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jeudi 22 mai 2008

Louise Desjardins est une sacrée conteuse

Quand je m’aventure dans un nouveau roman de Louise Desjardins, inévitablement je m’arrête après quelques pages. Et là, je fais du surplace, me demandant dans quoi je m’aventure. Un doute s’installe. Si j’allais m’ennuyer dans cette histoire qui semble tellement ordinaire…

Et peu après, je me surprends à glisser sur les phrases, à ne plus pouvoir m’arrêter. Encore une fois, je suis aspiré par une forme de magie. Quelle conteuse! Cette enjôleuse possède l’art de vous retenir dans une histoire toute simple, qui pourrait être celle d’une voisine ou de quelqu’un de votre famille. Des figures s’imposent peu à peu. Comment ne pas s’attacher à Raoûl, Anita, Angèle et Alex, les personnages de son quatrième roman, «Le fils du Che».

Femmes

Angèle arrive mal à s’installer dans la vie. Il lui faudra tout l’espace du roman pour poser le geste libérateur, s’assumer avec ses forces et ses faiblesses. C’était aussi le cas de Katie McLeod dans «So long» et de Pauline Cloutier dans «Darling». Les personnages féminins de Louise Desjardins doivent se refaire une confiance et une vie après une grande secousse existentielle.
Angèle a vécu dans l’ombre de parents marxistes qui voulaient changer le monde. Ils pouvaient discourir pendant des nuits sur les tares du capitalisme, les inégalités entre les riches et les pauvres. Ils ont surtout négligé l’intime, le personnel et la tendresse, se payant des aventures en dehors du couple, vivants en porte-à-faux. La jeune femme a vécu un amour avec Miguel, un Chilien d’origine. Après une aventure de quelques semaines, elle s’est retrouvée enceinte. Elle a gardé l’enfant, ce fils qu’elle n’est pas certaine d’aimer, incapable de coller à l’image de la mère que la société esquisse. Alex, adolescent solitaire, muet presque, communique secrètement avec Lola, la petite voisine d’en face, par le biais de l’ordinateur. Tout comme Angèle qui «tchatte» avec des dizaines de personnes partout dans le monde et qui biffe l’interlocuteur quand l’échange risque de prendre une touche personnelle.
Rapidement, on glisse dans une histoire où l’on communique que par le biais de machines de plus en plus sophistiquées. On peut se confier à «une amie» qui vit en Palestine sans craindre la rencontre ou le face à face. Une manière de basculer dans une fausse communication et d’oublier le monde autour de soi. La solitude étouffe Alex qui peut devenir dangereux quand les mots surgissent comme un torrent.
«Alex se lève et se dirige vers sa mère, furieux, comme s’il allait la frapper. Elle s’enfuit dans la cuisine. Elle se met à pleurer, il la suit. Il se calme un peu, puis les questions fusent enfin comme une salve de canon. Il n’a jamais tant crié, il se sent étourdi, il va tomber par terre si les mots continuent de sortir, il tangue, il a besoin d’atterrir quelque part parce qu’il va disparaître dans les airs tel un cerf-volant sans ficelle.» (p.79)

Communications

Derrière Angèle et Alex se profile la grande question contemporaine. Les ordinateurs et leurs possibilités de contacts planétaires finissent-ils par créer des asociaux qui ont besoin de thérapies pour reprendre contact avec la vie? Pour Alex, sa recherche du père devient obsédante et l’aspire. Touchant, émouvant. Ce mâle souvent absent dans notre littérature prend des traits fort sympathiques avec Miguel qui refait surface et tente de guérir la blessure de son fils.
Nous glissons du privé au public et notre lecture prend une autre couleur. Nous ne sommes plus dans la banalité des choses.
«Oui, se dit Angèle, les guerres civiles ont priorité sur les guerres familiales. À cause du sang qui coule, des bombes qui éclatent. C’est facile à comprendre, mais si seulement j’arrivais à bien organiser mon petit sang qui ne coule pas, mes petites bombes qui n’éclatent pas. Si seulement tout le monde arrivait à bien gérer sa vie, ses conflits intimes, il n’y aurait peut-être pas de génocides ni toutes ces cochonneries qui nous empoisonnent l’existence même si on ne les voit qu’à la télévision.» (p.156)
Les romans de Louise Desjardins finissent toujours par nous aspirer. Ils visent juste et questionnent malgré leur «incroyable apparence de légèreté».

«Le fils du Che» de Louise Desjardins est publié aux Éditions du Boréal.

jeudi 15 mai 2008

Alain Gagnon ajoute une page à sa cosmogonie

La «vraie histoire américaine», pour certains, débute il y a cinq cents ans à peine, avec le débarquement des Français à Gaspé ou des Espagnols au Mexique. Avant ce contact, les historiens sont longtemps demeurés muets. Heureusement, les documents sur la présence amérindienne se multiplient depuis quelques années pour nous faire connaître ces nomades ingénieux.
L’installation des Blancs en Amérique entraîna un choc de civilisations. Des manières de faire et de voir scandalisèrent les Européens qui ont tout fait pour éradiquer ces croyances et les juguler. Comme par miracle, ces nations ont résisté à toutes les agressions. Ils survivent, dépossédés de leur âme et de leur territoire comme le montre Richard Desjardins dans «Le peuple invisible». La grande tragédie américaine, celle des Amérindiens et des esclaves noirs, aura marqué le dernier millénaire, qu’on le veuille ou non.
Alain Gagnon a toujours été fasciné par ces «présences» qui hantent des territoires que nous croyons connaître. Il se plaît à nous rappeler que nous vivons dans un pays au passé méconnu que nous refusons d’envisager. Comme si l’homme de maintenant écrivait sur des pages déjà écrites sans qu’il ne le sache. Tout un espace et un temps échappent à l’Amérique contemporaine qui fait trembler la planète.
Heureusement qu’il y a des écrivains comme Alain Gagnon. Parce que même s’ils sillonnaient ce continent depuis des millénaires, les Autochtones n’ont laissé aucune ruine comparable à celles des Grecs ou des Romains pour nous rappeler leur existence et leur ingéniosité. Bien sûr, l’architecture des Incas ou des Aztèques impressionne, mais en Amérique du Nord, «les signes» se sont vite évanouis et on a tout fait pour les effacer.

