’écrivaine Nicole Houde. Je vous salue bien bas et vous avez toute mon admiration.

LES SUPERBES de LÉA CLERMONT-DION et MARIE-HÉLÈNE POITRAS est publié CHEZ VLB ÉDITEUR.


PROCHAINE CHRONIQUE : LE PALAIS DE LA FATIGUE de MICHAEL DELISLE, paru chez BORÉAL ÉDITEUR.




lundi 17 février 2014

La pacifiste et le guerrier se comprennent

Elle est pacifiste, antimilitariste. Il est soldat, en mission à Kaboul, en Afghanistan. Tout les sépare, rien ne peut faire en sorte qu'ils se comprennent et partagent ce qu’ils vivent. C'est pourtant ce qui arrive à Roxanne Bouchard, enseignante, écrivaine et un militaire du 22e régiment, Patrick Kègle. Une belle manière de mettre ses convictions à l'épreuve, d'écouter l’autre, de comprendre ce que chacun vit et peut-être trouver qui ils sont au-delà des idées préconçues et les différences. Un bel exemple d'empathie et de curiosité.

Tout commence de façon anodine. Patrick Kègle, de Kaboul, écrit à son groupe favori Les Charbonniers de l’enfer. Il apprécie leur musique et écoute souvent leur dernier disque dans ce pays du bout du monde. Roxanne Bouchard, étant alors la compagne d’un membre du groupe, lui répond. C’était en 2004. C’est ainsi que commence une correspondance. Les messages, avec de longues interruptions, circuleront jusqu’en 2009. La magie d’Internet permet ça. Kim Thuy et Pascal Janovjak ont vécu un échange du genre dans À toi. Cette nouvelle technologie permet des contacts qu’il était à peu près impossible, il n’y a pas si longtemps.

Le temps pour le militaire d’aller au bout de sa mission, de rentrer au Québec et de connaître les affres du retour avant de repartir à Kandahar.
Pendant ces années, Roxanne Bouchard voit son couple s’étioler, vit une séparation difficile, deviendra l’écrivaine que l’on connaît, voyagera dans les mers du Sud pour se refaire une santé émotive.

Je suis militaire. Je me suis engagé à défendre mon pays et les valeurs qui font de lui un havre de paix. (p.9)

Elle fait écho à cette déclaration.

J’étais antimilitariste quand, en 2004, j’ai reçu le premier courriel du soldat Kègle. Posté à Kaboul, il disait travailler au rétablissement de la paix. (p.9)

Il raconte ses missions, les dangers du quotidien, ses peurs et l’horreur qui le fixe tous les jours. La mort rôde chaque fois que le soleil se lève. Elle tente de comprendre ce qui l’anime, ce qu’il ressent en vivant avec une arme qui ne le quitte jamais. Pourquoi surtout il accepte de vivre ça.

L’autre jour, en lisant cette lettre où tu me parlais de l’attentat et de ton inquiétude, je me suis aperçue que mes propos antimilitaristes, je les énonçais avec dureté et que, finalement, j’avais l’air plus agressive avec mon crayon que toi, malgré tes fusils. Moi qui prêche l’ouverture d’esprit, le respect et la compréhension de l’autre, je n’ai pas été très aimable depuis le début de cette correspondance et je m’en excuse. (p.54)

Patrikc Kègle raconte souvent ce qu’il cache à sa femme pour ne pas l’inquiéter. Roxanne Bouchard est secouée par les propos de ce guerrier qui fait preuve d’un humanisme que bien des pacifistes pourraient lui envier.

