dimanche 1 avril 2007

Un portrait de la société plutôt troublant

Sylvain Trudel, l’auteur de l’incomparable «Le souffle de l’Harmattan», ne cesse de s’attarder à la condition humaine, de  tourner autour de ces jeunes qui sont de plus en plus perdu dans une société qui perd ses balises, transforment les humains en des consommateurs frénétiques.
Le lecteur qui va s’aventurer dans «La mer de la tranquillité» ne sortira guère rassuré sur l’avenir du monde. Dans ces nouvelles dures, aiguisées comme des lames de rasoir, l’écrivain s’attarde aux largués de la société, à ceux et celles qui hantent les rues de Montréal, n’ont pas de lieu pour s’arrêter, se reposer et sourire tout simplement.
Ces itinérants tentent de trouver l’espoir au bout de la ruelle, une manière de se rassurer. Ils hésitent entre l’utopie, le désir de convertir et de changer la société, de se sacrifier pour le meilleur des mondes ou encore ils fixent une tache sombre sur le ciment, près du pont Jacques-Cartier d’où un désespéré s’est jeté. Un garçon qui en plongeant vers la mort, est devenu quelqu’un qu’on regardait, qu’on voyait. Il s’est peut-être senti exister alors.
Un errant, dans un parc, écoute un homme qui a toute sa vie derrière et qui ne trouve plus de raison de continuer. Une nouvelle troublante que celle de «La mer de la tranquillité» qui coiffe l’ensemble du recueil. Comme si l’incertitude, la peur, l’angoisse de vivre se rejoignaient dans la vieillesse et la jeunesse.

Troublant

On ne cesse de le répéter. Les jeunes ont de plus en plus de difficulté à se faire une place dans la société moderne. Sylvain Trudel en est bien conscient et semble croire que ce n’est facile pour personne, même pour ceux et celles qui se sont conformés à toutes les règles. L’époque contemporaine a comme bouché tous les horizons. Il n’y a plus d’élan qui fait croire en demain avec la pollution, le réchauffement de la planète et l’épuisement des ressources.
Ce petit livre pourrait servir d’introduction à bien des discussions dans les collèges, motiver des jeunes à discuter et à tenter de repenser le monde. Ils sont dix millions semblent-ils à le faire dans des ONG, à se parler, à discuter, à inventer des manières de faire du commerce équitable, à croire avec Laure Waridel que mettre un sac de café dans son panier est un geste politique.
Les personnages de Sylvain Trudel n’en sont pas là. Ils cherchent une direction dans la vie, un trottoir où ils peuvent avancer sans se heurter à des murs. C’est peut-être ce qu’il y a de pire : la perte de sens, de croyances, cette douleur de vivre et la hantise de la mort. Parce que se gaver de marchandises fabriquées au plus bas prix en exploitant les enfants, est aussi une forme de mort et de suicide.
Des nouvelles écrites dans une langue superbe. Sylvain Trudel reste incroyablement efficace et pertinent.


«La mer de la tranquillité» de Sylvain Trudel est publié chez Les Allusifs.

Paul Auster est un écrivain fascinant


Paul Auster nous a habitués aux histoires étranges et à des situations tordues qui nous plongent dans des mondes inconnus. Il aime les bascules, les trappes qui nous permettent de passer d’un univers à l’autre. C’est le nœud de ses nombreux romans. Un personnage fait sa vie et arrive un croisement, un moment qui fait que tout bascule. Comme si le monde était fait de trous qui permettent de passer d’une dimension à une autre.
Il en est ainsi dans la vie, même si le saut n’est pas tout à fait aussi radical. Il peut arriver que quelqu’un heurte un mur, vive une maladie ou une situation qui change complètement sa vie et le plonge dans un autre univers.
Dans sa trilogie new-yorkaise, Paul Auster nous entraîne dans un monde étrange. Il suffit d’un croisement où deux lignes s’emmêlent et son héros se retrouve à la rue, perdu comme un itinérant qui a perdu toutes ses références et qui doit apprendre la vie sauvage des villes. C’est là une constance dans l’œuvre de cet écrivain américain beaucoup plus populaire en France et au Québec que dans son propre pays.
La vie n’est pas une ligne lisse et droite. Il peut arriver que tout change, que tout se modifie. La vie est comme une sculpture qui comprend plusieurs facettes et qui tourne sans que l’on ne sache trop pourquoi.

L’œuvre de fiction

Paul Auster aime bien aussi faire sentir au lecteur qu’il est dans une entreprise d’écriture. Il arrive souvent que le récit prenne la forme d’un roman policier où un personnage enquête sur une autre personne, rédige des rapports. Toute l’intrigue repose sur une entreprise d’écriture. Souvent aussi, le personnage qui enquête se rend compte qu’il est en train de s’épier et de se filer soi-même. Tordu, impossible? Il s’agit d’une allégorie de l’écrivain qui épie son personnage, le suit, le pourchasse, le tient sous observation tout en fouillant dans sa propre vie et dans ses propres comportements pour nourrir son œuvre de fiction.
Encore une fois, «Dans le scriptorium», nous basculons dans un monde étrange. Un homme âgé se retrouve dans une chambre, seul. Il a perdu la mémoire et son nom, Mr. Blank qui signifie blanc en français. Espace blanc comme trou de mémoire. Il ne sait pas pourquoi il est là, ne se souvient d’à peu près rien. Tout ce qu’il dit est enregistré et on photographie le moindre de ses gestes. Nous sommes au cœur d’une œuvre qui est en train de s’écrire, de s’élaborer, de se donner un passé et une sorte d’avenir.
Paul Auster nous enferme dans l’œuvre en cours, se permet de faire agir certains personnages que les familiers de cet écrivain vont reconnaître. Je pense à Anna Blume, Samuel Farr et John Trause. Des personnages qui s’occupent de l’écrivain en quelque sorte, de celui qui a inventé des histoires, qui les a mis au monde pour leur donner une vie à soi. L’écrivain a oublié, tout perdu et ce sont ses personnages qui doivent le nourrir, le dorloter et lui rappeler qui il est. Le titre même du roman est un indice du projet d’écriture. Scriptorium étant l’endroit où les moines écrivaient les manuscrits ou oeuvraient comme copistes dans les monastères. Nous sommes dans le livre avec ses personnages, les manuscrits, le monde tout en blanc qui permet la rédaction et l’écriture.
Un univers étrange, fascinant, très contemporain quand nous voyons les dirigeants de l’État tenter d’inventer une guerre pour motiver la population et garder une cohésion dans le pays. On se croirait dans les jours qui ont précédé l’envahissement de l’Afghanistan par les États-Unis.
Paul Auster réussit à nous inventer une histoire avec à peu près rien. Il crée un mystère avec un personnage qui ne sait plus rien de sa vie et de son passé. Il réussit à glaner ici et là des souvenirs en se frottant à certains personnages qui l’aiment ou le détestent.
Le pire, c’est qu’à partir de ce grand vide, Auster réussit à nous garder, à créer un fil étrange qui nous fait suivre ce personnage, nous plonge dans un monde où il n’arrive rien, où marcher et respirer est la seule action.
C’est peut-être le propre des grands écrivains qui peuvent vous embarquer dans une intrigue en n’ayant que quelques mots, peu d’espace, presque rien. Encore une fois, il boucle le tout et tout recommence à la fin. C’est le propre de l’écriture. Toujours recommencer, toujours refaire le monde, reprendre le même processus et repasser sur les mêmes mots en les modifiant peut-être ou peut-être pas non plus.