Pays inventé

Saint-Euxème, ce pays du Lac-Saint-Jean réinventé par l’écrivain originaire de Saint-Félicien, vit des moments pénibles. Un être inconnu, venu d’un autre temps, sème la mort. Plusieurs victimes sont trouvées ici et là dans un état lamentable. La population n’ose plus sortir. Une telle violence est inexplicable. D’où viennent ces traces aux abords des cours d’eau, ces empreintes de canard gigantesque... Il n’en faut pas plus pour qu’Olaf Bégon, le chef de police nouvellement à la retraite, futur époux de la belle Markita, sorte de l’ombre. Alain Gagnon a trouvé dans le roman policier un terreau fertile qui permet d’évoquer l’inexplicable et de résoudre toutes les énigmes.
Olaf doit abandonner sa «raison raisonnante» et laisser agir ceux qui savent visiter le monde des esprits. Il faut contrer une sorte de sorcier qui provoque des choses terribles à Saint-Euxème en jonglant avec des forces qu’il maîtrise mal. Olaf suit la voie amérindienne, se laisse guider par la jeune Kassauan pour repousser l’action néfaste de l’oncle Louis. La tente tremblante devient la clef d’une autre dimension et permet de découvrir l’autre réalité.
«En rien, elle ne voyait ni n’entendait l’Esprit des eaux. Elle porta son attention sur les bouleaux jaunes de l’autre rive. Ils demeuraient silencieux. Elle ne percevait pas leur respiration. Les bouleaux et les cyprès étaient pourtant les arbres qu’elle ressentait avec le plus de facilité auparavant, c’est-à-dire lorsqu’elle se promenait seule et libre en forêt. Un couple de sarcelles vint la distraire. Elle les suivit du regard. La femelle s’approcha. Elle cancanait. La jeune fille se surprit à rire et, entre les sons nasillards, elle crut entendre: «Sauve-toi, petite. Sauve-toi.» (p.109)

Grande maîtrise

Alain Gagnon jongle avec ce puzzle avec beaucoup d’habileté. Il le faut pour plonger dans cette histoire où plus rien n’est certain. Comme Olaf, le lecteur écoute la rumeur publique qui permet de suivre des personnages qui vivent des aventures qui sortent de l’ordinaire.
L’auteur de «Sud» et du «Gardien des glaces» démontre sa grande maîtrise. Il possède le don de raconter la plus invraisemblable des histoires et de la rendre plausible. Il nous emberlificote. Et même s’il rôde dans des territoires que nous commençons à mieux connaître depuis «Le truc de l’oncle Henry», la magie opère encore. Un plaisir, une écriture, un monde étrange et familier. Alain Gagnon construit son pays imaginaire et nous entraîne dans une autre dimension, pour notre plus grand plaisir. 

«Kassauan» d’Alain Gagnon est publié aux Éditions du Cram.

Josée Bilodeau nous plonge dans la ville

Le véritable personnage de ce roman de Josée Bilodeau est un quartier de la ville. On devine que c’est Montréal. Un bout de rue, une certaine artère avec tous les personnages qui l’habitent, qui font vivre cet endroit. Avec leurs drames aussi, leurs malheurs comme leurs bonheurs.
Ce n’est pas sans rappeler «Mrs Dalloway» de Virginia Woolf ou encore Marie-Claire Blais dans sa grande fresque qu’est «Soif» et les romans qui ont suivi. Une évocation, un petit air de parenté, rien de plus parce que Josée Bilodeau a bien sa manière de faire, de dire, de montrer les gens. On circule, on se promène d’un bout à l’autre d’une journée du mois de mai qui se prend pour un condensé de l’été. La chaleur colle au corps et au cœur, au cerveau presque. Tout s’échiffe, tout se défait, tout éclate dans un orage fou qui secoue la vie.
Nous allons ainsi d’un personnage à l’autre, ils doivent être une bonne douzaine à se promener ainsi dans le quartier. Des jeunes, des enfants, des adolescents, des adultes qui vivent l’amour, les grands déchirements, des tragédies qui brisent l’être et vous laissent comme un pantin. Parce que la mort frappe aveuglément, la maladie s’installe quand on commence à sentier le vieux, quand tout bascule aussi et que l’on n’ose plus mettre le nez dehors, même quand on étouffe. C’est une journée où l’on prend des grandes décisions de quitter l’homme avec qui on vit depuis trop longtemps, où une rencontre change la vie et permet de croire que l’avenir a le droit d’exister. C’est tout cela que Josée Bilodeau met en scène.

Fresque

A vrai dire, je me réconcilie avec le mot fresque. C’est tout un quartier, une rue qu’elle anime, des drames qui couvent et qui explosent quand la marmite devient trop chaude. Des accusations d’agressions sexuelles qui se formulent, un drame qui bascule, un cuisinier inconscient qui empoissonnent tout le monde et qui change la vie de plusieurs clients. Une jeune adolescente qui vit sa première journée de femme en ayant ses règles et qui a rendez-vous avec la mort sans le savoir.

On se perd dans ce labyrinthe, on finit par s’attacher à certains personnages, on les reconnaît d’un tableau à l’autre, on les suit dans leurs courses ou leurs dépressions. On visite la ville, on sent la chaleur, la vie, les pulsions qui font que la vie change et reste toujours un peu pareil.
Une écriture efficace, sans fioriture, sans complications non plus. Le défi est grand parce que le lecteur a du mal à s’accrocher à des personnages. Pourtant c’est là un portrait de la vie, une tranche de la ville qui s’anime, qui bouge, qui est portée par ses habitants qui souffrent, aiment, pleurent et luttent pour continuer à vivre.
On finit par plonger dans ces courts tableaux, de bondir de l’un à l’autre, avec une hâte et une anxiété particulière. C’est probablement le tour de force que réussit cette écrivaine. Nous faire embarquer dans ce puzzle et nous y accrocher pour suivre tous les personnages qui nous arrêtent et nous bousculent.
L’entreprise était hasardeuse mais Josée Bilodeau relève le défi et embarque son lecteur qui doit accepter de travailler. Ce n’est pas une lecture passive que demande ce court roman. Il faut s’activer, bouger, suivre les personnages, comme si on décidait de passer toute une journée de canicule à suivre des gens dans la rue et dans des logements surchauffés. Tout est en ébullition. Tout est porté au paroxysme. Nous suivons la jeune étudiante qui découvre la ville en tentant l’impossible, décrire la ville, les pulsions de la ville. Et elle trouve tout comme le lecteur qui se laisse emporter et souffler par cette histoire aux mille facettes, aux cent personnages qui vivent l’amour, la peine, la douleur, la passion comme tous les gens doivent le faire dans la vie de tous les jours, dans la vie parce que rien ne peut arriver sans ces grands rendez-vous qui colorent, masquent, emportent et bousculent. Un roman singulier malgré ses parentés, bien senti et qui emporte. Que demander de plus ?

«On aurait dit juillet» de Josée Bilodeau est paru chez Québec-Amérique.

jeudi 8 mai 2008

Martyne Rondeau continue de déstabiliser

Martyne Rondeau étonnait par son effronterie, des propos crus et une volonté de s’attarder aux désirs les moins avouables dans «Ultimes battements d’eau», un premier roman paru en 2005. Elle n’oubliait aucun détail dans une approche «masculine» je dirais, où le personnage féminin mène le jeu sexuel et ne recule devant aucun fantasme. Une folie ressassée, une douleur qui calcine l’âme et l’esprit.
Dans «Ravaler», son second roman, l’écrivaine déstabilise tout autant et donne l’impression de courir pieds nus sur des tessons de bouteille. Parce que le lecteur ne sait s’il plonge dans une histoire «réelle» ou s’il doit s’accrocher à une allégorie.
«Bébé, j’étais ruisseau coulant entre les mains violentes de maman. Je cherchais plus grand ailleurs. Là où me jeter. Maman me laissait nager. Longtemps. Dans mes larmes, mes sueurs, mon urine. Je me rappelle, et comme je voudrais oublier, les matins passés à pleurer sur le quai derrière. C’est là que m’est venu mon désir d’écrire pour mieux hurler. Désir de liberté sèche. Là, je vis en mâchant et en écrivant. Ma vie n’a été que ça: croquer et la mort.» (p.15)