Compréhension
 
Les courriels vont, d’un monde à l’autre, abolissent le temps et l’espace. Ils vivent des doutes, connaissent des hésitations. Une femme et un homme tentent de se comprendre. Deux univers se rapprochent.
Il rentre de mission, vit une dépression, celle qui touche beaucoup de militaires à leur retour, vit aussi une séparation. Elle doit surmonter des moments difficiles. Une solitude qu’elle doit apprivoiser dans sa nouvelle vie, avant de rencontrer un nouvel amoureux.
Ce dialogue permet peut-être d’aller au-delà de ce qu’ils auraient pu se dire dans des tête-à-tête. Admirable franchise qui résiste malgré les bouleversements qui secouent leur vie.
Un dialogue vrai, senti, souvent amusant. Roxanne Bouchard, malgré ses épreuves, possède un solide sens de l’humour. Les deux deviendront de meilleurs humains grâce à cette amitié improbable, à cette correspondance exemplaire.

Bouchard Roxanne, Kègle Patrick, En terrain miné, Correspondance en temps de guerre, Montréal, VLB Éditeur, 240 pages, 24,95 $.
Ce qu’ils ont écrit :

Patrick Kègle

Tu sais, on a rencontré des mollahs dernièrement et plus de la moitié ne savaient ni lire, ni écrire… Alors ne va pas t’imaginer qu’ils comprennent le Coran puisqu’ils ne parlent pas arabe non plus ! Ce sont ces mêmes mollahs qui dictent la bonne conduite au peuple ! (p.34)

Roxanne Bouchard

Qui partira en guerre contre les touristes qui achètent, sur les plages ensoleillées de la République dominicaine, de petites esclaves haïtiennes ? Qui dénoncera les exploiteurs d’ouvrières sous-payées dans les usines textiles de Vancouver, de Montréal ? Que faire avec tous ceux qui battent leur femme et jouissent sur le corps violé des enfants ? (p.43)

Patrick Kègle

Nous avons su par la suite par les services médicaux qui étaient sur place avec nous que les femmes ne pouvaient être vues ni soignées, que les conditions d’hygiène étaient archaïques : jamais aucun bain ou aucune douche n’avaient été pris… Pas surprenant en cette terre aride. (p.80)

Roxanne Bouchard

Il ne s’agit pas toujours de faire un geste en mémoire de, mais uniquement de se rappeler. Parce que tu te rappelles de ta mère, elle ne mourra jamais et c’est toi qui la sauves de l’oubli. Parce que tu ne l’oublies pas, tu témoignes à quel point elle a été importante. Sa vie a été importante. (p.205)


samedi 12 mai 2012

Véronique Marcotte ne réussit pas à s’envoler

Véronique Marcotte insiste. Elle ne veut pas de malentendu. «Aime-moi» raconte une histoire vraie. Les personnages ont existé et existent peut-être encore. Seuls les noms ont changé.


Une petite fille séquestrée par une secte religieuse, dont le principal cérémonial consistait à l’agresser, constitue la trame de cette histoire sordide.
Pas étonnant que l’adolescente soit perturbée et qu’elle éprouve des problèmes de comportement. Elle régresse par moment et combat un cancer en plus.
Judith est touchée et entend démontrer que des hommes et des femmes peuvent être généreux. En fait toute la famille de Judith adopte Maëlle et s’occupe d’elle.

Hésitation

Et voilà ! Retournement dramatique. Tout cela était pure invention. Maëlle a tout imaginé. Il n’y a jamais eu de secte, de viols et de tortures. Cette enfant est une manipulatrice, une menteuse et une fabulatrice. Tous les qualificatifs du dictionnaire sont incapables de qualifier cette femme qui aurait plus de trente ans et qui réussit à se réincarner en adolescente !
Judith, Maëlle et la narratrice, prennent la parole tour à tour. Peut-être pas une bonne idée. Surtout dans le cas de Maëlle.
Ça sonne faux, tout le temps. J’ai eu de la difficulté à adhérer à ce récit même en y mettant toute ma bonne volonté. Toujours repoussé, rejeté hors de cette histoire.
«Quand elle a traversé le pont de la rivière des Mille-Îles, elle n’a pas remarqué comme d’habitude le parfum que dégageait une nature plus dense que celle, disséminée, de la ville. Le bonheur inhérent au fait de rentrer à la maison s’absentait, disparaissait, comme coupable devant tant de misères.» (p.29)
Malheureusement, l’écriture de Véronique Marcotte n’est jamais à la hauteur. C’est maladroit, rugueux, sans emportement. C’est ce qui fait peut-être que jamais je n’ai réussi à embarquer dans cette fable.
Véronique Marcotte échoue dramatiquement. Cette histoire est peut-être vraie, mais il en faut plus pour retenir le lecteur.

