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lundi 28 avril 2014

Dany Tremblay témoigne de son combat

Le cancer frappe. Partout. Des amis, des connaissances luttent contre cette terrible maladie. Encore la semaine dernière, je suis allé aux funérailles de Sylvain, un ami, décédé des suites d’un cancer. Un terrible vivant pourtant, un courageux, un amoureux de la vie. Et comment ne pas songer à ma sœur qui, pendant des années, a fait face avant d’abdiquer. Trois de mes frères ont été emportés par cette malédiction. Tous peuvent raconter l’histoire de quelqu’un que l’on appréciait et que l’on aimait ou sa propre aventure. Dany Tremblay craignait cette calamité depuis toujours. C’est pourtant un verdict qui la heurte de front en 2011. Cancer. Dans Un sein en moins ! Et après… elle raconte sa descente aux enfers et sa résurrection.

La vie laisse peu de temps pour souffler. Surtout quand, comme Dany Tremblay, on mène plusieurs carrières de front. Enseignante, écrivaine et éditrice avec Le chat qui louche, une maison d’édition numérique qu’elle a lancée en même temps qu’elle apprenait la terrible nouvelle. Elle était atteinte du cancer du sein et la mastectomie était incontournable. Un sein en moins. L’amputation. De quoi laisser abasourdi, en état de choc.

Lorsqu’elle a cédé sa place au radiologue, j’ai dit à ce dernier que je voulais savoir avant de quitter les lieux. « Certaines personnes choisissent le contraire », m’a-t-il répondu. Pas moi. Pas question de me mettre la tête dans le sable. Pas cette fois. Lorsqu’il en a eu terminé, il m’a dit de m’asseoir. Je me suis redressée. J’étais étrangement calme tout à coup. Sans me regarder, tout de suite, comme ça, il a dit qu’aujourd’hui, l’espérance de vie était bonne. Ça m’a fait l’effet d’une douche glacée. L’espérance de vie ! L’espérance de vie ! (p.25)

Comme si la mort s’avançait un matin, celle que vous avez toujours refusé de voir ou d’approcher. Comme si tout ce à quoi vous vous accrochiez perdait son sens. Les projets, les écritures, les idées de publication ne sont possibles que quand le corps se sent éternel. Que reste-t-il quand tout menace de s’arrêter, quand le mot fin se dresse au bout de la galerie ? Un bout de phrase et la peur vous tord les tripes, vous foudroie, vous garde les yeux ouverts dans la nuit. Plus rien ne saurait être pareil.

Les jours qui ont suivi l’annonce ont été étranges. Je passais d’un état à un autre. J’étais incapable de me concentrer, animée par une fébrilité malsaine, une nervosité bizarre. Puis c’était tout le contraire. Je devais me forcer à m’habiller, à m’arranger un peu pour être présentable. Je passais de l’optimisme à l’angoisse dans un claquement de doigts. À certains moments, j’étais submergée par la panique. (p.32)

La panoplie des examens, les explorations pour cerner la maladie. Le personnel médical tente de rassurer, de calmer les affolements, les peurs, les terreurs. La plupart le font admirablement, d’autres sont débordés par les tâches, les patients qui se multiplient. Dany Tremblay rencontrera la plupart du temps des infirmières admirables, des médecins formidables qui prennent le temps d’expliquer et de calmer. Mais comment être rassuré quand une bête monstrueuse vous grignote et menace de vous bouffer ?

Combat

Toute une traversée que Dany Tremblay entreprend après l’intervention chirurgicale. Comment accepter de se retrouver avec un sein en moins ? Il faut du temps. Elle repoussera le moment, ce regard sur la cicatrice qui marque sa poitrine. Elle doit affronter ses peurs, ses hésitations, sa fragilité aussi, les effets des traitements qui bousculent le quotidien.
Des périodes euphoriques où elle a l’impression de pouvoir transporter des montagnes succèdent à une fatigue extrême. À peine si elle peut mettre un pied devant l’autre. C’est le lot des traitements, les effets collatéraux.