«Dans le scriptorium» de Paul Auster est paru chez Actes-Sud-Leméac.

jeudi 29 mars 2007

L’écriture comme méthode d’autodéfense

Depuis le temps, tout le monde le sait. L’écrivain puise dans sa vie et éventre souvent des secrets de famille. Pour se disculper, il confie le tout à des personnages et maquille son histoire en se drapant d’une fausse neutralité. «Il faut tout dire en littérature», répète Victor-Lévy Beaulieu après avoir chipé la sentence à James Joyce.
Certains romanciers refusent cette mascarade en pratiquant l’autofiction. Cette appellation donne un vernis de modernité à une entreprise plutôt ancienne. Le lecteur croit alors plonger dans l’intimité de l’écrivain qui devient le personnage. Un genre risqué puisque le public confond auteur et héros de fiction dans la vie de tous les jours.
Christine Angot, en France, est allée loin dans cette démarche en se complaisant dans ses romans à multiplier les prouesses sexuelles réelles ou inventées. Elle prenait la succession d’Henry Miller et, jusqu’à un certain point, de Marcel Proust. Que dire aussi de Jack Kerouac!

Une quête

Au Québec, plusieurs écrivains ont emprunté cette route avec plus ou moins de bonheur. Marie-Sissi Labrèche s’avère une exception. Ses premiers romans, «Borderline» et «La Brèche», montrent un désarroi, une quête d’attention qui passe par une sexualité débridée. Il s’en dégage une fragilité émotionnelle où l’écrivaine se propulse à la frontière d’une frénésie qui risque de l’avaler. Elle a senti ce danger et dans ce troisième ouvrage, elle tente de prendre un certain recul pour affronter l’univers qui la tourmente depuis ses premières phrases.
Elle reste fidèle à l’autofiction tout en inventant une trame romanesque qui lui permet de confronter les deux facettes du récit, d’explorer ce monde qui la hante. L’écriture devient une arme qui permet de repousser la folie, de rompre avec la malédiction des femmes de sa famille, cette démence qui se transmet de génération en génération
«En fait, ce livre, je l’écris non pas contre toi, mais pour moi, pour laisser toute la place à mon avenir. Même si je raconterai des choses qui te sont familières, j’y injecterai beaucoup de fiction, car comme disait Oscar Wilde: «Prêtez-moi un masque et je vous dirai la vérité.» Il paraît que c’est lorsqu’on est dans la fiction que la vérité se pointe le bout du nez, c’est dans la fiction qu’on peut évacuer le plus de méchanceté et le plus de bonté aussi.» (p.14)

La malédiction

«La lune dans le HLM» permet à l’écrivaine de confronter le monde de sa mère, son héritage familial de folie. La narratrice a migré en Europe et fait sa vie d’écrivaine. Elle revient au Québec, le temps d’écrire un scénario à partir de son roman «Borderline», retrouve sa mère qui vit dans un appartement insalubre avec une poule, au milieu des bataillons de coquerelles. Une misère terrible, physique et psychique.
Comment arracher cette mère à sa folie, comment éviter le trou noir qui l’aspire depuis sa naissance. Tout le roman illustre cette lutte, la hantise qui marque les œuvres de la jeune romancière. Le lecteur connaît ainsi les deux faces d’une approche qui se veut une appropriation de soi et une libération. L’écriture devient entreprise de salut. Comme si en plongeant dans les mots, Marie-Sissi Labrèche subjuguait cet héritage et parvenait à trouver une forme d’équilibre. Une écriture thérapeutique à la limite qui permet d’installer la paix en soi et d’accepter ce legs.
«Tu as trop besoin de moi et je te dois tout, car si je suis devenue ce que je suis aujourd’hui, c’est grâce à toi. Tu m’as transmis tout ce qu’il y avait de meilleur en toi, l’honnêteté, la sincérité, la gentillesse envers autrui, et surtout la capacité de créer. Par ta folie, tu m’as permis d’avoir accès à mon inconscient facilement, et cet inconscient ne me sert qu’à te faire du mal.» (p.245)
Marie-Sissi Labrèche, dans la fiction comme dans l’autofiction, décrit un phénomène que nous refusons souvent de voir même s’il est de plus en plus présent. Une personne sur dix souffrirait de problèmes psychologiques selon certaines statistiques.
Cette forme d’écriture est terriblement exigeante mais combien touchante et attachante. Elle écrit avec la pointe d’un diamant! Un roman généreux et d’une franchise qui laisse le lecteur sans mots.

«La lune dans le HLM» de Marie-Sissi Labrèche est publié chez Boréal Éditeur.

jeudi 22 mars 2007

Marc-Urbain Proulx questionne la région

Les prochaines décennies, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, selon les données cumulées par Marc-Urbain Proulx dans «Le Saguenay-Lac-Saint-Jean face à son avenir», ne sont guère rassurantes. Les ressources naturelles s’épuisent, la population vieillit, les jeunes en âge de fonder des entreprises migrent, les investissements des grandes multinationales n’augmentent plus le nombre d’emplois même si la productivité est en hausse.
Bien plus, la région est peu innovatrice, crée peu d’emplois malgré la présence importante de chercheurs à l’Université du Québec à Chicoutimi, dans l’entreprise privée et dans les quatre cégeps. Les gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont tendance à ignorer «les ensembles» qui permettraient d’innover et d’explorer de nouvelles voies. Peu ou pas de première et seconde transformation non plus.
Pourtant la région compte sur un éventail d’organismes qui planifient le développement et pensent l’aménagement du territoire. Il semble cependant que ces structures cherchent plus à maintenir leur propre existence, à consolider leurs emplois qu’à influencer la situation socioéconomique. La région décline lentement depuis les années 80, époque où elle a atteint son apogée.
Marc-Urbain Proulx, des statistiques plein les mains, lance un cri d’alarme. Il faut changer ses façons de faire pour arrêter la glissade, déchirer les clichés et changer les vieux discours. Autrement dit, il faut forger une nouvelle réalité et écrire un autre scénario.
Si la tendance se maintient, comme on dit, la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean diminuera de vingt pour cent d’ici 2025. Où trouver les travailleurs spécialisés dont la région a besoin maintenant, comment créer de nouveaux emplois, retrouver une vigueur économique et devenir un carrefour en Amérique du Nord avec les vastes territoires nordiques. Le défi est emballant.

