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jeudi 22 novembre 2007

Philippe Porée-Kurrer surprend encore

Philippe Porée-Kurrer, depuis la parution du «Retour de l’orchidée» en 1990, n’a cessé de dérouter. Cet écrivain vit sa vie comme un roman et en fait une aventure. Il n’hésite jamais à changer de lieux et à dire oui à toutes les expériences. Il a vécu à Windsor, dans les Maritimes, en Colombie-Britannique, fait le tour de l’Amérique, séjourné au Lac-Saint-Jean et travaille présentement à Toronto. Il était de retour dans «sa région» lors du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean, en septembre, pour fêter le trentième anniversaire des Éditions JCL. À cette occasion, il lançait un roman au titre un peu étrange: «La main gauche des ténèbres».
Cet écrivain originaire de Fécamp, en Normandie, ignore les chemins convenus et les balises. Que l’on songe à son incursion du côté de «Maria Chapdelaine». Il fallait une belle audace pour s’intéresser aux personnages de Louis Hémon et imaginer une suite.
Signalons surtout «Chair d’Amérique», un roman initiatique où il s’attarde à un jeune Français qui rêve du Nouveau Monde, se nourrit des écrivains américains et cherche à s’inventer une autre vie. Un grand roman qui n’a pas eu l’audience qu’il aurait dû recevoir. Que dire aussi de «Shalôm», cette formidable incursion dans le territoire israélien. Il y brosse des images et des décors inoubliables. Un ouvrage également passé inaperçu.

Bien et mal

Dans «La main gauche des ténèbres», Porée-Kurrer reprend le mythe du Christ et de Marie. Miriam accouche d’une fille tout en demeurant vierge.
«Il serait faux de prétendre que Miriam tombe des nues ; quelque part, dans ce que l’on nomme le subconscient, elle en avait déjà un peu l’intuition. Mais entre cela et la connaissance directe du fait, il y a un abîme. Elle n’est donc pas terrassée par la surprise, mais chancelle sous le choc de ce qu’implique pour elle le fait d’être enceinte ; enceinte et vierge ! Rien, dans tout ce qu’elle a pu apprendre, ne lui indique que la chose soit possible. Pourtant, malgré cette impossibilité, la première certitude qui se fait en elle est qu’Adam, qui ne l’a jamais touchée et qui n’est pas son mari, ne peut être que le seul père possible et envisageable.» (p.68)
La jeune mathématicienne élève seule sa fille Hella, reste fidèle à cet époux vite disparu même si le corps et les désirs sont difficiles à brider. Elle finira par croiser Loki, un Islandais qui déteste l’univers et cherche à détruire l’humanité. Il œuvre en Chine où tout est possible et imaginable. Avec sa fortune, le contrôle des médias, il peut déclencher des famines, provoquer des guerres, plonger l’humanité dans des conflits qui menacent l’avenir du genre humain.
Le Bien et le Mal s’attirent autant qu’ils se repoussent, ne peuvent exister l’un sans l’autre. Ce sont des forces centrifuges et centripètes. Les contes populaires ont bien saisi cette nécessaire confrontation où Dieu réagit aux manigances de Belzébuth. Le Diable est toujours vaincu et floué par les forces du Bien, comme il se doit. Porée-Kurrer, quant à lui, ne s’embarrasse pas de la morale et donne toute latitude au Mal.

Personnages

Tout bascule en Islande, dans ce pays à la frontière de deux continents, à cheval sur une faille qui sépare l’Europe de l’Amérique. La disparition d’Hella, lors d’une escale, déclenche l’éruption d’un volcan plutôt sage jusqu’à maintenant.
Fin observateur de la société, l’écrivain voit bien que l’Occident, avec la mondialisation et la déréglementation de tous les marchés, va à sa perte. Son roman repose sur une trame qui fait appel aux mathématiques quantiques, aux grandes légendes nordiques, aux principes physiques qui équilibrent l’univers et les galaxies. Le futur repose sur ces forces cosmiques qui se neutralisent. Il suffit de si peu pour que tout dérape. Qui sait si depuis une décennie, les États-Unis d’Amérique ne sont pas devenus cette «terrible main gauche» qui, en cherchant à éradiquer l’axe du Mal, a multiplié les zones de conflits et les attentats. Un roman étonnant qui ramène à des pulsions, des tourments moraux et des problématiques essentielles. L’écriture s’efface pour donner toute la place aux personnages. Porée-Kurrer reste un formidable conteur.