Ambivalence

Martyne Rondeau aime les ambivalences. C’est heureux parce que si le lecteur s’en tenait à la réalité crue, son roman deviendrait difficilement tolérable. C’est obsédé et obsédant, halluciné et hallucinant, sans partage et sans répit. La narratrice va jusqu’à tuer son enfant Roman et à le faire rôtir dans la poêle. Faut pas conclure trop vite pourtant! Nous ne sommes pas dans une sordide histoire qui fait les délices des voyeurs dans les journaux. L’écrivaine nous pousse rapidement dans le flou. On ne sait plus et on préfère ne pas trop savoir.
«Je l’aime, ce roman. Il m’habite depuis longtemps. Je l’ai rêvé bien avant. Je l’ai régurgité. Je l’ai pissé. J’en ai joui. Écrire les restes d’un cauchemar. Retranscrire la perte, le feu et le sang. J’aime la mort. Elle vit en moi depuis ma naissance médicale. Saint-Laurent m’a transmis la maladie. J’ai été  la plus heureuse lorsqu’il est revenu s’étendre sur moi, ronde, contaminé par cette espèce de virus volant. Il continuait de discourir en embrassant ma nuque en comptant mes vertèbres en tirant mes poils pubiens. J’étais son autre oasis sauvage.» (p.29)
En évoquant le travail de l’écrivain qui s’isole, puise en lui pour mettre au monde l’œuvre, l’entreprise prend un tout autre sens. C’est fort habile.
«Quand on aime quelqu’un, on doit l’aimer vraiment. D’un bout à l’autre. Avec ses défauts aussi. Arriver à les comprendre. Aimer c’est savoir admirer l’autre. Être ébloui. Fasciné. Inspiré. Roman me renvoie l’amour franc, spontané, sans détour. J’apprends à jouer avec lui. Être étonnée par ma chair en miniature. Être soulevée par mon sang de ménopausée. Un Roman qui vit altère tous les autres systèmes environnants. Il détruit la réalité. Il provoque l’illogique. Il fabrique la mort tous les jours. J’aime la sentir tout près de moi. La veiller le midi. Savoir ce que c’est de transmettre la perte de l’autre.» (p.67)

À la limite

Martyne Rondeau aime les paradoxes et les paroxysmes où tout peut basculer et s’effondrer. Aucune retenue chez cette romancière qui semble faire le pari d’écrire en se tenant à la limite du tolérable et de la conscience. Elle glisse sur le fil d’un rasoir et nous sommes continuellement bousculés et abandonnés au bord du précipice. Ses jabs et ses uppercuts étourdissent, enferment dans une folie particulièrement étouffante.
L’entreprise tient par une écriture d’une densité rare. Le rythme casse à chaque mot et devient halètement. Elle bat la phrase, l’échiffe, la défait, la triture et martèle encore et encore. Son travail à coups de marteau m’a laissé abasourdi, dans une sorte d’état second. Elle a toujours réussi à me retenir cependant. Une forme d’exploit avec des sujets où le sordide et la démence risquent d’en rebuter plusieurs. Mais la littérature n’est pas faite que de dentelles et de chants de tourterelles. Malheureusement, l’écrivaine s’essouffle un peu vers la fin de ce court ouvrage. Elle semble chercher une manière d’échapper à la tornade qu’elle a engendrée et qui l’aspire.

«Ravaler» de Martyne Rondeau est publié chez XYZ Éditeur.

jeudi 1 mai 2008

Les paradis dissimulent bien les drames

Monique Proulx, dans «Champagne», son dernier roman, effleure une problématique qui fait saliver les médias. Combien de conflits éclatent entre les «développants» et les «verdoyants» qui protestent quand on veut implanter un port méthanier ou un parc d’éoliennes qui défigurent un paysage. Partout au Québec, les tenants du progrès à tout prix se heurtent à des groupes qui veulent protéger leur coin de pays. Non, Monique Proulx ne cherche pas à pourfendre ceux qui balafrent les paysages en scandant les mots profits. C‘est pourtant le combat qui se profile dans de ce roman foisonnant. Une preuve s’il en faut que les créateurs sont attentifs aux grands enjeux de notre société.
L’écrivaine nous entraîne dans un coin sauvage au nord de Montréal. Un petit lac calme accueille quatre ou cinq villégiateurs. Un paradis où le moteur est banni, où les bêtes vivent dans une forêt abandonnée à toutes les saisons.
Lila Szach ne semble s’inquiéter que pour les champignons, les oiseaux, les poissons et un orignal qui ménage ses apparitions à la pointe du lac. Elle protège son paradis avec un zèle inquiétant. Tous doivent obéir à ses diktats. Mais comment éloigner les prédateurs qui ne pensent que centre de skis et villégiature?
Malgré tout, les gens cohabitent dans une certaine harmonie, vivent des amours sans lendemain, tentent de guérir, bien ou mal, écrivent pour cicatriser ou gagner leur vie. Même le jeune Jérémie s’invente un monde pour oublier sa famille dysfonctionnelle en peuplant la forêt d’êtres étranges.
«C’était un sentier fascinant, contenant juste assez de monstres pour garder sur le qui-vive sans donner de sueurs insupportables, tantôt fermé comme un poing sombre entre les conifères touffus, tantôt ouvert à l’infini sur des clairières bienveillantes où le soleil s’engouffrait par coulées. Au moins deux fois, Jérémie fût tenté d’aller se perdre dans ces grands terrains de jeux lumineux, mais pas si fou, ce n’était pas parce qu’il venait de la ville qu’il allait oublier les Sombrals et les Centaures traîtreusement arc-boutés, pour sûr, derrière les longs troncs épars.» (p.21)

Le mal

Plus nous avançons dans cette histoire, moins les choses sont claires. Lila Szach a perdu son mari. Est-ce un accident ou un suicide? Elle doit vivre aussi avec le remords parce qu’elle a presque cédé aux avances de Gilles Clémont, un chasseur effronté qui braconnait sur ses terres et qu’elle a voulu empoisonner. Sa voisine Claire imagine des scénarios sanglants qu’elle destine à la télévision. Des histoires sordides qui finissent par la rattraper. Simon aide un peu tout le monde en allant de l’un à l’autre dans son kayak. D’autres ne peuvent oublier les horreurs du passé. Violette a connu l’enfer d‘un père pédophile, d’une mère qui se fermait les yeux et ne voulait rien entendre.
«Elle n’a jamais protégé des mains folles du fou les petits de son propre ventre, elle n’a jamais désavoué le fou dans ses violences, elle a refermé la porte de la chambre sans bruit quand elle a surpris le fou en train de vous violer, et elle continue de jurer que tout ça n’a jamais existé, a été inventé dans votre tête, dans vos dix têtes. Si vous la revoyez un jour, ce que vous ne souhaitez pour rien au monde, vous l’accueillerez à coups de batte de baseball et vous frapperez jusqu’à ce que l’un d’eux – bois ou crâne – se rompe le premier.» (p.192)
Comme quoi les paradis peuvent dissimuler des enfers.