Un peu d’histoire

L’énergie hydroélectrique a permis de développer l’industrie de l’aluminium, des pâtes et du papier. L’agriculture et la forêt ont connu une grande prospérité avant de péricliter. L’ensemble de ces ressources ont fait la prospérité de la région, de la Société des vingt-et-un à nos jours. À partir des années 80, les nouvelles technologies ont permis d’accroître la productivité tout en coupant dans les emplois en forêt, en agriculture, plus récemment dans les secteurs de l’aluminium, du bois d’œuvre, des pâtes et du papier. L’appropriation des plus importantes entreprises régionales par des intérêts internationaux a aussi des effets néfastes sur l’emploi et l’inventivité.
Peut-être que la région a du mal à prendre son avenir en main parce que le virage vers la modernité s’est fait, historiquement, grâce aux capitaux étrangers. Les investissements massifs sont venus de l’extérieur, particulièrement dans le secteur de l’aluminium et du papier. Le Lac-Saint-Jean a subi ce bond dans l’avenir. La hausse des eaux a laissé de profondes cicatrices. On peut parler d’une cassure qui a marqué l’imaginaire de toute une population.
Malgré les blessures, l’avenir passe encore par la forêt, l’agriculture, l’électricité, l’éolien, le solaire, le gaz naturel et des ressources encore négligées. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean se situe aux portes du Grand Nord, là où tout est possible. Tourisme international, innovations culturelles, nouvelles activités industrielles, parc de la nordicité érigé avec la complicité des Ilnus, des Cris et des Inuits. Les nouvelles technologies pourront jouer leur rôle dans cette autre approche du monde.
La région doit absolument devenir inventive, créatrice d’emplois si elle veut redresser la trajectoire du déclin. La multidisciplinarité est la clef de cette renaissance.
Marc-Urbain Proulx propose d’inventer des cercles de créativité où il sera possible d’aborder les sujets qui permettront de s’installer dans le futur. Cette table de discussion secouera peut-être la fatalité qui s’est installée depuis vingt ans et que l’on dépoussière en temps d’élections.
Chose certaine, la région ne peut attendre que le développement vienne des gouvernements et des multinationales. Plusieurs dirigeants doivent comprendre cette réalité. Peut-être aussi envisager de laisser leur place s’ils sont incapables de relever les défis.
« Les élections traduisent un manque d’intérêt des citoyens à briguer des postes électifs (22 pour cent des conseils municipaux ont été élus en totalité par acclamation). Finalement, on observe un taux de renouvellement (nouvel élu) faible puisque 73,5 pour cent des maires sont réélus. » (p. 92)
La démocratie cherche son souffle au Saguenay-Lac-Saint-Jean et ce n’est guère propice à des lendemains qui chantent. L’avenir de la région et des jeunes générations demande un grand  virage. Marc-Urbain Proulx offre un outil exceptionnel. Espérons que nous saurons l’utiliser.

«Le Saguenay-Lac-Saint-Jean face à son avenir» de Marc-Urbain Proulx est paru aux Presses de l’Université du Québec.

jeudi 15 mars 2007

La culture québécoise est-elle en mutation?


Nos sociétés vivent des changements accélérés. Il semble que ce soit aussi le cas en Chine et en Inde. Ces pays s’imposent de plus en plus comme des puissances économiques mondiales. Plusieurs individus peinent à suivre. Certains s’affolent et prêchent un retour aux valeurs d’autrefois. L’élection de gouvernements plus conservateurs témoigne de cette crainte de l’avenir.
Alain Roy et Gérard Bouchard, dans un essai intitulé «La culture québécoise est-elle en crise?», ont demandé à des intellectuels de réfléchir à cette question. Cent quarante et un braves ont pris la peine de répondre.
Qu’ils soient convaincus d’un état de crise ou pas, tous se rejoignent. Que ce soit au sens large ou étroit, les répondants questionnent les mutations actuelles. Peu importe s’ils regardent par la lorgnette de l’optimisme ou du pessimisme.
Les sociétés changent plus rapidement qu’il y a cent ans. Les communications sont certes responsables de cette accélération et de ce métissage planétaire. Tout devient difficile à saisir et à analyser.
Le Québec, avec l’Occident, vit une période de turbulence. La mondialisation du commerce et la circulation des «produits culturels» bousculent les références. Il semble pourtant, si on en croit John Saul dans son essai «Mort de la globalisation», que cette «euphorie» est en train de se résorber. Les états-nations reprennent en main leur économie, rejettent les diktats de la Banque mondiale du commerce. La culture vivra-t-elle ce repli?
Le Québec n’échappe pas à l’accélération de l’histoire, à la perte de sens, à la montée de l’individualisme et à la dictature des «arts de détente» qui squattent la télévision et refoulent la «culture moins rieuse» dans la marge. Cette quête du divertissement impose une culture formatée que l’on recycle comme du papier journal. Plusieurs répondants le déplorent avec justesse.
Plusieurs affirment aussi que la culture doit vivre en «état de crise permanente» pour évoluer. D’autres s’accrochent à la nostalgie du passé. Alain Roy et Gérard Bouchard tentent de transcender la question et d’explorer des avenues.

Alain Roy

 Alain Roy, comme la plupart des répondants, se nourrit de perceptions et résiste mal à la tentation de tirer des conclusions rapides et émotives. Il s’attarde à des épiphénomènes ou des anecdotes qui ne permettent pas d’évaluer l’état de la culture au Québec.
«L’avidité de notre besoin de reconnaissance se traduit par une attention démesurée aux moindres échos venus de l’extérieur, et plus particulièrement aux échos positifs. Souvent, ce phénomène prend des proportions pathétiques, par exemple lorsque des journalistes réalisent des vox pop à la sortie des cinémas et des théâtres parisiens. Il faut vraiment que notre manque d’estime soit grand pour que nous en soyons à grappiller des marques d’appréciation sur les trottoirs d’outre-mer.» (p.101)
Il faut plus que quelques cas pour diagnostiquer l’état d’une culture. M. Roy tire des conclusions fort suggestives et peu appuyées.

Gérard Bouchard

Gérard Bouchard reste prudent. Oui, les cultures s’interpénètrent, s’influencent tout comme les sociétés qui doivent absorber le choc des migrations. Les trous dans les frontières apportent une conscience planétaire nécessaire à la pensée écologique et au développement durable.
Bien sûr, il est difficile de prévoir la marche des sociétés occidentales après la perte du sacré, la négation du religieux et la montée de l’individualisme. Il ne faut surtout pas conclure trop rapidement.
«Nous ne vivons pas dans une société sans mythes, les signes de dynamisme sont nombreux (l’Occident est traversé par de grandes utopies très nobles, mobilisatrices), nous sommes loin d’une situation de chaos social, la sortie de régime que nous effectuons ne donne pas sur le vide culturel ni sur un état dont nous ne savons rien.» (p.132)
Bien dit !
La région n’est pas en reste dans cette réflexion. Une centaine de personnes, lors du premier volet des «Rendez-vous stratégiques» de l’Institut du Nouveau Monde, les 2 et 3 février, pointaient les médias et les institutions d’enseignement pour expliquer le «peu de visibilité» de notre culture. Le second rendez-vous, qui se tient les 16 et 17 mars au Patro de Jonquière, permettra de discuter de la «culture à l’heure d’Internet». Il sera intéressant de comparer les réflexions des participants aux propos des deux essayistes.