«La main gauche des ténèbres» de Philippe Porée-Kurrer est paru aux Éditions JCL.
http://www.jcl.qc.ca/fr/biographie.php?id=164

mardi 1 juin 2004

Un troisième roman pour Hélène Potvin

Hélène Potvin vient de lancer un troisième roman aux Éditions JCL. Un gros bouquin de plus de 400 pages intitulé «Les Marchandes d'espoir». Cette auteure nous plonge dans un monde un tantinet ésotérique et étrange. Oui, certaines personnes peuvent avoir des dons de télépathe ou la faculté de «percevoir» ce que le commun des mortels ignore. Je ne discuterai pas cet univers. J'ai des amis qui ne jurent que par les anges et les entités qui accompagneraient les humains dans leurs périples. À chacun ses croyances!
Le roman permet toutes les aventures. On peut plonger dans le récit historique ou s'évader dans un monde de pure imagination. Toutes les routes sont ouvertes dans le merveilleux monde des mots. Le passé, le présent, l’avenir, tout peut être exploré.
J'avoue avoir arrêté ma lecture après une cinquantaine de pages. Je n'en pouvais plus de cette histoire qui se mord la queue et de cette écriture qui carbure aux hormones. En prime, un vernis poétique d'une mièvrerie navrante.
«Le regard de sa cliente, quoique encore alourdi par la transe hypnotique, suffit à lui couper net la parole. Non parce que celui-ci était méchant ou rageur ou même qu’il exprimait une vive déception – ce qui aurait été légitime dans les circonstances -, mais bien parce que le regard de la femme muette, aux yeux miroirs de l’insondable, habile à déchiffrer son impuissance, paraissait suppliant.» (p. 21)

Le retour


Et puis après avoir fait une longue promenade le long de la rivière aux Sables, je me suis répété qu'Hélène Potvin est une auteure professionnelle. Plus, elle semble vouloir s'installer dans l'écriture. J'ai repris ma lecture. Un cheminement pénible, un effort de tous les instants, il faut le répéter. La réincarnation, une histoire d'améthyste que l'on transmet de génération en génération, des âmes soeurs qui se reconnaissent au premier regard, je peux le prendre mais il y a la manière.
«Mal à l’aise dans son espace familier, égaré dans son antre connu, pris au piège de son cerveau gauche qui avait rarement donné libre cours au droit, le professeur se leva et se posta devant la fenêtre. Le temps boudait toujours le soleil. Par contre, bien qu’on fut en décembre, la température s’attardait paresseusement aux degré d’automne.» (p. 192)
Plus de 400 pages pour traiter de philosophie, de l'âme, de l'avenir de l'homme et de la planète sans jamais formuler une idée originale, c’est quasi un exploit. Hélène Potvin répète continuellement les mêmes clichés. La réflexion n'a rien à voir avec ce sentimentalisme primaire et éculé.
«Une eau étincelante se répandait doucement sur les joues de son amie.» (p. 122)
Ce roman tient bien mal la route et rebute le lecteur un tant soit peu exigeant. Et l'écriture? Ah, l'écriture... Que faire quand on s’enfarge dans des phrases semblables?
«Par conséquent, elle parlait peu, ce qui favorisait le silence, l’observation et l’attention.» (p.83)
«Elle la trouvait particulièrement belle dans ses silences ouverts, libres du temps, et surtout attachante par ses paroles vécues.» (p. 119)
«Pour la première fois cependant l’homme expérimentait un silence fécondant d’une intensité palpable, qu’il qualifia mentalement de vivant, porteur d’une doublure.» (p.221)
«Debout devant la fenêtre dévêtue, Janine, tout aussi dépouillée, se dit que son euphorie avait été de bien courte durée.» (p. 334)
Visiblement, Hélène Potvin n'a pas terminé son apprentissage.