Sauvagerie

Monique Proulx plonge dans une sauvagerie qui happe les protagonistes. Parce que derrière le calme apparent, les grandes passions ne dorment jamais. Les humains, mêmes pour les plus nobles causes, peuvent aussi commettre d’incroyables sottises.
«Les pires étaient les amateurs de fleurs et de jardins. Ils venaient ici, stupéfaits par tant de luxuriance éparpillée, et une fois que Claire et Luc les avaient baladés dans les tourbières sauvages et les clairières moussues, ils sortaient des pelles et des seaux et tenaient mordicus à rapporter dans leur jardin des nymphéas, des bébés sapins, des plants de rudbeckias, des lichens qui mettent cinquante ans à croître d’un centimètre.» (p.122)
Monique Proulx crée un univers magique, envoûtant et hypnotisant. Une écriture somptueuse confirme sa parfaite maîtrise. Un plaisir qui ne fléchit jamais. Un grand roman qui habite votre mémoire après la lecture.

«Champagne» de Monique Proulx est publié par les Éditions du Boréal.
http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/auteurs/monique-proulx-1107.html

vendredi 25 avril 2008

Québec a toujours inspiré conteurs et écrivains

Beaucoup de publications marqueront le 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec et de la Nouvelle-France. Les Éditions Trois-Pistoles soulignent cette date importante en ajoutant un tome à la très belle collection qu’inaugurait Bertrand Bergeron, en 2004, avec «Contes, légendes et récits du Saguenay-Lac-Saint-Jean».
Victor-Lévy Beaulieu a confié la tâche cette fois à Aurélien Boivin, un spécialiste de la littérature québécoise associé à l’Université Laval et au «Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec» depuis les débuts. Ce professeur émérite, originaire de Normandin, a publié nombre d’anthologies et s’est particulièrement attardé à Louis Hémon pour en faire connaître les ouvrages. Il était tout désigné pour mener à bien cette entreprise colossale.
Parce qu’il a fallu trier, discuter et certainement faire des choix déchirants pour arriver à cerner l’imaginaire qui entoure Québec, la ville, mais aussi la côte de Beaupré, l’île d’Orléans et ce fleuve qui déchire le continent. Des lieux qui ont marqué les premiers arrivants, les écrivains et les conteurs au cours des siècles. Tout comme ils inspirent Monique Proulx, Esther Croft, Chrystine Brouillet, Jacques Poulin et Pierre Morency de nos jours. On pourrait aussi y ajouter les noms d’Aimée Laberge, Marie Laberge, Stanley Péan et Alain Beaulieu.

Grand voyage

Aurélien Boivin a eu la fameuse idée de faire fi des époques pour permettre au lecteur de naviguer entre les récits fondateurs, les contes et les légendes en plus de s’attarder à certains écrits de contemporains. Nous allons d’un horizon à l’autre avec bonheur, ne perdant jamais de vue la ville de Québec et ses environs, la grande île d’Orléans qui semble avoir été un refuge pour tous les sorciers et les démons à une certaine époque. Du moins dans l’imaginaire.
Bien sûr, les premiers récits devaient lancer cet ouvrage imposant. Jacques Cartier raconte son contact avec le nouveau continent et les Hurons. C’est comme si nous étions des témoins. Une description pointilleuse permet de revivre ce moment qui devait changer la face du monde. Et quel bonheur de retrouver la langue française d’il y a 400 ans.
«Le VIIe jour dudit moys (septembre 1435) jour Notre Dame apres avoir ouy la messe nous partismes de ladite ysle pour aller amont ledit fleuve et vinsmes à quatorze ysles qui estoient distantes de ladite ysle es Couldres de sept à huict lieus qui est le commencement de la terre de prouvynce de Canada desquelles y en a une grande qui a envyron dix lieus de long et cinq de laize…» (p.3)
Une musique à lire à haute voix. Comme quoi la langue écrite n’a cessé de se modifier avant de se conformer à des règles qui ne cessent jamais de bouger.

Moments et figures

La bataille des plaines d’Abraham hante beaucoup d’écrivains. Pierre Villemure en donne une version plutôt étonnante. Une date qui marque l’imaginaire du Québec, même si certains contemporains tentent d’occulter ce fait historique. Les écrivains au cours des siècles sont souvent revenus sur cette guerre qui oppose Anglais et Français, cet été sanglant où les villages qui longent le Saint-Laurent ont été incendiés et pillés avant la chute de Québec.
Le lecteur glissera avec bonheur du côté des légendes, des contes et des récits, suivra des originaux comme Drapeau et Grelot. La figure de Marie-Josephte Corriveau sort de l’ombre on s’en doute. Le tout ne serait pas complet, sans une incursion dans le fantastique. Les loups-garous, les feux follets, les sorcières, les bandits de cap Rouge ont aussi leur place dans cette fresque impressionnante.
Cette lecture permet de retrouver les sources de l’imaginaire québécois, d’en explorer les avenues et de nous amarrer à la littérature qui se fait maintenant. Une magnifique expédition, un grand voyage, une occasion unique de relire des textes du frère Marie-Victorin, Louis Fréchette, Philippe Aubert de Gaspé, Amédée Papineau, Louis Hémon, Faucher de Saint-Maurice, Maurice Barbeau et des dizaines d’autres.
Il faut remercier Aurélien Boivin, Victor-Lévy Beaulieu et les Éditions Trois-Pistoles pour cet ouvrage magnifique, habité de fort belles illustrations qui font découvrir les pays du Québec, explorer un imaginaire qui survit malgré les dédales d’Internet et toutes les charges médiatiques. Un véritable délice que cette brique de plus de 700 pages qui se lit comme un thriller.

«Contes, légendes et récits de la région de Québec» d’Aurélien Boivin est publié aux Éditions Trois-Pistoles.

jeudi 17 avril 2008

Elena Botchorichvili met Chagall en mots

En lisant «Sovki» d’Elena Botchorichvili, souvent j’ai eu la sensation de glisser dans «Les mariés de la tour Eiffel» de Marc Chagall où les époux flottent sur un coq gigantesque et survolent Paris comme s’ils étaient portés par des nuages. Ils échappent à l’attraction terrestre pour vivre intensément l’amour, suivis par un diable au violon.
Elena Botchorichvili, après «Faïna» paru en 2006, nous offre une autre fable remarquable par sa densité et sa magie. Le regard reste unique, sa manière de raconter un monde cruel et fantastique. La Géorgie, le pays des origines, les villes labourées par les obus se profilent. Les hommes sont soldats dans l’Armée rouge, vénèrent Staline ou le haïssent en silence. Une époque où tous peuvent être arrêtés, torturés et relâchés un matin. Les dictatures se nourrissent d’arrestations et de souffrances, c’est connu. D’autres disparaissent, bus par la terre. Et s’ils reviennent de la tuerie, ils ont des absences étranges. Comment oublier la mort quand elle vous effleure la main pendant des mois ?
Et les femmes seules rêvent de tendresse et de caresses. L’espoir viendra-t-il au bout de la nuit? Et il y a Artchil Gomarteli.
«Alors il levait les yeux. Son regard la fixait, elle, pas une autre, la plus belle de la tablée, même si elle était un peu éloignée de lui, il ne cessait de la dévisager, avec un mélange d’exaltation et d’admiration, comme un gamin qui découvre pour la première fois une femme nue, un gamin entré par mégarde dans une autre chambre que la sienne. Une seconde passait, puis deux… Et cette femme, engoncée dans sa plus belle robe à l’occasion de cette soirée, avec ses cheveux ondulés au prix d’une nuit d’insomnie, avec sa fourchette à sa gauche et son mari à sa droite, se sentait toute nue, entièrement déshabillée, n’ayant plus que ses souliers noirs, sur la table recouverte d’une nappe blanche. Prête au sacrifice. Je me rends à vous, vous m’avez vaincue.» (p.12)