«La culture québécoise est-elle en crise?», de Gérard Bouchard et Alain Roy est paru aux Éditions Boréal.

La culture québécoise est-elle en mutation?

Nos sociétés vivent des changements accélérés. Il semble que ce soit aussi le cas en Chine et en Inde. Ces pays s’imposent de plus en plus comme des puissances économiques mondiales. Plusieurs individus peinent à suivre. Certains s’affolent et prêchent un retour aux valeurs d’autrefois. L’élection de gouvernements plus conservateurs témoigne de cette crainte de l’avenir.
Alain Roy et Gérard Bouchard, dans un essai intitulé «La culture québécoise est-elle en crise?», ont demandé à des intellectuels de réfléchir à cette question. Cent quarante et un braves ont pris la peine de répondre.
Qu’ils soient convaincus d’un état de crise ou pas, tous se rejoignent. Que ce soit au sens large ou étroit, les répondants questionnent les mutations actuelles. Peu importe s’ils regardent par la lorgnette de l’optimisme ou du pessimisme.
Les sociétés changent plus rapidement qu’il y a cent ans. Les communications sont certes responsables de cette accélération et de ce métissage planétaire. Tout devient difficile à saisir et à analyser.
Le Québec, avec l’Occident, vit une période de turbulence. La mondialisation du commerce et la circulation des «produits culturels» bousculent les références. Il semble pourtant, si on en croit John Saul dans son essai «Mort de la globalisation», que cette «euphorie» est en train de se résorber. Les états-nations reprennent en main leur économie, rejettent les diktats de la Banque mondiale du commerce. La culture vivra-t-elle ce repli?
Le Québec n’échappe pas à l’accélération de l’histoire, à la perte de sens, à la montée de l’individualisme et à la dictature des «arts de détente» qui squattent la télévision et refoulent la «culture moins rieuse» dans la marge. Cette quête du divertissement impose une culture formatée que l’on recycle comme du papier journal. Plusieurs répondants le déplorent avec justesse.
Plusieurs affirment aussi que la culture doit vivre en «état de crise permanente» pour évoluer. D’autres s’accrochent à la nostalgie du passé. Alain Roy et Gérard Bouchard tentent de transcender la question et d’explorer des avenues.

Alain Roy

 Alain Roy, comme la plupart des répondants, se nourrit de perceptions et résiste mal à la tentation de tirer des conclusions rapides et émotives. Il s’attarde à des épiphénomènes ou des anecdotes qui ne permettent pas d’évaluer l’état de la culture au Québec.
«L’avidité de notre besoin de reconnaissance se traduit par une attention démesurée aux moindres échos venus de l’extérieur, et plus particulièrement aux échos positifs. Souvent, ce phénomène prend des proportions pathétiques, par exemple lorsque des journalistes réalisent des vox pop à la sortie des cinémas et des théâtres parisiens. Il faut vraiment que notre manque d’estime soit grand pour que nous en soyons à grappiller des marques d’appréciation sur les trottoirs d’outre-mer.» (p.101)
Il faut plus que quelques cas pour diagnostiquer l’état d’une culture. M. Roy tire des conclusions fort suggestives et peu appuyées.

Gérard Bouchard

Gérard Bouchard reste prudent. Oui, les cultures s’interpénètrent, s’influencent tout comme les sociétés qui doivent absorber le choc des migrations. Les trous dans les frontières apportent une conscience planétaire nécessaire à la pensée écologique et au développement durable.
Bien sûr, il est difficile de prévoir la marche des sociétés occidentales après la perte du sacré, la négation du religieux et la montée de l’individualisme. Il ne faut surtout pas conclure trop rapidement.
«Nous ne vivons pas dans une société sans mythes, les signes de dynamisme sont nombreux (l’Occident est traversé par de grandes utopies très nobles, mobilisatrices), nous sommes loin d’une situation de chaos social, la sortie de régime que nous effectuons ne donne pas sur le vide culturel ni sur un état dont nous ne savons rien.» (p.132)
Bien dit !
La région n’est pas en reste dans cette réflexion. Une centaine de personnes, lors du premier volet des «Rendez-vous stratégiques» de l’Institut du Nouveau Monde, les 2 et 3 février, pointaient les médias et les institutions d’enseignement pour expliquer le «peu de visibilité» de notre culture. Le second rendez-vous, qui se tient les 16 et 17 mars au Patro de Jonquière, permettra de discuter de la «culture à l’heure d’Internet». Il sera intéressant de comparer les réflexions des participants aux propos des deux essayistes.

«La culture québécoise est-elle en crise?», de Gérard Bouchard et Alain Roy est paru aux Éditions Boréal.
http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/auteurs/alain-roy-454.html

jeudi 8 mars 2007

Jean Désy fait de sa vie une aventure

Jean Désy, médecin et romancier originaire de Kénogami, sillonne le Nord du Québec depuis des décennies. Un pays de neige et de froid que la plupart des Québécois méconnaissent.
Dans les nouvelles télévisées, à part la météo, on parle du Nunavik pour montrer des jeunes qui inhalent des vapeurs d’essence ou des drogues. Les suicides aussi font les manchettes. Pour beaucoup, ce territoire n’est que rivières qui servent à produire de l’électricité. Un espace à peu près vierge que des exploitants peu scrupuleux transforment en dépotoir. On a vu des images révoltantes à Radio-Canada. Des entreprises minières ont tout saccagé, y laissant la désolation après leur passage.
Territoires des Cris, des Inuits, des aurores boréales et des ours polaires que la fonte de la banquise menace; pays où se heurtent la modernité et les traditions. La sédentarisation a fait perdre pied à ces nomades qui cherchent des balises.
«Un jour que je lui rendais visite, madame Annanack me dit: «Il faudrait qu’ils retournent dans la toundra.» Elle pensait à ses petits-enfants, à deux de ses petits-fils qui s’étaient pendus trois mois plus tôt, à quelques jours d’intervalle, le premier après une peine d’amour, le second à cause du suicide de son frère.» (p.112)

Fascination

Jean Désy, dans plusieurs de ses ouvrages, décrit ces espaces où il a œuvré comme médecin dans des conditions de travail à faire frémir. Il nous entraîne aussi dans des expéditions où la moindre erreur peut coûter la vie. Désy ne maquille rien de ce pays aux humeurs climatiques imprévisibles et à la beauté époustouflante.
«Un jour, je mourrai dans la toundra. Je ne veux pas mourir dans un hôpital, jamais ! Je passe ma vie à l’hôpital, auprès des malades, convaincu que ce n’est pas là qu’il faut mourir : trop de soignants épuisés, trop de microbes, trop de tristesse entre les murs défraîchis. J’ai dit à Samuel que je n’en pouvais plus d’entendre les cris d’Akinésie ou des autres malades chroniques. Et cette histoire sordide de petite fille violée… Soigner les femmes enceintes, les bébés, les vieillards, ça me va. C’est pour ça que j’ai été formé. Mais endurer les cris des malades d’Alzheimer, leurs odeurs…  Endurer la folie des autres…» (p.75)