Lorsque je m’assois devant le casse-tête, je constate que cette fatigue qui s’est abattue sur moi sournoisement telle une averse soudaine est doublement plus forte que celle vécue précédemment. Elle est subite et intense. Je me sens misérable. Pourtant, c’était prévisible. J’ai ressenti une fatigue similaire, quoique moins écrasante, à la suite du premier traitement. (p.176)

La lutte contre un cancer peut isoler. La perte des cheveux, cette malédiction colle à vous quand vous quittez la maison. Ce crâne dénudé fait de vous une coupable, comme ces femmes que l’on accusait d’avoir collaboré avec les Allemands après la Deuxième Guerre mondiale et que l’on rasait. Il faut du courage pour se montrer, rencontrer des gens. Il y a surtout Martial qui est toujours là, présent, confiant, toujours capable de voir le bon côté des choses.
Dany Tremblay raconte ses peurs, ses angoisses, ses craintes, ses espoirs et aussi les moments difficiles qui coupent ses élans. Ce cancer a donné un autre regard à celle qui vivait à cent à l’heure. Elle a dû faire le tri et surtout trouver l’essentiel en écrivant et en lisant. Elle est maintenant plus proche des gens qu’elle aime, de ses amis, de son Martial qui a été là comme un phare inébranlable.
Le témoignage de Dany Tremblay est important pour ceux qui affrontent cette terrible maladie et pour les proches, les témoins. Ces combattantes doivent préserver chaque seconde pour être encore une vivante qui peut penser à des projets, vivre des amours, des amitiés, de la complicité.
Dany Tremblay ne cache rien, n’hésite pas à revenir sur sa vie, des lectures qui l’ont soutenue tout au long des traitements, à faire le ménage dans sa façon de vivre. Parce qu’après tout, combattre un cancer, c’est se redonner vie chaque seconde du jour et de la nuit, c’est se donner une autre chance. On la souhaite longue et belle et chaleureuse cette nouvelle vie à Dany Tremblay. Tout au long de ma lecture, je n’ai cessé de me répéter combien j’étais chanceux, combien c’était bon d’être vivant. Le témoignage de Dany Tremblay donne le goût de vivre et d’être là pour ceux qui partagent notre quotidien.


Un sein en moins ! Et après… de Dany Tremblay est paru aux Éditions JCL, 19,95 $.
http://www.jcl.qc.ca/detail_auteur/191/

lundi 9 décembre 2013

Philippe Porée-Kurrer scrute notre avenir

Les technologies de maintenant permettent de communiquer avec tout le monde, partout, en tout temps, de chercher de l’information sur des appareils de plus en plus sophistiqués et efficaces. Il est possible de savoir où vous êtes, ce que vous faites, avec qui vous avez des contacts à partir de vos communications, de suivre vos moindres déplacements. J’ai même eu la surprise de voir un drone surgir devant mes fenêtres, il n’y a pas si longtemps. Un homme s’amusait à filmer, dans la maison, inconscient qu’il violait ma vie privée. Où situer alors la frontière entre l’espace public et le privé? La question s’impose avec ces gadgets que nous adoptons avec enthousiasme et une folle insouciance.