La survie

Demain pourra-t-il arriver, malgré le pire, malgré des lois qui interdisent la pensée et certains mots. L’avenir est flou, la mort ricane derrière les maisons. Le monde d’Elena Botchorichvili est cruel, ivre de misères et d’obsessions.
«Après le départ de Pepela, la maison des Gomarteli se mit aussitôt à grisailler, à se ratatiner. Il en est ainsi dans n’importe quel trou perdu de Komsomolsk quand le soleil le quitte. Artchil se tenait toujours debout près de la fenêtre, un verre de thé à la main, à regarder le mûrier. Le malheur était qu’il s’ennuyait.» (p.128)
Une écrivaine formidable, un regard sur la réalité humaine qui bouleverse. Il suffit de se laisser porter par ce conte fascinant pour en apprécier la magie. Comment ne pas aimer cet hymne à la vie et à la liberté?
«Voici ce que le vieux Gomarteli avait sur le cœur. Il haïssait Staline tout autant qu’Hitler. Il haïssait le communisme autant que le nazisme, comme il haïssait tout système qui prive les hommes de leur spécificité d’individus, qui les mélange en un ensemble unique et les broie comme un baume. Et c’est précisément parce que les hommes sont terrorisés, écrasés, transformés en extraits et en émulsions qu’ils se métamorphosent en particules impersonnelles, en ingrédients sans nom. Des Soviétiques, des Sovki.» (p.81)
Elena Botchorichvili tient son lecteur en haleine avec un récit émouvant et touchant. Encore une fois, elle démontre que l’écrivain n’échappe pas aux blessures de son enfance. Malgré sa vie à Montréal, elle ne cesse de visiter sa Géorgie qui a connu les pires horreurs, pour la raconter et la réinventer. Elle devient mémoire de ce pays écrasé et parvient à le faire vivre de façon étonnante, avec une fraîcheur qui laisse sans voix.
«Xenia extirpa ses souliers de la boue, elle sauta sur la table, des mains l’attrapèrent, il y eut de la boue sur la nappe, de la boue sur sa robe blanche, elle fit un pas, puis deux et tout fut fini, comme si le vent l’avait emportée. Et le visage des invités devint cireux comme celui des patients du docteur Gomarteli.» (p.87)
Un pur plaisir, une fête de l’imaginaire.

«Sovki» d’Elena Botchorichvili est publié aux Éditions du Boréal. 
http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/auteurs/elena-botchorichvili-971.html

mardi 15 avril 2008

Jean-Marc Massie refait le monde à sa manière

Le conte permet de réécrire l’histoire, de se moquer des possédants et d’assumer la revanche de l’opprimé sur les puissants. Jean-Marc Massie illustre, une fois de plus, qu’il est de la grande lignée des inventeurs de mondes.
Vous pensez connaître les débuts de l’Amérique? Vous croyez que Jacques Cartier a été le premier à remonter le Saint-Laurent et à mettre le pied en cette terre du Canada. Détrompez-vous! Jean-Marc Massie prouve que notre histoire est un malentendu. Montréal a été fondée par des esclaves africains qui ont réussi à se libérer de leurs chaînes. Après des semaines de navigation, ils ont échoué au milieu du Saint-Laurent à la hauteur de la ville du maire Tremblay. Et le mont Royal n’est pas une simple montagne au cœur d’une île.
«Chaque dimanche, le mont Royal est noir de monde. Le son des tam-tams pénètre le sol de Montréal, cette terre qui a été recueillie d’un peu partout aux alentours du Sao Bento ; le son s’engouffre jusque dans un vieux bateau vide, enfoui là depuis des siècles. Et chaque dimanche, pour sortir la ville de sa torpeur et chasser l’aliénation masquée de l’homme rose, le bateau renvoie en écho le chant de Capitao sur le rythme de la lourde et puissante pulsation cardiaque des révoltés du Sao Bento, lointains, lointains ancêtres des Nègres blancs d’Amérique.» (p.29)
Ce conteur à l’imaginaire débridé et foisonnant sait décortiquer la réalité pour lui donner une autre dimension. Étonnant, inventif et éblouissant.

Imaginaire

Si Jean-Marc Massie, dans «Délirium Trémens», nous égarait souvent à la fin de ses histoires, ce n’est plus le cas. Il maîtrise son imaginaire et esquisse une fresque magnifique dans «Montréal démasquée». La plus grande ville du Québec prend une couleur inédite, se transforme en cité mythique et sensuelle.

«Un peu plus à l’est, sur la terrasse du Saint-Sulpice, intellos post-hippies et activistes altermondialistes dissertaient sur le réchauffement de la planète et ses conséquences  sur la fertilité des batraciens. Aux limites du quartier gai, la vapeur blanchâtre des saunas masquait la grisaille du smog, créant ainsi une hyper-condensation de toutes les pulsions sexuelles de la ville. Cuir, latex, masques en cuirette, tattoo, piercing, pubis épilés et torses bombés avaient la cote sur la Sainte-Catherine à l’est d’Amherst. Sous le pont Jacques-Cartier, on faisait l’amour à plusieurs, à voile ou à vapeur ; l’important, c’était d’y mettre sa sueur.» (p.37)
Son DVD montre un sorcier sur scène qui danse, chante et invente un univers d’un geste de la main. Il faut le lire surtout, le plaisir est décuplé. Massie connaît les possibilités de l’oral et de l’écrit, deux modes d’expressions qu’il maîtrise parfaitement.

«Montréal démasquée» de Jean-Marc Massie est paru aux Éditions Planète rebelle.

La diva Maria Callas aimait-elle cuisiner?

Denys Arcand et Réal La Rochelle
Réal La Rochelle emprunte un chemin particulier pour raconter Maria Callas, une chanteuse que l’on a baptisée la «soprano assoluta». Une cantatrice remarquable qui a vécu deux vies.
Pendant son adolescence, jusqu’au début de la vingtaine, Maria Callas a été une jeune femme rondelette, quasi obèse. Lors de la Seconde Guerre mondiale en Grèce, la jeune chanteuse connaissait des problèmes de poids pendant que la population crevait de faim. On n’a pas de mal à imaginer qu’elle a éprouvé des sentiments partagés envers la nourriture. Il faudrait peut-être un psychanalyste pour tout embrouiller ou percer le mystère.
À partir de 1953, elle retrouve une taille de guêpe, comme si elle avait changé de corps. Une véritable métamorphose. Et quel beau terrain pour les spécialistes qui n’ont pas manqué de se questionner sur la voix de Callas avant et après.
«La comparaison de certaines œuvres enregistrées aux deux périodes différentes, la grasse et la maigre, apporterait certainement une compréhension plus aiguë et plus fine du phénomène. Ce travail remettrait également en perspective une affirmation erronée de la cantatrice. Elle insistait pour dire que ses enregistrements en studio avaient été faits alors qu’elle était mince, et que cette situation n’avait pas altéré sa voix. Or, tous ses enregistrements Cetra et EMI, de 1949 à 1953, ont été réalisés alors qu’elle était obèse.»  (p.52)
«La Divina» ne s’attardait guère devant ses fourneaux, on s’en doute. Il semble impossible de prouver qu’elle cuisinait comme le découvre le scribouillard du récit de Réal La Rochelle qui doit trouver les recettes originales de la chanteuse. Et, ses obsessions ou ses faiblesses alimentaires, Maria Callas pouvait les confier à un cuisinier ou les satisfaire dans les plus grands restaurants.