«Aime-moi» de Véronique Marcotte est paru chez VLB Éditeur.

lundi 15 août 2011

Guy Lalancette vit la mort de sa soeur


Un accident de la route a emporté la sœur de l’écrivain Guy Lalancette. C’était l’hiver, la nuit peut-être, un vendredi qui mettait fin à une semaine folle de gestes et de préoccupations. Et, il y a eu la sonnerie du téléphone, une voix. 
«C’est à distance que le  bruit est arrivé jusqu’à moi. Le bruit obsédant du téléphone, ce vendredi soir de janvier, à l’heure de la vaisselle.»  (p.18)
La sœur, la complice qui avait partagé ses secrets, ses lubies et ses mondes imaginaires venait de succomber. Il n’y avait plus de mots, il n’y avait plus de phrases.
«Ta mort ne se raccommode pas. Je ne sais pas comment rapiécer ce manque que j’ai, cette absence bruyante qui tombe dans mes nuits surtout et réveille ton souvenir.»  (p.28)
Les rires, les jours heureux, les peurs et les craintes reviennent dans une vague. Tout ce vécu qui se bouscule.
«La mort, ça fait du bruit en tombant. C’est toujours un accident. Quand la mort tombe sur un plancher de bois, il y a tout l’écho que ça fait. Le bruit s’étend aux alentours, se heurte au lit des planches, s’incruste, marque et fend. L’éclat d’une cassure.» (p.17)

Cauchemar

Les frères et les sœurs s’amènent de partout et figent autour du cercueil pour se rassurer, pour être certain de ne pas vivre une hallucination.
«Elle est là, dans un grand cercueil rouge, verni, lustré, lumineux, habillé de coussins et de parements qui lui font un grand nuage ouvert sur une mort vive. On l’a couchée presque vivante dans sa blouse jaune à fleurs blanches, sa préférée, ses mains jointes sur le ventre d’un bonheur tranquille comme si l’on voulait la faire sourire encore un peu.» (p.1
L’écrivain, le frère dévasté, tente de se guérir par les mots. La mort fait les manchettes des journaux et de la télévision. Une itinérante est retrouvée gelée dans une ruelle de Montréal, une jeune fille se pend dans le garage familial après une rupture amoureuse, un homme tue sa femme et ses enfants avant de rater son suicide. Toutes ces morts en écho à sa propre fin qui viendra bien un jour, sur la pointe des pieds ou dans un grand fracas.
«J’entends déjà le bourdonnement que fait ma propre mort comme un ventre habité. Une grossesse dévorante qui se nourrit aux murmures de chaque heure, de chaque journée, prenant aux battements du cœur tous les instants échappés.» (p.65)
La tragédie familiale s’amalgame à ces décès qui marquent les jours, témoignent des folies, de l’indifférence et de la haine qui aveugle partout.
Un sujet difficile, une écriture un peu rugueuse pour témoigner de ce grand bouleversement qui brûle l’être. Un court récit senti et particulièrement émouvant.