«La révélation de Stockholm», le nouveau roman de Philippe Porée-Kurrer, nous plonge dans une réalité que nous connaissons mal. Imaginez un chercheur qui aurait réussi à créer une intelligence artificielle, un cerveau comme celui des humains, possédant une puissance décuplée. Un être presque, proche de nous, éprouvant certains sentiments et des émotions.
«Cette entité, appelons là ainsi, est partout sur Internet. Elle occupe tout le réseau. Il doit cependant y avoir, quelque part, un système nerveux central qu’il s’agit de localiser pour le museler… …C’est du reste assez intéressant si l’on considère que, sinon cette exception majeure, rien de ce qui est électronique ou numérisé d’une manière ou d’une autre ne peut leur échapper, aucune conversation téléphonique, aucun document, aucune décision transmise d’une façon ou d’une autre, aucune émission radio ou télé, rien!» (p.52)
Cette formidable intelligence permettra à ceux qui la contrôlent de diriger la planète. Un nouveau Big Brother d’une efficacité inimaginable. Il manque un élément aux Chaco, les financiers, pour avoir le champ libre. Ils commencent par supprimer Magnus Solberg, l’inventeur. Il était devenu dangereux et inutile. Sa fille Selma a peut être la réponse qui manque. Elle prend la fuite pour échapper au foyer d’accueil. Une simple fugue devient une aventure passionnante.
Magnus Solberg a créé un double de cette intelligence. Pour contrer peut-être les intentions maléfiques. Deux entités de même puissance qui ne savent rien l’une de l’autre. Ygg au service des forces du mal et Vara du côté du bien. Les deux sphères d’un cerveau qui se complètent d’une certaine manière, s’attirent et pourraient se comprendre. L’un plutôt masculin et l’autre féminin. La confrontation du bien et du mal comme dans les westerns. Ces «êtres» possèdent leurs façons de communiquer, des langages mathématiques et poétiques qui échappent à l’entendement humain. À côté de ces «intelligences», l’homme et la femme sont désuets et d’une autre époque.

Poursuite

Une course folle s’engage pour retrouver Selma. Elle navigue sur le voilier de la famille. Un jeu d’enfant de la retracer grâce au GPS. La fille est futée, sait brouiller les pistes, souhaite aller en Suède, le pays d’origine de son père, rejoindre une tante qui pourra l’aider à comprendre ce qui est arrivé.
Porée-Kurrer nous étonne par l’étendue de ses connaissances, la richesse de son imagination, la puissance de ses évocations et les événements qui se succèdent. Nous voyageons aux quatre coins de la planète. Dubaï, Mexique, Fécamp en France, le lieu de naissance de l’écrivain, un village de Colombie-Britannique, Sunne en Islande, une ville mise en évidence par le formidable écrivain Göran Tunström. Le monde de maintenant n’a plus de frontières, de centre ou de périphérie. Tout est dans tout. Tout est partout.
Selma a entraîné Clovis dans l’aventure, un orphelin en fuite comme elle. Les deux affrontent les vagues et les vents, les manœuvres de Luzangela et de Leon Chaco, des êtres sans âme, capables de toutes les férocités pour arriver à leurs fins. Heureusement, la jeune fille peut compter sur des alliés qui veillent, dont le double de Ygg, Vara. Ainsi les chances sont plus équilibrées.

Aventure étonnante

Une fiction avant-gardiste, une manière de secouer des certitudes et de nous faire vivre une quête qui ne cesse de surprendre et de dérouter. Surtout, il ouvre une fenêtre sur une réalité que nous saisissons mal. L’écrivain pose ici les premiers jalons d’une fresque étonnante par sa pertinence et son ampleur. Le projet s’étendra sur sept romans. Une fiction solidement documentée et des personnages humains et attachants. Du Porée-Kurrer à son meilleur, une formidable aventure, une belle manière de faire réfléchir à ce que nous faisons et vers quoi nous allons.

Les gardiens de l’onirisphère, La révélation de Stockholm de Philippe Porée-Kurrer est paru aux Éditions JCL.

jeudi 15 août 2013

Un témoignage d’une vérité saisissante


Germain Nault, né en 1920, avait à peine dix-huit ans quand la Deuxième Guerre mondiale a éclaté. Un conflit que la population du Québec suivait distraitement, ne se sentant guère concernée par cet affrontement qui allait traumatiser le siècle. Le jeune homme s’enrôle, n’ayant jamais à l’esprit qu’il pouvait participer à la guerre en Europe.

