Quel plaisir de voir les
Éditions Trois-Pistoles publier un nouveau volet de la série «Contes, légendes
et récits du Québec et d’ailleurs».
Un volume impressionnant de
530 pages pour cette quatorzième étape de la collection. Cette fois,
destination l’Abitibi-Témiscamingue, un territoire longtemps le fief des
chasseurs et des trappeurs. Les colons se sont risqués plus tardivement dans cette
Terre promise. C’est du moins ce que laissait entendre la propagande de
l’époque.
Les chercheurs d’or devaient
tout bousculer dans une troisième vague. Ces aventuriers ont quadrillé le pays
dans l’espoir de faire fortune, bousculant les rêves et des déceptions. Les
Québécois francophones étant plus souvent qu’autrement témoins de
l’appropriation de leur richesse minière par des étrangers. Un Plan Nord d’une
autre époque, mais avec une même approche.
Un pays encore jeune, un
territoire immense, des paysages à couper le souffle et un climat qui peut
effaroucher les plus téméraires.
«La présence des Autochtones,
la traite des fourrures, la spoliation des richesses naturelles, la
colonisation assistée, la ruée vers les métaux précieux et une situation
géographique aux marges de l’écoumène ont laissé des traces dans l’imaginaire
régional qui s’est construit au carrefour des rencontres multiples», explique
Denis Cloutier, le coordonnateur de cette publication.
Grande époque
Quelques explorateurs ont
traversé ce territoire alors que l’on pratiquait la traite des fourrures, sans
compter les Autochtones qui y vivaient depuis fort longtemps. Indiens et Blancs
se côtoyaient dans des postes de traite. A noter que les textes de cette époque
parlent des Sauvages et non pas des Algonquins. A lire la visite de Mgr
Joseph-Thomas Duhamel, évêque d’Ottawa, en 1881 qui prend les proportions d’une
visite papale.
L’Abitibi-Témiscamingue aura
été le refuge de nombre de Québécois qui, n’ayant pas d’argent et de travail
s’y sont installés en espérant s’inventer une nouvelle vie. La grande
colonisation changera le visage de cet immense territoire.
Aventure
Colons qui construisent une
cabane au cœur de la forêt avec peu d’outils. L’isolement, les moustiques, le
froid et la neige font partie du quotidien de ces désespérés qui n’ont qu’un
choix: survivre. Il faut imaginer le courage qu’il a fallu à ces hommes et ces
femmes pour défricher des terres et bâtir des paroisses. Une maigre subvention
les empêchait de mourir de faim les premières années.
Avec les prospecteurs, des
villes sont sorties de la forêt. Rouyn et Noranda par exemple. Une ville
modèle, propre, dessinée par la compagnie et Rouyn qui pousse anarchiquement, devient
le rendez-vous de tous les aventuriers qui tentent de faire fortune avec tout
ce que cela comporte.
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Jeune
Ce pays étant relativement
jeune, des témoins ont écrit sur la colonisation et cette grande épopée. Des
écrivains comme Arthur Buies, Gabrielle Roy, Félix-Antoine Savard ont raconté
cette époque. À lire Gabrielle Roy dans ses récits journalistiques. «Heureux
les nomades» est un bijou où elle accompagne une famille qui va s’Installer dans
ce pays neuf.
Des écrivains fort connus au
Québec ont vécu leur enfance dans ce coin de pays. Yves Beauchemin, Raoul
Duguay, Louise et Richard Desjardins, Jocelyne Saucier et Suzanne Jacob.
Des écrivains marquants
signent des textes dans ce magnifique ouvrage. Signalons Jeanne-Mance Delisle et
Louis Hamelin, Josée Bilodeau et Isabelle Vaillancourt.
«Contes, légendes et récits
de l’Abitibi-Témiscamingue» raconte une époque qui sort de l’ordinaire. Des
aventures incroyables, des textes qui font frémir. Je pense en particulier à
«La ruelle rouge» d’André Lemelin.
Une appropriation de cet
immense territoire par les écrits de maintenant et d’hier. Un livre qui
témoigne d’une page importante de l’aventure du Québec. C’était hier, c’est aujourd’hui
peut-être alors que l’on s’apprête à envahir les espaces du Nord.
«Contes, légendes et récits de
l’Abitibi-Témiscamingue» de Denis Cloutier est paru aux Éditions
Trois-Pistoles.