Époque

Callas est peut-être l’une des premières vedettes de l’opéra à vivre et à périr par l’image. Elle précédait ses contemporaines sous cet aspect. Elle s’acharnera à préserver cette «taille de guêpe», malgré des difficultés à contrôler son poids. Une obsession qui l’aura entraînée dans la mort. Mais où commence la fabulation et qu’est la réalité? Les grandes figures semblent drainer les mystères.
«Callas, boulimique de drogues, est morte stupidement d’une overdose. Comme Marilyn Monroe, Janis Joplin, Jim Morrison. Tous Américains. Tous porteurs de musiques d’autodestruction.» (p.87)
Ce récit bien documenté permet de découvrir une femme angoissée et pleine de contradictions. Réal La Rochelle donne envie de s’attarder auprès d’une artiste remarquable qui a vécu des «vies exceptionnelles». Cela explique peut-être la fascination qu’elle exerce encore sur les amateurs de chant lyrique. La Rochelle m’a fait retrouver les quelques disques de Callas que je possède. Pour les écouter et les entendre d’une manière différente.

«Les recettes de la Callas» de Réal La Rochelle est publié aux Éditions Leméac.

Suzanne Jacob bouscule le langage

Suzanne Jacob s’intéresse au langage et aux mécanismes qui font que nous pouvons nous entendre entre individus qui vivent sur un même territoire. Elle a mené sa réflexion dans un essai remarquable «La bulle d’encre» et dans «Écrire» paru aux Éditions Trois-Pistoles où les écrivains tentent de cerner leur univers et le pourquoi de l’écriture.
Elle revient sur le sujet dans «Histoire de s’entendre», s’inspirant de l’expérience qu’elle a vécue à l’Université d’Ottawa où elle a été écrivaine en résidence. Elle avait accepté ce séjour à la condition de donner un cours que les étudiants devraient suivre. Histoire de ne pas parler dans le vide, j’imagine. Elle a choisi d’y questionner la langue, le langage, la pensée dans ces rencontres en explorant le monologue intérieur.
«À partir du fait que c’était le dialogue avec ces œuvres qui m’avait le mieux mise à l’abri de la désintégration, qui m’avait fait le mieux entendre ma propre voix intérieure, j’ai décidé que j’allais proposer aux étudiants une exploration du monologue intérieur, c’est-à-dire une exploration du monde là où il commence et finit pour chacun des individus de l’espèce humaine. Le monde n’est nulle part ailleurs que dans le monde des pensées de chacun.» (p.24)
Un angle qui peut prendre toutes les couleurs et peut aussi emprunter toutes les directions. Bien sûr, il y a des balises, des lois, cette grammaire qui réjouit certains et qui peut en faire damner d’autres. Un ensemble, un consensus qui fait que l’on a domestiqué le langage et qu’il est possible de communiquer entre des individus. Des codes aussi si l’on veut.

Communication

Ces règles permettent l’expression et aussi un regard sur le monde qui nous entoure, de livrer une pensée. Elles règlent aussi, policent et censurent dans une certaine mesure en mettant des balises partout.
Suzanne Jacob s’intéresse particulièrement à ces règles, à ce qu’elles permettent et aussi empêchent. Peut-être aussi se demande la romancière, qu’en se livrant à certains exercices, il est possible de faire tomber les masques, de faire entendre une voix qui est étouffée au plus profond de sa conscience. Que peut-il arriver quand on se met en situation d’écoute et que l’on ouvre toutes les valves pour ainsi dire. Bien sûr on reconnaîtra certaines approches et Suzanne Jacob montrera bien la différence entre l’examen de conscience, l’écriture automatique ou encore l’association libre que l’on pratique en psychanalyse.
«Il peut seulement faire prendre conscience que le silence, l’attention, la concentration font jaillir dans l’esprit des brouillons, des bredouillements, des amorces, des filaments de pensées, d’histoires, de récits qui paraissent n’avoir aucun sens, aucune utilité, aucun destin ni destinataire ; il peu seulement faire prendre conscience que le silence, l’attention, la concentration ont parfois pour effet de vider l’esprit de ces manifestations de l’activité de la machine narrative, sans perdre de vue que le vide, le silence, le mutisme figure parmi ces manifestations.» (p.28)
Nous basculons dans une forme d’expression hybride qui tient de l’improvisation, de la spontanéité et de libération du flux verbal. Cela permet surtout de défaire les blocages, certaines craintes qui empêchent de descendre au plus intime de soi. L’écrivaine y rencontrera des craintes, des refus et aussi des colères même dans cette approche. On ne s’ouvre pas comme on le fait de la porte d’un placard.
Suzanne Jacob tout en questionnant ses étudiants, le fait tout autant avec elle, explorant ses propres blocages, ses réticences, oscillant entre sa mère la Pianiste et sa sœur la Mouette. Elle ira rôder aussi du côté de certains écrivains qui l’ont marquée, de ses propres romans aussi. Un échange qui demande beaucoup d’ouverture et de générosité, d’humilité aussi et d’écoute.
Il en résulte un essai fort intéressant, souvent déconcertant. Elle arrive peut-être à cerner son univers, à déclencher des processus d’expression chez ses étudiants en approchant après plusieurs tentatives ce noyau dur, ce lieu où l’on cache des secrets que nous ne voulons livrer à personne, que nous ne souhaitons même pas évoquer. Pourtant, le travail de l’écrivain repose essentiellement sur cette quête, cette ouverture, cette plongée en soi qui fait que l’on dit ce que l’on ne veut pas penser même.
Un questionnement intéressant pour ceux et celles qui s’intéressent au pourquoi et au comment dans l’écriture, qui savent très bien que la langue les porte tout autant qu’elle les brime. Suzanne Jacob continue son exigeante quête.
«Écrire, c’est peut-être aussi décider d’en finir avec une histoire obsédante. Choisir son obsession et inventer l’oreille dormante qui aura raison d’elle, qui parviendra à lui donner un début, une durée, une fin. Et lire, c’est encore choisir d’entrer dans l’obsession d’une autre histoire pour exercer l’oreille dormante à trouver les issues de sa propre obsession.» (p.104)

«Histoire de s’entendre» de Suzanne Jacob est publié aux Éditions du Boréal.