Le jeune homme en débarquant en Normandie, plonge dans l’enfer, voit des amis et des compagnons d’armes mourir. Son témoignage fait vivre l’horreur de la guerre et ses monstruosités, permet d’apprécier aussi la droiture d’un homme qui croyait en son destin.
Ce récit, écrit par ses petites-nièces Marilou et Martine Doyon, devient passionnant quand le jeune militaire participe au grand débarquement du 6 juin 1944.
Germain Nault conduit un char, transporte des munitions, devient estafette, va d’un commandant à l’autre sur sa moto pour transmettre les ordres, défiant les tirs ennemis et parfois même ceux des alliés. Un travail particulièrement dangereux qui exige des nerfs d’acier.
Un peu casse-cou, il aime circuler ainsi, se fiant à sa bonne étoile, ayant un regard sur le conflit tout à fait particulier. Il sera témoin de scènes horribles, de carnages, verra ses meilleurs amis mourir sous ses yeux.
 «Des vies humaines s’éteignaient sous mes yeux depuis le début des affrontements et je n’y pouvais rien. C’était intolérable. C’était inhumain. C’était presque absurde. Et, pour me faire comprendre encore davantage que la guerre était avare d’exemptions, ma vie a basculé lorsque j’ai aperçu ce que j’appréhendais le plus depuis le début de notre calvaire : en cette fin de journée du 6 juin 1944, en montant vers La Mare, le destin m’a fait passer à côté du corps criblé de balles d’un ami, celui de Fernand Hains. Je suis aussitôt descendu de mon véhicule, en espérant de tout mon être percevoir un semblant de respiration dans sa poitrine, mais je me suis vite rendu à l’évidence. Les balles ne lui avaient laissé aucune chance. Déjà, je pensais à ses parents, à ce que j’allais leur dire.» (p.115)

Il risque sa vie tous les jours, ne doute jamais de la justesse de sa mission. Il suivra les troupes alliées qui progressent vers la frontière de l’Allemagne en livrant de terribles combats, jusqu’à la reddition des forces nazies. Il aura vu l’horreur, connu le pire tout en gardant sa foi dans l’humanité, en se rappelant sa famille et sa mère.
«Je ne réalisais pas que j’allais bientôt retrouver ma famille, mon village, ma petite routine au Québec. J’ai pris soin d’envoyer une lettre à mes parents pour les avertir que j’allais être de retour dans quelques jours. J’imaginais la sensation de soulagement que ma mère a dû éprouver à lecture de mes derniers mots en provenance d’outre-mer.» (p.211)
Germain Nault s’en sortira sans trop de séquelles, peut-être parce qu’il a toujours refusé de ruminer des événements sur lesquels il n’avait aucune prise. Il a su se concentrer sur le chemin à parcourir et non pas sur celui qu’il venait de faire. Il rentrera au pays, retrouvera sa famille, se mariera et connaîtra une vie bien remplie.
Un témoignage inspirant, un travail respectueux des jumelles Marilou et Martine Doyon qui demeurent très attentives aux propos de leur grand-oncle. On sent leur fascination pour ce héros qui a frôlé cent fois la mort, un homme humble qui croit en l’humanité et a su se préserver de tous les préjugés, même envers ses ennemis. Une vie pas comme les autres qu’il fallait faire connaître. C’est bellement réussi.

J’ai survécu au débarquement, de Marilou et Martine Doyon est paru aux Éditions JCL.

mercredi 22 juillet 2009

Yves Dupéré écrit un thriller historique

Yves Dupéré signe un troisième roman qui nous plonge dans la période qui précède la déclaration d’indépendance des États-Unis en 1783. «Un vent de révolte» est certainement le meilleur roman historique que j’ai lu depuis longtemps.
L’auteur nous transporte à Philadelphie, Paris, Québec, Montréal, Boston, Nantes et Versailles. Des bonds dans l’espace qui oscillent entre avril 1775 et septembre 1783, le temps de suivre des personnages réels et imaginaires qui décident de l’aventure américaine. Les Bostonnais ne décolèrent pas devant les mesures imposées, par le roi Georges III d’Angleterre, qui étouffent les ambitions commerciales de la colonie. Plusieurs escarmouches éclatent ici et là, dont le «Boston Tea Party».
«Dès que la nouvelle arrive en Amérique, l’indignation est générale chez les commerçants qui encouragent le boycott du thé. Des bateaux de la Compagnie des Indes orientales chargés de thé se rendent dans différents ports coloniaux. À New York, les navires sont obligés de faire demi-tour en raison de l’hostilité de la population. À Boston, cinquante hommes déguisés en Amérindiens se glissent à l’intérieur de trois bateaux dans la nuit du 16 décembre 1773 et jettent par-dessus bord trois cent quarante caisses de thé. C’est le Boston Tea Party.» (p.14)
Les révoltés entendent bien voler de leurs propres ailes malgré les embûches et la répression. L’affrontement armé devient inévitable.