«Les Marchandes d'espoir»; Hélène Potvin est paru aux Éditions JCL.

lundi 1 mars 2004

Daniel Boivin séduit avec son journaliste

Quatre ans après avoir lancé «À cause du train», un roman fort acceptable, Daniel Boivin récidive avec «Trois nuits au Colibri».
Encore une fois, cet écrivain plonge dans un monde un peu tordu et ne s’éloigne guère de son univers pour le plus grand plaisir des lecteurs. Pour ceux et celles qui ne l’ont pas encore deviné, Daniel Boivin est journaliste à CBJ, la station de Radio-Canada à Chicoutimi.
Simon Naud vient de se faire rattraper par la quarantaine. Avocat de formation, il n’a jamais pratiqué. Et comme bien des journalistes qui font le métier depuis un certain temps, il est cynique. Le chroniqueur judiciaire de La Presse campe au Palais de Justice et décrit la misère humaine à tous les jours.
Le reporter doit enquêter sur une histoire un peu sordide juste avant Noël. Un ancien maire de Repentigny et son épouse ont été assassinés à Saint-Fabien-des-Pins, une petite ville de l’arrière pays.

Enquête

L’intérêt se porte rapidement sur Alice, une jeune photographe d’allure punk qui accompagne Simon Naud dans sa mission. Va-t-il oui ou non baiser avec elle? J-H. le chef de pupitre et chef des nouvelles est particulièrement intéressé par la chose. Mais il y a Zoé, la serveuse qui zézaie et sait faire bien d’autres choses. Le temps file à Saint-Fabien-des-Pins  à moins trente Celsius. Simon fait un peu de jogging entre le restaurant, le bar et le dépanneur tout en élaborant les textes qu’il va expédier au journal. Après, l’enquête suit son cours et le monde tourne en rond.
Heureusement, Daniel Boivin revient vite aux hantises de son premier roman et c’est là tout le charme de ce second ouvrage. Le vieillissement, le sexe, l’amour, les humains si souvent tordus retiennent son attention. Il est toujours un observateur précis et mordant. Il trace le portrait d’une petite société à grands traits. La vie engourdie dans la routine, un bar de danseuses nues, le restaurant où tout le monde se retrouve, un estaminet minable où les ivrognes se saoulent avec application et dévotion.
«L’intérieur du dépanneur ressemblait à un entrepôt de bière. On ne voyait rien d’autre que des caisses de vingt-quatre empilées en pyramide parmi quelques étalages d’articles de pêche et de cassettes vidéo. Les bouteilles de bière remplissaient également une chambre froide toute vitrée qui répandait une lumière crue dans la pièce.» (p.59)

Un tendre


Simon Naud est obsédé par le sexe et les femmes mais c’est un tendre, un doux qui se protège comme il peut. Un humaniste et peut-être aussi un idéaliste.
«À deux occasions, il avait refusé de partir en Arabie Saoudite pour couvrir la guerre du Golfe. La première fois, au début du conflit, il s’était inventé une fausse bronchite pour refuser l’assignation. Quelques semaines plus tard, il invoquait des problèmes de couple pour se défiler… … c’était parce qu’il avait peur. Peur des bombes, des attentats, du terrorisme, des balles perdues, des armes chimiques. Peur de mourir, tout bêtement.» (p.40)
Voilà qui rend le personnage de Simon sympathique . Après cela, on peut bien lui pardonner son obsession du sexe.
«En attendant son rire joyeux, il éprouva une sorte de tristesse. Il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il avait presque deux fois son âge. Il se sentait, non pas trop vieux, mais dépassé. Démodé.» (p.117)
Une écriture rythmée, efficace et un sens de l’humour qui fait avaler les pires outrances. Le talent de Daniel Boivin fait qu’on oublie un peu les problèmes de concordance du temps des verbes et certaines expressions boiteuses. Non, on «ne se laisse pas tomber dans sa chaise». Que dire d’un «elle laissa étirer le silence» et puis d’un «j’avais ma Nikon dans le cou.» Une autre pour terminer? « La 1er Avenue était déserte à perte de vue». Mouais…
Une lecture attentive aurait pu corriger facilement ces peccadilles.