L’écriture pour le plaisir de la voltige

«La descente du singe» ressemble à un feu d’artifice qui illumine la nuit pendant quelques instants. Éblouissement, applaudissements et puis retour des ténèbres et du silence.
De courts textes donc, un goût prononcé pour les jeux de mots, les suites absurdes, l’étrangeté, les pirouettes qui déstabilisent et laissent en déséquilibre… J’ai rapidement renoncé à chercher des ancrages dans ces récits qui empruntent toutes les directions. On s’y perd souvent. C’est voulu, songé, dira-t-on.
Quel livre étrange! David Leblanc parvient à être amusant, sérieux quand il se donne la peine de s’attarder à son propos. Le plus souvent, il résiste mal à la danse des sophismes. Il raffole de l’absurde, jongle avec les sonorités et patauge dans une logique étrange. Bien sûr, le lecteur peut sourire devant les saluts faits à certains écrivains et s’amuser de ces paralogismes ou faux textes philosophiques.
«Considérant qu’un mot peut faire image et qu’une image vaut mille mots, nous tiendrons pour acquis qu’un mot qui fait image vaut mille mots. Ces mille mots feront chacun image, et chaque image vaudra mille mots donnant chacun une image valant mille autres mots, et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’esprit se retienne d’aller plus loin, car il est difficile de se faire une idée – appelons cela une image mentale – de ce que représentent mille fois mille fois mille fois mille fois mille fois. Aussi est-il faux de croire qu’une image vaut mille mots, puisqu’il en est un qui les vaut toutes: infini.» (p.129)
Et après?

Je suis toujours un peu mal à l’aise après une telle lecture. L’impression d’être aspiré par une écriture qui implose et tente de casser les moules. On le sait, les mots tracent des frontières qu’il est à peu près impossible de déplacer. Il faudrait oser, aller aussi loin que Claude Gauvreau pour inventer une autre dimension, une autre logique à ses risques et péril.

«Je n’écris pas. Sujet+verbe+complément. Je n’ai pas dit que je n’écrivais rien, encore moins que je n’avais rien à écrire, ce qui ne revient pas du tout au même, quoique le fait de n’avoir rien écrit jusqu’à présent puisse le laisser croire. J’aurais pu dire « laisser entendre », écrire « laisser paraître », mais je n’en ai rien fait. Je n’écris pas, c’est tout. » (p.111)
Que dire de ce puzzle que l’on oublie la dernière page tournée. Oui, c’est original, touffu et Leblanc démontre une bonne maîtrise de l’écriture. Est-ce suffisant? Quelques trouvailles, des lancées où l’on aimerait que l’auteur s’attarde. Je pense à ces réflexions sur l’âme russe. Leblanc fait tout pour dérouter son lecteur et il y arrive parfaitement.

«La descente du singe» de David Leblanc est paru aux Éditions Le Quartanier.

jeudi 10 avril 2008

Allen Côté effectue un retour après dix ans

Dix ans après «La ruelle au fond du cœur», Allen Côté revient avec «La société du campus», un roman qui nous entraîne dans le monde universitaire même si les enseignants et les matières académiques y prennent fort peu de place. Les personnages gravitent autour d’un bistrot où les étudiants aiment refaire le monde. La vie va dans toutes les directions quand on a vingt ans. Il faut tant de choses avant de s’installer et se laisser porter par l’amour et les passions.

Myriam, Joanna, Émile, Vincent, Yanic fréquentent les mêmes lieux et cherchent, chacun à leur façon, un peu d’espace pour oublier un passé étouffant. Yanic se remet mal du départ d’Yseult. Il dérive, parle pour engourdir son mal et partage un vaste appartement, rue des Croquemitaines, avec Émile et Vincent.
Émile vient de quitter sa petite ville de région pour étudier en théâtre. Comment ne pas reconnaître Chicoutimi dans Tremblebourg? Myriam, étudiante en psychologie, y est née également. Joanna travaille comme escorte et baise juste ce qu’il faut avec ses réguliers. Elle aime Vincent, un hockeyeur de haut niveau et s’égare dans la rédaction de son mémoire.
«Oui, je ferai ma maîtrise et j’ouvrirai mon cabinet de consultante en sexologie. J’aiderai les couples à trouver l’harmonie dans leur vie sexuelle et je leur paverai la route du bonheur. Ainsi, je serai contente de moi et le soir, je fermerai les yeux en étant certaine d’avoir rendu des gens heureux. Pour l’instant, je ferme les yeux en sachant que le plaisir que je procure est purement érotique. C’est une fragrance passagère qui n’enlève rien au mal de vivre et au manque d’estime de soi qu’ont les clients même s’ils sont souvent des gens très importants.» (p.16)

Enfance

Tous tentent de guérir une blessure profonde qui vient de l’enfance; tous ont connu une forme d’abandon et de rejet qui les fait claudiquer. Surtout Myriam! Elle plonge souvent dans des colères qui laissent ses proches pantois. Elle fuit les garçons, arrive difficilement à établir des liens avec les autres. Heureusement, il y a Joanna au grand cœur.
«J’ai vingt et un ans, bientôt vingt-deux, et tous les espoirs me sont permis. Oui, il y a de la houle et ça me donne des nausées. Je ne sais pas si c’est l’angoisse, mais il m’arrive parfois de penser perdre pied et mourir. J’ai peur d’être engloutie par un maelström de larmes. Je me laisse aller et meurs doucement en croyant rejoindre maman. Mais quelque chose me retient à la vie. Un beau jour, je découvrirai peut-être ce que c’est.» (p.47)

Monologue intérieur

«La société du campus» se présente comme un éloge à l’amitié, à ces liens qui font que jamais quelqu’un est condamné à n’être qu’un navigateur solitaire dans la vie. Myriam apprivoisera son demi-frère Émile et se réconciliera plus ou moins avec sa mère biologique. Joanna abandonnera sa vie d’escorte pour vivre avec Vincent. Même Yanic trouvera un sens à sa vie en travaillant dans un nouveau bistrot. Il faut des groupes, des alliances pour survivre dans une époque qui s’effrite et ne trouve plus aucune certitude.
«Une mascarade dans un cirque burlesque. C’est un peu ça, l’Amérique, un cirque burlesque. Et plus on consomme, plus on se sent en situation de pouvoir. On ne prend plus le temps de se faire une idée de l’essentiel. Nous sommes emportés par une vague et nous flottons dans un chambardement de valeurs, sans plus distinguer le bien du mal, le réel du faux.» (p.64)
Chacun prend la parole dans cette quête d’identité. Il en résulte des monologues fort peu personnalisés, même si le locuteur change. L’écriture reste neutre, un peu terne. Comme si chacun devait prendre du recul pour saisir sa vie et la direction qu’il entend emprunter.
Un plaidoyer discret pour la compréhension et l’acceptation en ces temps d’accommodations raisonnables. Allen Côté semble croire que les jeunes de vingt ans vivent spontanément l’ouverture et l’entraide. Ils ignorent les jugements, les anathèmes et parviennent à esquisser une société inclusive, permissive et plus tolérante.