Défaite de 1760

Pendant ce temps au Canada, nul n’a oublié la défaite de 1760. Plusieurs sont retournés en France plutôt que de subir le joug anglais. La famille de François Hébert de Courvais, les héros de «Quand tombe le lys», a vécu la fin du régime français et été durement éprouvée. Alexandre, le frère de François, est mort en héros sur les plaines d’Abraham. Sa sœur Catherine a été violée et tuée par les habits rouges. Jean et Alice étaient des enfants lors de ces événements.
Jean voit dans la révolution américaine une chance de refaire sa vie. Criblé de dettes, il doit fuir la France. Alice travaille comme espionne à Philadelphie, usant de ses charmes pour connaître les décisions du Congrès et les intentions des rebelles.
«Comme espionne du roi, elle avait misé énormément sur ces atouts afin de s’élever et enfin devenir l’un des meilleurs agents de Louis XVI. Par sa beauté, sa grâce et son charisme, elle avait réussi à ensorceler plusieurs hommes. Henry, un médecin de Philadelphie et espion pour le compte de l’Angleterre, était le dernier de sa liste et il venait de payer le prix de ses manœuvres.» (p.20)
Plusieurs francophones du Canada voient dans le soulèvement des Américains la chance de prendre leur revanche et de bouter l’Anglais hors du pays, même si le clergé et la petite bourgeoisie restent fidèles à la couronne britannique. Une première invasion des Américains en décembre 1775 échoue. Les Canadiens sont déçus par l’attitude hautaine et méprisante des envahisseurs. Ils ne laissent guère de bons souvenirs dans la population de Montréal et une seconde tentative reste à l’état de rumeur.
Alice et Jean vivent le grand rêve de conquérir le Canada pour affaiblir l’Angleterre et rétablir l’hégémonie de la France. Ils deviennent les yeux et les oreilles de Louis XVI et du général Washington dans la colonie du Nord. Dans la clandestinité, ils subissent la répression impitoyable du colonel Stephen Downer, un tortionnaire. Ils risquent leur vie pendant que le roi de France ne joue pas franc jeu, n’ayant nullement l’intention de reconquérir le Canada. La fin du roman est particulièrement émouvante.

Un thriller

Yves Dupéré fait intervenir des personnages comme Georges Washington ou Benjamin Franklin avec justesse. Des intrigues amoureuses, des trahisons et des rebondissements inattendus tiennent le lecteur en haleine. Il ne peut que s’attacher à Alice et Jean, des héros modernes et fascinants.
L’écriture sans artifices va droit au but cette fois. Un véritable thriller. Une belle manière de présenter une période trouble de ce passé dont on ne parle guère dans les institutions scolaires.

«Un vent de révolte» d’Yves Dupéré est publié aux Éditions JCL.