«Le bruit que fait la mort en tombant» de Guy Lalancette est paru chez, VLB Éditeur.

dimanche 23 janvier 2011

Guy Lalancette aborde un sujet très difficile

Si j’ai bien compris, le récit de Guy Lalancette a été «exhumé des oubliettes où… il espérait» depuis un certain temps. La directrice littéraire de VLB Éditeur, Marie-Pierre Barathon, serait à l’origine de cette résurrection.
«Le bruit que fait la mort en tombant», quel titre magnifique, s’attarde à un accident de la route qui a emporté la sœur de l’écrivain. C’était l’hiver, la nuit peut-être, un vendredi, après le repas qui met fin à une semaine étourdissante. Il y a eu une sonnerie du téléphone, un appel du bout du monde. Une nouvelle du genre fige et laisse sans paroles. Possiblement alors que la Terre hésite une petite éternité avant de reprendre sa rotation. Les mots ne savent plus être les mots.
«C’est à distance que le  bruit est arrivé jusqu’à moi. Le bruit obsédant du téléphone, ce vendredi soir de janvier, à l’heure de la vaisselle.» (p.18)
La sœur, la complice des jeux d’enfance, celle qui a partagé ses secrets, ses lubies et ses mondes imaginaires vient de périr dans un accident imprévisible et inexplicable.
«Ta mort ne se raccommode pas. Je ne sais pas comment rapiécer ce manque que j’ai, cette absence bruyante qui tombe dans mes nuits surtout et réveille ton souvenir.» (p. 28)
Les souvenirs, les rires, les jours heureux, les peurs et les craintes reviennent dans un tourbillon. Tout le vécu se bouscule dans le présent.
«La mort, ça fait du bruit en tombant. C’est toujours un accident. Quand la mort tombe sur un plancher de bois, il y a tout l’écho que ça fait. Le bruit s’étend aux alentours, se heurte au lit des planches, s’incruste, marque et fend. L’éclat d’une cassure.» (p.17)

Cauchemar

Les frères et les sœurs se retrouvent autour du cercueil pour se rassurer, pour être certain de ne pas vivre une hallucination qui broie la mémoire.
«Elle est là, dans un grand cercueil rouge, verni, lustré, lumineux, habillé de coussins et de parements qui lui font un grand nuage ouvert sur une mort vive. On l’a couchée presque vivante dans sa blouse jaune à fleurs blanches, sa préférée, ses mains jointes sur le ventre d’un bonheur tranquille comme si l’on voulait la faire sourire encore un peu.» (p.16)
L’écrivain, le frère abandonné, prend conscience de ces drames qui font les manchettes des journaux et de la télévision. La banale tragédie ou le grand spectacle que sont devenus les guerres maintenant.
Une itinérante retrouvée gelée dans une ruelle de Montréal par un froid sibérien; une jeune fille qui s’est pendue dans le garage familial après une rupture; un homme qui tue sa femme et ses enfants avant de rater son suicide. Toutes ces morts traumatisent les proches et les témoins. Comme un écho à sa propre fin qui approchera un jour ou l’autre, sur la pointe des pieds ou dans une bourrasque.
«J’entends déjà le bourdonnement que fait ma propre mort comme un ventre habité. Une grossesse dévorante qui se nourrit aux murmures de chaque heure, de chaque journée, prenant aux battements du cœur tous les instants échappés.» (p.65)
La tragédie familiale s’amalgame à ces décès qui marquent les jours, témoignent des folies, de l’indifférence, de la haine qui aveugle partout, de l’absurdité de la vie d’une certaine manière.

Bouleversement

Un sujet difficile, une écriture rugueuse pour témoigner de ce grand bouleversement qui retourne l’être.
Le lecteur s’arrache à cette lecture en guettant ses gestes et ses mouvements. Sa propre respiration devient obsédante et douloureuse même. Il faut souvent cet arrachement pour vivre pleinement face au temps qui saccage tout.
Un pari audacieux que relève Guy Lalancette parce que nous n’aimons guère s’attarder à la mort dans nos sociétés, la refusant et la niant même. Le romancier ramène cette réalité que nous avons tous connue avec la perte d’un père, d’une mère, d’un frère ou d’une sœur. Un court récit senti et poignant.

«Le bruit que fait la mort en tombant» de Guy Lalancette est publié chez VLB Éditeur. 
http://www.edvlb.com/guy-lalancette/auteur/lala1001