«La société du campus» d’Allen Côté est publié chez VLB Éditeur.

jeudi 3 avril 2008

Katia Belkhodja enchante à son premier roman

 Parfois, on reste étourdi, incapable de trouver les mots en refermant un livre. Les phrases se défilent. C’est ce qui m’est arrivé avec «La peau des doigts» de Katia Belkhodja, une écrivaine née en Algérie.
Je suis devenu frénétique, moi qui souligne au marqueur jaune les passages que j’apprécie de mes lectures. Un peu plus et toutes les pages de Belkhodja devenaient un parterre de printemps engorgé de nouveaux pissenlits.
«Je t’ai reconnue à cause de tes boucles, sur l’esplanade de la Place-des-Arts. Il ne pleuvait pas. Il ne faisait pas, non plus, tout à fait beau. Pas vraiment. La moitié du ciel en nuages, sentinelles de lumières et d’ombres. Je me suis dit, comme ça : les nuages nous surveillent, avec dedans le visage des oubliés.» (p.9)
Un feu, une présence, une manière qui envoûte. Du début à la fin.

Nomades

Celia a quitté l’Algérie pour rejoindre un jeune homme à Paris. Un amoureux qui sentait le noisetier et avec qui elle a fait l’amour une seule fois.
«D’abord les lèvres, et puis les vêtements qui s’enlèvent et qui glissent, les robes et les sarouals, les jupons, les ceintures, les foulards, les bijoux, et il ne reste plus que la peau pour habiller le corps. Il ne reste que soi. Et l’autre, en face, si terriblement différent et si semblable. Et ils se fabriquent des soupirs. Explorations interrompues, tâtonnantes, cambrures, courbures d’amour et de douceur et le moment où il n’y a plus rien à explorer de là, aussi, le moment où il entre où c’est la première fois.» (p.17)
Paris et Montréal plus tard. Et cet amoureux qu’elle ne retrace jamais. Toute l’histoire devient une quête, de multiples errances. Impossible de trouver un lieu où il est possible de calmer cette frénésie. Des rencontres étonnantes, des amours qui soufflent l’âme et le corps, des folies qui poussent les jumeaux Gan, un autiste et Fril, le peintre, ou Dona à partir sans jamais se retourner. Ils sont des migrants de l’âme. Ils marchent sur une lame de rasoir, oscillants entre la folie et la lucidité; ils vont, transis, illuminés, trouvant un peu d’apaisement dans ce mouvement. Ils fuient, ne trouvent jamais, qu’importe.

Envoûtement

Katia Belkhodja entraîne le lecteur dans une ronde fantastique, avec, comme des oasis ici et là, où il est possible de reprendre son souffle. Et cette écriture qui envoûte telle une phrase de Marguerite Yourcenar qui obsède Gan.
«Attendre Marguerite Yourcenar, comme ça, en deux mille cinq, la femme prophète. Viens et libère-nous du non-sens. Et éloigne Beckett comme un diable en boîte. Je n’ai même jamais su ce qu’elle écrit, Marguerite Yourcenar. (Non, pas ce qu’elle a écrit : il paraît qu’on écrit toujours au présent, même ce qu’on a déjà écrit. Je ne savais pas, un poète me l’a dit au détour d’un chemin, il y a longtemps, avant de ne plus m’aimer. Mes amours toujours au présent, même ce qu’on a déjà aimé. Même quand on a arrêté d’écrire, arrêté d’aimer.)» (p.32)
Et dire que Katia Belkhodja a vingt ans, qu’elle est étudiante en littérature, qu’elle présente une œuvre formidable à sa première tentative. Une véritable magie emporte ce roman et les personnages.
«Et elle prend dans sa main très vieille et puis toute brune, sa main avec des taches, lézardée comme un mur, la peinture qui s’écaille, sa main, la peau comme de l’art abstrait. Elle prend la main de la cousine, Celia. Elle retourne sa main et sur chacun des doigts, pulpes brûlées, la peau. Chacun à tour de rôle posé sur sa bouche. Crevassée, ramassée, rentrée, tirée vers l’intérieur. Celia embrasse Celia, lui dit : toi non plus, tu ne seras jamais un saumon.» (p.92) 
Katia Belkhodja nous pousse à la limite de l’apnée. Ça sent le sable, la peau gorgée de miel, le soleil, le bleu du ciel si cela se peut. Tous les personnages se croisent, se perdent et se retrouvent dans une incroyable pérégrination. Ils s’aiment, se blessent, n’arrivent pas à calmer la douleur qui les possède. Des pages étonnantes de beauté, une écriture très singulière. Un enchantement. Une belle découverte.

«La peau des doigts» de Katia Belkhodja est publié chez XYZ Éditeur.

Une maison livre grands et petits secrets

Lise Bissonnette voulait une manière de chalet en ville, un lieu où elle pourrait se retirer, faire venir les mots et les phrases.
Au cours d’une promenade, il y a eu un regard sur une petite maison bleue abandonnée dans la neige. C’était près de la rivière des Prairies, du rapide du Gros-Sault. Deux mondes venaient de se heurter. Achat, rêves, projets, discussion avec l’architecte Pierre Thibault. Le refuge deviendra une maison qui accueillera tous les livres que Lise Bissonnette et Godefroy Cardinal collectionnent avec passion. Le présent et l’histoire se souriaient.
Lise Bissonnette a rapidement voulu tout savoir de cette maison construite par Pierre Gagnon et Marguerite Corbeille en 1811. Une demeure plus que modeste occupée par les descendants du couple jusqu’à une époque récente. Il n’en fallait pas plus pour plonger dans l’histoire de cette famille et les suivre sur presque deux siècles. C’était aussi faire revivre ce coin de pays. Moulin à farine et tailleurs de pierre, cageux et petits ouvriers se côtoyaient. Les Gagnon se sont débrouillés comme tous les Québécois peu lettrés de l’époque. Ce pourrait être le vécu de bien des familles.

Architecture

Regard aussi sur l’architecture et évocation de ces maisons défigurées par les vendeurs de matériaux. Pierre Thibault, l’architecte, a dû concilier passé et présent dans cette aventure.
«Cette maison aurait dû mourir. Au cours des grands massacres des années cinquante et soixante, quand le maire Jean Drapeau se fait fièrement le destructeur en chef des plus beaux bâtis de Montréal, quand la partie nord de l’île, dernière frontière, perd ses champs et chalets aux bungalows en rangée d’une génération d’enfants de locataires qui découvrent l’accès à la propriété, le quartier Bordeaux n’échappe pas aux tronçonneuses, niveleuses et autres machines. Les curés ouvrent eux-mêmes la marche, avec zèle.» (p.51)
Rénovations sauvages et démolitions ont marqué l’histoire du Québec Cette maison qui a résisté au temps par miracle devient le legs de la famille Gagnon au Québec contemporain.

Amour et parfum

Pour la fin, madame Bissonnette a imaginé une discussion entre Balzac et Théodore Banville. Une histoire d’amour et de parfum qui tourne autour de la flouve, ce foin d’odeur qui pousse comme du chiendent au Québec. Pourquoi pas! Ce projet, après tout, s’est échafaudé autour des livres. La petite maison bleue avait bien droit à sa fiction.
Édition soignée, très belles photos agrémentées de plans et de dessins. Véritable hommage à l’architecture et plaidoyer pour ces demeures modestes qui retiennent l’attention de bien peu de gens. Un bonheur pour ceux qui aiment l’histoire, l’architecture et les maisons.

«La flouve, le parfum de Balzac» de Lise Bissonnette est paru aux Éditions Hurtubise.