jeudi 12 juin 2008

Nous vivons dans une véritable pharmacie


Fabien Girard est un explorateur des temps modernes même s’il n’a pas sillonné l’Amazonie ou atteint le sommet de l’Himalaya. Il étudie depuis des années son milieu, les plantes de la flore boréale. Son centre du monde se situe à Girardville, au Lac-Saint-Jean. Il travaille dans une coopérative pas comme les autres, une entreprise qui cherche à percer le mystère des plantes et en extraire «l’essence». Des expériences qui montrent le rôle des végétaux dans notre environnement.
Habituellement, les gens peuvent identifier quelques graminées. Quelques arbres complètent leur bagage. Après, ils s’égarent facilement. Comment différencier les fougères, les petites fleurs des sous-bois, les mousses et les lichens? Nous simplifions en mettant tout dans le panier des mauvaises herbes et des bibittes. Ces généralités masquent une ignorance terrible. Même chose du côté des oiseaux. Ces petits musiciens qui enchantent nos soirées et nos matinées sont méconnus. Heureusement, certains s’y intéressent de plus en plus. Le bruant à gorge blanche, la sittelle si discrète, le geai bleu criard et la mésange, les colibris sont devenus des connaissances dans nos jardins et autour des mangeoires.

Secrets

Fabien Girard se laisse entraîner par un parfum âcre, hume, goûte et surtout, il cherche à percer les mystères de ce monde végétal.
Dans un très beau livre publié aux Éditions JCl, «Secrets de plantes», il présente ses amies et s’attarde à leurs effets thérapeutiques. Nous les surprenons dans une tourbière, en forêt, tout près du chalet, le long d’une route, dans un endroit rocailleux ou humide, sur un gazon près du trottoir. Ces plantes fleurissent à chaque saison d’été, fidèles, têtues malgré toutes les attaques qu’elles subissent. Elles embellissent le quotidien, parfument souvent les environs, font grogner quand elles ne sont pas à la bonne place. Pensons à la bardane si têtue et vivace, aux pissenlits qui provoquent de véritables guerres sur nos pelouses aseptisées.
Nous vivons dans une pharmacie sans le savoir. Il suffit souvent de se pencher, de cueillir une feuille, de savoir comment l’apprêter ou la servir dans une farine, une poudre, une tisane pour combattre des maladies et guérir d’une grippe ou d’un rhume. Et il y a les racines! Des délices qui se comparent aux légumes que nous apprécions. Les Indiens connaissaient ces plantes. Rappelez vous les premiers Français de Québec qui ont réussi à passer l’hiver grâce aux concoctions des Autochtones. La magie de l’épinette noire! Un savoir qui a été relégué aux oubliettes avec l’hégémonie de la médecine et la multiplication des pharmacies. Un savoir presque perdu. Des remèdes de «bonnes femmes», dit-on souvent avec condescendance.

Mutation

Fabien Girard se penche sur les pissenlits, le framboisier, le bleuet, l’airelle, la comptonie voyageuse, les merisiers ou les épinettes. Il démontre que l’if du Canada peut combattre le cancer. Attention cependant! Pas de précipitation! Si des plantes guérissent les maladies de la peau ou les problèmes respiratoires, elles peuvent aussi être dangereuses.
Ce conférencier recherché parle généreusement de ses expériences, fait goûter des gâteaux et des potages étranges. Apprivoiser les pissenlits aux vertus innombrables, les aulnes, les bardanes, les immortelles ou la verge d’or, s’avère passionnant. Il donne à voir autrement la réalité qui nous entoure. Un véritable Panoramix des temps modernes qui connaît plusieurs potions magiques.
Après une lecture de «Secrets de plantes», je ne serai plus capable de me promener au bord du lac ou en forêt sans m’arrêter pour chercher à identifier telle ou telle plante qui rampe sur le sable ou semble venir de nulle part. C’est certainement l’effet le plus pervers de ce livre aux fort belles illustrations.
Une sorte de guide à consulter quotidiennement, où l’on apprend à mettre des noms sur les oiseaux et les champignons. Les ouvrages qui ouvrent à notre univers son rare. Celui de Fabien Girard en est un. Il sera désormais à portée de la main.
Apprendre à connaître son environnement, le monde animal et végétal, est un acte libérateur, une prise de conscience qui change des habitudes. On y acquiert surtout un grand respect pour cette végétation qui ne cesse d’étonner. On pense différemment après une telle lecture. Nos projets de coupes, de tailles ou de terrassement ne peuvent plus se concevoir de la même façon.

«Secrets de plantes» de Fabien Girard est publié aux Éditions JCL.