Là où tout est possible

Dans «Au nord de nos vies», Jean Désy reprend neuf textes qu’il a publiés dans «Médecin du Québec». Julien, son héros, avec quelques infirmières, tente de sauver des vies, se questionne devant les jeunes qui jouent avec des armes et se blessent, les viols d’enfants qui arrivent quand l’alcool et la drogue tuent la raison. Il parcourt ce pays vaste comme un continent, déchiré entre le Nord et le Sud, tente d’échapper, peut-être, au vertige de la civilisation. Il est lui aussi un nomade que le monde étouffe, semblable aux Inuits «tués dans leur esprit» par la quincaillerie de la consommation.
Plusieurs époques se heurtent dans ces villages cernés par le blizzard, où les hommes et les femmes sont minés par tout ce que les avions apportent à chaque semaine du Sud.
Que ce soit dans «Au nord de nos vies» ou «L’île de Tayara», Jean Désy sait ressusciter des désirs que nos vies parfaitement organisées ont étouffés. Il insuffle l’envie de se surpasser et de faire de nos jours une véritable aventure. Cet écrivain unique est un souffleur de rêves qui fait de ses jours une fiction et de ses romans, une quête. Un humaniste qui témoigne d’une grande compassion envers les hommes et les femmes du Nord.
On devrait lire «Le coureur de froid», «L’île de Tayara», «Carnets de l’Ungava», et «Au nord de nos vies», dans les écoles. Les jeunes apprendraient que l’aventure existe près de la baie d’Hudson, dans un pays où tout échappe au rationnel. Il suffit de lever la tête et l’espace est là, hypnotisant et dangereux. Un pays où la quête va de soi, où l’on peut aller au-delà du quotidien pour effleurer, peut-être, une forme de sagesse. L’ailleurs est ici. Là, tout près, dans une immensité qui change ceux et celles qui ont le bonheur d’y vivre et d’y croiser des êtres exceptionnels.

«Au nord de nos vies» de Jean Désy est publié chez XYZ Éditeur.

jeudi 1 mars 2007

L’avenir du Québec passe par les régions

«Y a-t-il un avenir pour les régions?», répète Roméo Bouchard dans un essai paru l’automne dernier. L’auteur était au Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean, en septembre, le temps d’une une table de discussion et, depuis, peu d’écho à ce livre important.
Il était aussi à l’émission «Il va y avoir du sport» de Marie-France Bazzo, à Télé-Québec, où l’on se demandait s’il faut fermer les régions. Une question provocatrice et un débat futile. Marc-Urbain Proulx, Roméo Bouchard, tout comme Jean Tremblay dernièrement, avaient la mission impossible de faire entendre la raison dans un cirque du «pour et contre».
Faut-il fermer des régions du Canada pour protéger Toronto et Vancouver; vider les provinces pauvres des Maritimes et déporter les gens vers Montréal et Toronto? Montréal décline devant Toronto qui s’agenouillera bientôt devant Vancouver. Les pôles économiques glissent vers l’Ouest et l’émergence de la Chine va donner un élan aux agglomérations du Pacifique. L’économie suit une forme de dérive des continents.

Constat

Roméo Bouchard, journaliste, agriculteur et fondateur de l’Union paysanne, originaire de Normandin, scrute les politiques de développement du Québec depuis quarante ans dans «Y a-t-il un avenir pour les régions?». Des débuts de la Révolution tranquille à nos jours, le portrait est affligeant.
Les politiciens, qu’importe leur allégeance, tout en répétant que le Québec a besoin de régions dynamiques, pratiquent une politique centralisatrice.
Tous les gouvernements jonglent avec une même vision urbaine qui ne peut s’appliquer dans les territoires que sont la Gaspésie, l’Abitibi, le Grand Nord et le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les régions doivent imaginer des solutions régionales aux problèmes régionaux. Il n’y a pas de baguette magique. La Gaspésie n’est pas l’Abitibi, encore moins la Mauricie.
Dans ce modèle nord-sud, les régions fournissent l’électricité, la forêt, les mines et de moins en moins de produits agricoles. Les ressources naturelles sont exploitées à grande échelle sans que les régionaux en profitent comme ils le devraient.

Expérience

En Gaspésie, au début des années 70, le Bureau d’aménagement de l’est du Québec (BAEQ) devait régler tous les problèmes. La raison devait triompher. Conséquences: l’industrie forestière a été démantelée, des villages fermés et l’exploitation industrielle a vidé la mer.
Quarante ans plus tard, partout dans les régions, cette approche a permis de dilapider les ressources. La population décline et la main-d’œuvre est de moins en moins qualifiée pour relever les défis. La migration des jeunes rogne la vitalité de ces territoires avec le vieillissement des habitants. La désertification des territoires est devenue une réalité.
Le Saguenay-Lac-Saint-Jean cherche son avenir en tâtonnant. L’industrie forestière a des copeaux dans l’engrenage depuis des années. «L’Erreur boréale», de Richard Desjardins, a permis aux responsables de se dédouaner tout en refusant d’analyser la situation. Rien ne va dans nos forêts et ce n’est pas Desjardins qui a créé le problème. Rien ne va dans l’agriculture et personne n’a signé «L’Erreur laitière». On pourrait multiplier les exemples.

Politiciens

Pour contrer la «désintégration des régions» comme l’écrivait Charles Côté, il faut repenser des politiques qui provoquent l’appauvrissement des régionaux et le saccage des territoires.
Roméo Bouchard prône des mesures de repeuplement, des lois qui assurent des redevances aux régionaux pour l’exploitation de leurs ressources naturelles. Tout cela ne peut advenir sans une immigration soutenue par Québec, des gouvernements régionaux responsables et pourvus de budgets. Comment exploiter la forêt autrement, transformer plus en région, profiter au maximum de l’électricité et régénérer l’agriculture?
Les gouvernements ne semblent guère préoccupés par ces questions. L’énergie éolienne se développe actuellement dans une joyeuse anarchie. La Gaspésie, encore une fois, sert de terrain de jeu à ces «développeurs». Que ferons-nous du solaire et de l’eau? Les citoyens ont-ils tort de s’inquiéter?
Faut-il attendre vingt ans encore avant de donner un second souffle aux régions, se laisser anesthésier localement par les investissements des grandes entreprises avant de réagir? Les politiciens, pendant cette campagne électorale, vont-ils répondre à ces questions. Il en va pourtant de l’avenir du Québec.
«Y a-t-il un avenir pour les régions?» de Roméo Bouchard, questionne ce passé récent et ouvre une porte sur l’avenir. Dans vingt ans, si rien ne change, le Québec sera un pays en lambeaux et les régions des dépotoirs. À moins de faire preuve de créativité, comme le suggère Marc-Urbain Proulx.

