Stéfani Meunier est une jeune écrivaine qui a su s’imposer rapidement avec des romans qui se présentent comme de grandes fresques qui évoquent des générations ou des époques bien particulières de notre société. «L’étrangère» et «Ce n’est pas une façon de dire adieu» paru en 2007 nous plongent dans des relations difficiles entre les hommes et les femmes, des ruptures qui surgissent quand personne ne peut le prévoir.
«Et je te demanderai la mer», son troisième roman ne fait pas exception. Stéfani Meunier s’intéresse avant tout aux humains. Ses titres tombent comme un fragment de récit qui donne envie d’aller plus loin.
Des amours naîssent, s’épanouissent et se fânent tout aussi rapidement. La passion se change en indifférence quand ce n’est pas en haine. La vie n’a jamais été facile mais en échappant aux balises du mariage, il faut emprunter d’autres avenues, regarder d’une autre manière ce désir des femmes et des hommes de se rencontrer et d’avoir des enfants. Il suffit de si peu pour que tout se brise. Les couples qui résistent à l’usure des années se font de plus en plus rares.
Ruptures
Dan a fui un ménage qui battait de l’aile. Il laisse tout derrière lui pour tenter de guérir sa blessure. Il achète un motel un peu délabré et croit pouvoir trouver la paix et la guérison en s’abrutissant de travail. Il a tout laissé à sa femme Rachel qui est terriblement angoissée par son fils Marco. Elle craint toujours le pire et s’empêche de vivre. Il n’avait pas prévu qu’une femme alcoolique et son fils loueraient une chambre. Léo s’attache à Dan et une belle amitié naît. Le jeune a besoin de Dan et lui a besoin de Léo pour oublier sa douleur et retrouver un fils peut-être. C’est cette longue poussée vers la lumière, le bonheur qui constitue la trame narrative de ce roman de résilience, d’accalmie et de paix.
Un ouvrage fort sympathique, bien mené, avec des personnages qui se transforment, habités qu’ils sont par un désir de bonheur, de chaleur et de contact humain. Une réconciliation difficile dans le cas de Marco et Léo, entre les pères et les fils, les mères et les fils. Tous finissent par dompter leurs démons pour vivre une certaine paix. Un peu idyllique peut-être, mais la fiction est là pour nous faire croire que tout est possible et qu’il n’y a pas que le malheur qui enfonce ses racines.
Léo
Le jeune Léo jouera un grand rôle dans cette histoire, devenant celui qui noue des intrigues, fait en sorte que les choses arrivent et se réalisent. Un passeur fort sympathique qui s’amuse à chercher les monstres au fond des océans. Il réussira surtout à apprivoiser les monstres qui se cachent dans chacun des personnages.
Au début, on est un peu surpris par le changement de narrateur mais le lecteur s’habitue rapidement à ce saut. Nous bondissons à la fois dans l’esprit des intervenants qui présentent chacun une facette de cette histoire. Nous nous habituons à cette gymnastique et on s’amuse de ce changement de point de vue.
Nous avons besoin d’un tel roman, de croire que les humains sont bons et gentils, et qu’ils finissent par dompteur leurs démons pour vivre sans blesser ou écraser les autres. Des personnages fort attachants, un roman qui glisse tout en douceur, nous entraîne vers cette paix tant convoitée.
Après des blessures qui duraient toute une vie dans ses romans précédents, Stéfani Meunier franchit une étape dans «Et je te demanderai la mer». Tout n’est pas terminé quand une vie se brise pour une raison ou une autre. La vie est coriace, particulièrement forte et elle finit toujours par cicatriser les plus incroyables blessures. Non, le malheur n’est pas une fatalité. Il suffit de prendre le temps, de croiser les bonnes personnes. Même les enfants peuvent aider les adultes à guérir tout comme les adultes le font.
C’est juste, beau, plein de santé. C’est plutôt rare dans notre littérature parce que les jeunes écrivains sont plutôt sombres et existentiels.
«Et je te demanderai la mer» de Stéfani Meunier est publié aux Éditions du Boréal.