Donald Alarie ne sera jamais de «Tout le monde en parle» et il n’est pas l’homme à convoquer les médias pour marteler ce qui l’indigne dans une campagne électorale. Il vit à l’ombre des mots et des phrases depuis une trentaine d’années. Cette discrétion est le lot de quatre-vingt-dix-neuf pour cent des écrivains. Pour une Marie Laberge, il y a des centaines de Donald Alarie.
Comme presque tous les écrivains au Québec, il exerce un autre métier pour survivre, devient son propre mécène pour constituer cette littérature qui fait notre fierté et constitue notre identité.
«David et les autres» prend la couleur de l’échange à voix basse un soir de septembre quand la douceur de l’air permet de s’attarder sous les étoiles. Une qualité humaine d’une justesse remarquable qui fait un clin d’œil à d’autres écrivains du Québec qui vivent dans l’ombre. Sans avoir sa notoriété, Alarie emprunte la voie d’un Jacques Poulin qui ne fait jamais de vagues, mais sait rejoindre des lecteurs qui lui sont fidèles. Depuis 1977, il a signé une vingtaine de romans, de recueils de poésie et de nouvelles, constitué une œuvre impressionnante par sa diversité et sa variété. Il présente encore une fois un roman qui tombe comme une sonate de Debussy. Un roman touchant par sa vérité, sa qualité et sa justesse. Son poids existentiel, je dirais.
Lecture et écriture
David connaît très tôt les joies de la lecture. Il ne s’en remettra jamais. Un plaisir qui l’accompagnera sa vie durant. Il éprouvera autant de plaisir à lire qu’à écrire.
«À cause d’une petite bêtise qu’il avait faite, on décida de mettre le jeune David en pénitence. Seul pendant trente minutes, dans un coin. Mais, erreur importante, on lui laisse le droit de prendre un livre. On croyait ainsi le priver de la vie. Pourtant il vivait plus que jamais, parti en voyage, avec ce livre à la main, debout près d’un mur en apparence sans intérêt.» (p.11)
Jeune homme, il étudie en lettres, devient écrivain et père d’une petite fille. Le couple vacille et ils doivent se résoudre au divorce. Rien de particulier jusque-là sauf cet arrangement où Annie, leur petite fille, reste à la maison. Les parents deviennent les nomades et prennent le relais semaine après semaine. Découlera de cette rupture une longue vie de solitaire marquée par quelques aventures et l’amitié. On croirait retrouver un personnage de Gilles Archambault, la mélancolie en moins. Cet homme tranquille prend soin de sa fille, de son père, évite le côté médiatique de la carrière d’écrivain, les jeux de société qui accompagnent les manifestations littéraires. Pour survivre, il effectue des travaux de bricolage où il croise des gens qui l’étonnent, le surprennent et l’inspirent. Il passera sa vie dans le même quartier, la même petite ville, en marge des grands événements. Parfois il croise quelques lecteurs perspicaces. Cela devient un événement.
«Et là commença, en même temps que les cheveux fraîchement coupés de l’écrivain continuaient à tomber sur le sol, ce qu’il est convenu d’appeler une discussion littéraire. David réalisa que ce coiffeur était un très bon lecteur. Tout ce que celui-ci avait noté était fort juste. Il avait même fait une lecture plus perspicace qu’un certain critique qui avait parlé de son recueil en termes recherchés, mais sans parvenir à convaincre David qu’il l’avait lu en totalité.» (p.68)
Ce récit intimiste, marqué par une légère teinte d’humour, permet à Donald Alarie de faire le tour de sa vie d’écrivain. Il est difficile de ne pas associer son héros à sa propre démarche. On reconnaît son premier éditeur Pierre Tisseyre et ceux qui l’accompagneront par la suite, des écrivains qu’il admire de loin aussi, qu’il perçoit comme des frères et qu’il n’ose pas aborder.
Le témoignage d’un homme simple, effacé qui a choisi la simplicité et qui consacre son existence à donner du sens, à écrire et à s’occuper des autres autour de lui. Il voit l’âge le bousculer doucement, le temps l’avaler irrémédiablement, sans fracas, sans bruit à l’image de sa vie. Il peut dire qu’il a vécu pleinement malgré tout.
Un roman touchant, toute de finesse, de douceur qui nous pince là où c’est le plus sensible.
«David et les autres» de Donald Alarie est paru aux Éditions XYZ.
http://www.editionsxyz.com/auteur/80.html
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