«Y a-t-il un avenir pour les régions?» de Roméo Bouchard, est paru chez Écosociété.

jeudi 22 février 2007

Roman difficile de Martine Richard

Qui se préoccupe des hommes et des femmes qui glissent imperceptiblement vers la vieillesse. Surtout quand ils arrivent à déjouer les pièges qui cernent le corps, s’attardent dans ce que l’on nomme pompeusement «l’âge d’or».
Martine Richard, dans «Les sept vies de François Olivier», plonge dans ce monde où la maladie, les pertes de mémoire et d’autonomie font partie du quotidien; où la vie s’amenuise dans des gestes de plus en plus hésitants. Le cinéma s’y risque parfois, polissant une image souvent fausse du vieillissement. Qui ose explorer ces lieux où femmes et hommes fixent la mort sans sourciller. Comme s’ils patientaient dans une gare, attendant un dernier train qui se fait attendre.
Pour les survivants, il reste des souvenirs, ces «marées de vie» qui prennent toute la place, la vie à deux encore, pour une bouffée de chaleur et d’espoir.

Quand tout craque

Et il arrive le moment que tous craignent. La compagne ou le compagnon bascule dans la maladie.
«Ce soir d’août, l’horloge marque minuit. Rita a soudain envie d’uriner. Cela la réveille. Elle se lève. Ses pieds touchent le sol. Tout à coup, tout son côté droit flanche. Elle tombe et cela produit un bruit sourd. Puis, plus rien. François appelle désespérément le 911. Lui aussi, il tombe, mais par en dedans, dans un tunnel où il est tout raboté par les parois. Son goût de jouer avec la vie est râpé à l’os.» (p.27)
Rita perd la mémoire. Un ACV. Elle est condamnée à une existence végétative presque. François Olivier se retrouve plus seul que jamais à 84 ans. Homme guère «lamenteux», comme il répète, le voilà à écouler le temps entre son appartement et le foyer où sa femme a été admise. Dans cette solitude, bien des gestes deviennent inutiles. Ses fils vivent leur vie, comme il se doit. Les réminiscences et les souvenirs s’affolent. Le passé lointain le hante, ce «temps» qu’il a toujours refoulé comme s’il craignait de trahir des secrets.

Le voyage

Pour faire taire certaines voix, il décide de retourner aux États-Unis où il est né, près de New York, de visiter cet orphelinat où il a vécu ses premières années, avant d’être adopté par une famille d’origine Canadienne française. Il faut faire face à la vérité, un jour ou l’autre.
Pendant le voyage en autobus, il se confie à une religieuse. Un torrent de paroles impossible à endiguer qui prend la forme de sept vagues. L’orphelinat, sa vie à la ferme dans une nouvelle famille, le retour au Québec, l’apprentissage du français, la vie en militaire, l’amour avec Henriette, sa première femme, et cette longue glissade dans le vieillissement. Par ces voyages entre le passé et le présent, Martine Richard dévoile la vie de François Olivier, nous ramène à cet orphelinat où il confronte la vérité.
La directrice de l’institution vendait les orphelins aux familles d’adoption, déclarant les enfants morts quand les vrais parents se présentaient. Elle émettait de faux certificats de décès pour empêcher les revendications. Une combine qui a poussé la directrice au suicide quand le manège a été éventé. Une honte qui révolte encore la religieuse quasi centenaire qui révèle la vérité à François Olivier.

Album de photos

Par petites touches, Martine Richard crée un album de photos où les personnages s’effacent presque avec le temps. Elle décrit un univers qui se recroqueville, des moments où un geste exige tout, où les journées s’ouvrent sur des portes trop grandes et des tâches inaccessibles. Des moments d’une justesse rare.
«L’épouse de François tournera tout à fait le dos à son époux pour qu’on installe une veste de laine sur ses épaules. Rita ne bougera plus et rira bientôt de bonheur pour une raison inconnue. Il n’y aura plus rien au monde, si ce n’est la lumière d’une jeune femme qui en soigne une autre, toute vieille.» (p.52)
Une écriture forte, une belle sensibilité au monde des hommes et des femmes que l’âge malmène et qui, peu à peu, deviennent des réfugiés du temps. Un roman qui montre un univers que peu d’écrivains osent visiter dans une société folle d’agitation et de rendez-vous ratés. Des images qui vous poussent dans des bonheurs de tendresse et d’humanité.

«Les sept vies de François Olivier» de Martine Richard a été publié aux Éditions David.

jeudi 15 février 2007

Meunier bouscule hommes et femmes

Dans «Ce n’est pas une façon de se dire adieu», son troisième ouvrage, Stéfani Meunier entraîne le lecteur dans un triangle amoureux. Il faut un certain temps pour saisir la mécanique de ce récit. Les trois personnages prennent la parole tour à tour, présentent leur version des faits, fouillent leur passé avec un certain recul. Toute une époque défile aussi, celle des années soixante où l’on cherchait à suivre une liberté qui prenait toutes les directions, où l’on refusait le modèle traditionnel de la famille.
Ralf travaille dans un cimetière, possède un appartement à Brooklyn où toutes les rencontres et les complicités sont possibles. Sean, un musicien né à Montréal, rêve de chanter ses chansons, mais doit interpréter les succès de l’heure pour survivre. Héloïse souhaite devenir couturière et inventer ses collections. Elle surgit dans la vie de Ralf et l’amitié entre gars ne peut plus tourner autour des mêmes certitudes. Le bonheur s’installe, dans l’appartement de Brooklyn, entre Ralf et Héloïse jusqu’à ce que Sean rentre d’une tournée.
«Il a posé sa main sur ma taille Il a posé l’autre main dans mon cou. Ça a été comme une décharge électrique, ses doigts sur ma taille. Je sentais mes veines battre partout dans mon corps. Je savais qu’il n’aurait jamais dû me toucher, que je n’aurais jamais dû le laisser me toucher, que je ne pourrais pas reculer si je ne partais pas tout de suite. Il s’est penché vers moi et m’a embrassée. Sa bouche était chaude et sa langue douce comme je ne m’y attendais pas. Il n’y a jamais deux langues pareilles, la sienne était dans ma bouche et j’aurais voulu qu’elle y soit toujours, chaude et douce et à moi.» (p.165)
Tout s’accélère. Les amis sont emportés par un typhon amoureux. Personne ne veut blesser l’autre. C’est l’éclatement et la désintégration du triangle. Fuite dans l’alcool pour Héloïse, réclusion pour Sean dans une maison des Cantons de l’Est. Ralf s’accroche au quotidien, courbe l’échine et attend que la tourmente s’éloigne. Il faut du temps pour voir clair, pour reprendre pied et essayer de vivre sans trop souffrir. La passion est une bonbonne de kérosène qui souffle l’être quand elle s’enflamme.