«Trois nuits au Colibri» de Daniel Boivin est paru aux Éditions JCL.

vendredi 14 avril 2000

Marc Boileau abandonne souvent son lecteur

Marc Boileau en prend large avec la réalité et qui peut lui reprocher de tout oser et de tout se permettre. Il le faut quand l'auteur entend mener ses lecteurs par le bout du nez, leur faire emprunter des sentiers nouveaux et inconnus. Dès les premières pages, il nous plonge dans un monde qui tient à la fois du conte fantastique et de la légende. Cette histoire on la croirait pigée dans les contes de la chasse-galerie. Une vraie tempête de neige, un chevreuil magique, des loups qui bondissent dans la poudrerie, les hurlements du vent, le chien qui ne sait plus dans quelle direction bondir.
Marc Boileau nous tient et puis il nous laisse tomber juste avant de nouer tous les fils. Il coupe court, se laisse entraîner par un personnage féminin et s’égare dans son récit. Un peu la caractéristique de ces onze histoires d'ailleurs. L’écrivain a réussi à m’entraîner dans une aventure parfaitement anodine, m’a fait m’avancer sur un fil ou encore m’a poussé au coeur d'une toile d'araignée et puis tout s’est effrité à chaque fois. J’ai perdu pied pour basculer dans l'anodin et le simplisme. Un peu frustrant.
«Elle était d'une beauté éthérée qui paralysait le regard. Son teint de porcelaine était parfait. Un tout petit grain de beauté sous sa lèvre inférieure ajoutait du relief à son visage, et une fine cicatrice sur son front amplifiait la profondeur de son regard. Ses yeux transparents étaient presque irréels. Ils étaient comme une mosaïque de bleu et de vert. De longs cheveux d'un blond sauvage caressaient ses joues. Sa tendresse pouvait se respirer.» (p.36)

Pirouette et cacaouette

Au lieu de creuser son sujet, de foncer dans une direction précise, l'auteur s'en tire par une pirouette. Il rabâche, glose et a réussi à m’énerver à chacun des textes. Toutes les fictions de Marc Boileau auraient eu intérêt à être élagués et ramassés. 
«Finalement, elle se fit prendre à son propre jeu. Elle s'élança pour sauter par-dessus un tronc couché à travers le sentier. Mais, la fatigue jouant contre elle, l'obstacle s'avéra trop haut. En tombant, la femme se brisa quelque chose à la cheville. La blessure se mit instantanément à rugir dans tout son corps pour la paralyser de douleur et de peur. Étourdie, elle leva les yeux et elle vit le fou devant elle. L'homme était dégoûtant. Son sourire graisseux racontait tous les détails de ses appétits sordides,» (p.127)
Que de phrases inutiles, que de détails et d'images forcées. Les maladresses et les incorrections finissent par rebuter. «Anne-Marie accepta l'invitation sans hésiter et avec un sourire qui goûtait bon aux yeux de Morin. Un sourire de désir.», «... entendre ses poumons sur le point de hurler leur mort», «L'image lui glaça le sang d'un seul coup». Je pourrais accumuler quantité de ces phrases qui font hausser les épaules. Marc Boileau devra corriger cette manie et cette quête d'images gonflées aux hormones.
«Entre chien et chat» nous fait sombrer dans le loufoque et l'extravagant. Là, nous atteignons les bas-fond.
Marc Boileau semble capable du pire comme du meilleur. Il devra apprendre à maîtriser ses élans et son enthousiasme, à discipliner son écriture, à choisir le plus simple pour donner toute la place à l'action et aux personnages.
Une langue souvent boiteuse qui gâche vraiment le plaisir. Dommage parce que cet auteur a une façon de transformer la réalité, de jouer avec le possible et l'impossible qui peut étonner.

«Histoires fantastiques du Saguenay» de Marc Boileau est paru aux Éditions JCL.