Héritage

Chaque humain possède un héritage familial qui marque sa façon d’affronter la vie et de réagir. Des réflexes viennent de l’enfance et des parents. Pour beaucoup, la fuite reste la seule issue. S’éloigner d’une famille, d’habitudes, de manières de faire et de voir. Il faut pourtant, un jour ou l’autre, reprendre pied et revenir du côté des vivants.
Stéfani Meunier aime les situations limitrophes, les crêtes où tout peut glisser dans un sens comme dans l’autre. Héloïse et Sean sont des météorites qui s’attirent et se repoussent. Le pauvre Ralf ne fait guère le poids devant ces êtres incandescents qui ne demandent qu’à se consumer. Il se protège par la routine et les gestes répétés. Cette force d’inertie et de patience garde Héloïse dans son orbite et permet de limiter les dégâts.
«Je savais bien réagir au stress, au mouvement, mais j’avoue que j’étais complètement désemparée face au silence et à la solitude», explique Héloïse.
Ils parviendront à l’âge d’être adulte avec bien des blessures.
Un questionnement pertinent quand on sait que les amours se défont, entraînant une solitude de plus en plus difficile dans une société qui cherche des balises. Stéfani Meunier brosse, une fois de plus, un portrait humain attachant et tente d’emprunter de nouveaux sentiers. Avec son écriture vivante et belle d’énergie, marquée par un environnement sonore où les Beatles donnent la cadence, elle impose sa couleur et sollicite tous les sens. Une qualité rare.
Une écrivaine qui s’impose déjà, offre un regard particulier sur les femmes et les hommes, questionne, bouscule et tente de cerner des nouvelles valeurs. L’écrivain joue ainsi pleinement son rôle en bousculant la société.

«Ce n’est pas une façon de se dire adieu» de Stéfani Meunier est publié aux Éditions du Boréal.

jeudi 8 février 2007

La mort reste un tabou dans la société

Le lecteur jongle avec bien des questions quand il referme «Objets de guérison» de Jacques Lazurre. Peut-être, qu’il ne peut que soulever des questions puisque les vivants restent des aveugles devant la mort.
Notre époque occulte ce rendez-vous gênant et a bien du mal avec ce moment inéluctable qui fait glisser un homme ou une femme vers la fin. «Il est parti», «elle nous a quittés», «il s’en est allé» dit-on, comme si la personne venait de prendre l’avion pour des vacances dans le Sud.
Les «soins palliatifs» et les maisons pour «personnes en phase terminale» camouflent cette réalité. Tellement que des citoyens s’opposent parfois à l’ouverture d’un tel lieu près de chez eux, préférant l’anonymat d’une chambre d’hôpital pour l’agonie d’un proche.
La multiplication des métaphores cache la maladie, la douleur et la peur qui accompagnent cette ultime rencontre. Et, avec l’incinération et autres cérémonies expéditives, le corps reste absent. Les rituels de passage perdent leur sens, les rites inventés au cours des siècles pour apprivoiser la mort et accompagner le défunt, se noient dans l’oubli.

Enquête

Jacques Lazure, dans de courts textes, flirte avec ces moments qui permettent à la mort de s’approprier le corps. Ces nouvelles, parfois dérangeantes, souvent émouvantes, entraînent le lecteur dans des univers étranges qui prennent souvent la forme d’une enquête policière. Les personnages cherchent des preuves et des façons de survivre à la mort ou d’en finir. Ils tentent d’apprivoiser, surtout, cette angoisse qui nous habite et que personne ne veut confronter. Ce moment attendu comme une délivrance ou que l’on va combattre avec acharnement, recourant à une véritable artillerie médicale.
Cette fin, elle peut surgir de façon brutale et violente. Un accident bête ou encore de la main d’un détraqué. Ce peut être un choix aussi. Le suicide, dit-on, devient de plus en plus fréquent chez les personnes âgées. Il est la principale cause de décès chez les hommes de moins de quarante ans au Québec. Est-ce la rançon de l’espérance de vie qui ne cesse d’augmenter? Et pourquoi ce tapage devant un centenaire, dans les médias… Comme si cette personne possédait le secret de l’immortalité qui fait rêver les humains depuis Ovide et Platon. Pourtant, tout le monde le sait, la vie est marquée par les ratés du corps, la maladie et les douleurs. Le pire surgit avec la maladie d’Alzheimer qui provoque une absence au réel. Le cancer aussi ne cesse de hanter notre société. Et que dire du SIDA qui menace des populations entières. 

Percutant

Lazure devient percutant quand il se colle aux derniers souffles du vivant et multiplie les points de vue.
«Un geste, celui de caresser, la seule approche possible, la seule approche permise. C’était la première fois qu’il prodiguait des soins aussi attentifs, qu’il écoutait l’autre aussi intensément. Comme si, voyant la mort passer, il osait, pour la première fois, lui demander de s’arrêter pour la scruter et comprendre. Comprendre vraiment? Il n’y avait rien à comprendre. Et quand le mourant soupira pour de bon, quand il relâcha tous ses muscles en ouvrant la bouche, quand il se tourna vers le mur, rien n’avait changé pour Pierre. C’était simplement un mort de plus, rongé par la maladie, dans un hôpital qui en verrait d’autres.» (p.45)

Des questions

Tout n’est pas d’un même tonus dans les vingt-quatre textes d’«Objets de guérison». Jacques Lazure est percutant quand il oublie ce recul «scientifique» ou cet effort d’objectivité et qu’il devient témoin. Il aurait fallu étirer le temps jusqu’à le figer presque dans une nouvelle comme «Mourir et naître», peut-être le texte le plus percutant de l’ensemble. La mort, celle que l’on peut surprendre dans un lit d’hôpital, se regarde dans le silence et le recueillement. Reste que le questionnement est nécessaire même s’il ne fait pas applaudir les foules. Un «Mort Story» n’aura jamais la cote à la télévision. Et pas une entreprise n’aura la témérité de filmer un agonisant dans un lit pour faire la promotion d’un médicament. Le spectateur, celui qui a tout vu et tout entendu, ne le tolérerait certainement pas.

«Objets de guérison» de Jacques Lazure est publié chez VLB éditeur.

jeudi 18 janvier 2007

Une fresque pour raconter l’histoire régionale

Si je souffre d’insomnie, maintenant, c’est la faute d’Anne Tremblay. J’ai lu «La chapelle du Diable», un roman de plus de 400 pages, en deux nuits. Julianna, François-Xavier, Léonie, Ti-Georges, Marie-Ange et Paul-Émile ne m’ont laissé aucun moment de répit. Et retrouver les Rousseau et les Gagné, ces familles qui luttent farouchement pour garder leurs terres, était un véritable plaisir.
Anne Tremblay, originaire d’Alma, sillonne l’histoire de la région dans «Le château à Noé», une saga qui comprendra quatre volets. La trame romanesque traverse le siècle dernier, de 1900 à l’époque contemporaine. «La colère du lac», une première tranche parue en 2005, couvrait les années 1900 à 1925. «La chapelle du Diable», la suite, mène le lecteur jusqu’en 1943.
Le premier volet se terminait avec la mort d’Ernest, le père de François-Xavier. Le fils a du mal à oublier cette tragédie, mais la vie ne lui laisse guère le temps de s’apitoyer sur son sort. La construction des barrages défait ses rêves et le village du secteur de Pointe-Taillon doit être évacué. Les terres sont inondées.
La fin du régime Taschereau approche, la crise économique, la Deuxième Guerre mondiale, Duplessis est à la porte du pouvoir à Québec. La construction des barrages sur la Grande Décharge va bon train et la montée des eaux du lac Saint-Jean surprend tout le monde.
Fiction et histoire se mélangent. Des personnages réels, tel Onésime Tremblay, et des êtres plus vrais que vrais, tissent cette «histoire de famille» époustouflante.

La résistance

Les naissances, les maladies, les épreuves et les échecs ne cessent de hanter les Rousseau et les Gagné. Ils s’accrochent. La compagnie finira bien par les dédommager pour la perte de leurs terres. La justice triomphera un jour… Nous connaissons l’histoire. François-Xavier doit se résoudre à habiter Roberval avant de s’exiler à Montréal. Il ne s’habituera jamais à la ville, mais n’ose imaginer un retour au lac. Julianna, sa femme, se plaît dans la Métropole. Elle s’adonne au chant, joue du piano et brille lors des concerts.
Le quotidien d’une foule de personnages devient un véritable thriller. Les intrigues se multiplient. Julianna est attirée par Henry, son prétendant de Montréal, un ami de la famille. Il incarne la vie qu’elle a abandonnée en épousant François-Xavier. Marguerite, l’épouse de Ti-Georges, a été violée par son père. Albert Morin, l’homme de confiance de Léonie, est capable des pires vilenies. Surtout, il préfère les jeunes garçons aux femmes. Paul-Émile est amoureux fou de Rolande, la jeune épouse de son père.
Et quels personnages attachants! Surtout les femmes qui trouvent, la plupart du temps, des solutions aux problèmes qui semblent insurmontables. Julianna, Léonie, Marguerite et Marie-Ange sont des femmes modernes qui rêvent de s’affirmer et de ne plus être «rien qu’un ventre pour faire pousser les bébés, pis des seins pour les nourrir».

Problématiques

Sur une trame historique fertile en rebondissements, Anne Tremblay aborde des problématiques qui font les manchettes de l’actualité. Le rôle des femmes dans la société, la pédophilie, l’exploitation des enfants, le silence des victimes d’agressions, l’exil, la violence, les responsabilités des élus et le pouvoir de l’argent.
«À Montréal, elle pouvait être Julianna la cantatrice, elle existait. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, elle ne redeviendrait rien qu’une madame François-Xavier Rousseau. C’était comme pour Rolande, sa nouvelle belle-sœur. Elle était passée de madame Paul-Émile Belley à madame Georges Gagné. Voilà, comme ça, comme si Marguerite n’avait jamais vécu. Quand on était une femme mariée, on mourait et on pouvait se faire remplacer. Julianna se dit qu’elle aurait pu être une Catherine ou une Marie, quelle importance, on se souviendrait seulement qu’il y avait eu une madame François-Xavier Rousseau. Son mari avait été fromager, il serait fermier, elle, ne serait que madame François-Xavier Rousseau.» (p.227)
Anne Tremblay a remporté le prix des lecteurs au dernier Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec «La colère du lac». «La chapelle du Diable» ne décevra pas ses admirateurs. Cette écrivaine, qui vient du monde du théâtre, a trouvé une belle manière de ranimer l’histoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la montrer sous un nouvel éclairage.
L’écriture directe, efficace, laisse toute la place à l’action et aux personnages. Ce n’est pas le lecteur qui va s’en plaindre.

«La chapelle du Diable» d’Anne Tremblay est publié chez Guy Saint-Jean Éditeur.

jeudi 4 janvier 2007

L'enfance fascine Madeleine Ouellette-Michalska

Madeleine Ouellette-Michalska, avec Marie-Claire Blais, m’a fait voir la littérature du Québec d’un autre œil. «La maison Tresler ou le 8e jour d’Amérique», paru en 1984, et «L’été de l’île de Grâce» évoquent de beaux moments de lecture. Il y a eu après «L’échappée des discours de l’œil» et «L’amour de la carte postale», en 1987. Il est rare qu’un écrivain s’aventure avec autant de bonheur que Madeleine Ouellette-Michalska dans la poésie, le roman et l’essai.
«L’apprentissage», son dernier roman, renoue avec une écriture qui berce comme une sonate de Debussy. L’écrivaine travaille à la manière d’un verrier qui prend la peine de scruter chaque morceau pour en étudier les reflets et les transparences.
«Une fillette fixe la route où les touristes commencent à défiler. De grosses voitures tirent des roulottes dont la puissance d’attraction distille l’attrait de la richesse et de la liberté. Dans son regard, les véhicules étrangers tracent la voie d’un monde différent. Un monde en mouvement dont la fascination la plonge dans une sorte d’exaltation fiévreuse qui ressemble à du bonheur.» (p.13)
Ce personnage neutre devient le regard de toutes les femmes d’une certaine époque. Le lecteur n’a qu’à se laisser prendre par la main.

La vie est ailleurs

C’est l’été, des parents débarquent des États-Unis. Ils exhibent de beaux habits, des robes fleuries et élégantes. C’est la fête pour l’enfant qui prend conscience que l’ici peut être ailleurs. Le quotidien un peu terne s’efface. Peut-il y avoir de l’espoir et une vie différente? Elle écoute, n’ose formuler ses rêves avec les interdits de son milieu, les enfermements de l’hiver qui font oublier les espérances de juillet.
La jeune fille voit le temps filer. Les cousins ne sont plus les mêmes et certains effleurements ne savent mentir. Le monde s’ouvre avec ses rires, ses pièges, ses peurs et ses hésitations. L’avenir semble aller droit comme une clôture qui divise un champ qui mène au fleuve.
«L’adolescente rabat le papier de soie sur la robe de baptême à peine jaunie qui retourne dans la boîte moirée. Elle retape ensuite rapidement la layette de coton ouaté avant de replacer les brassières, les chaussons et les barboteuses d’où s’échappe un parfum âcre. Puis elle ferme d’un coup de genou le tiroir coincé par l’humidité. Elle veut l’amour, mais pas d’enfants, du moins pas tout de suite. Les femmes enceintes et joufflues, gorgées de semence, de nourriture, ne lui font pas envie. Elle leur préfère les jeunes filles libres et audacieuses des magazines de mode, celles-là ne s’engouffreront pas trop vite dans la tranquille béatitude du mariage. Et puis, rien ne presse. Devenir mère sans avoir été femme lui paraît une abomination.» (p.45)
L’amour viendra, les enfants et un premier livre longtemps souhaité. Et un autre pour visiter la mémoire et l’enfance, nourrir un univers qu’il faut toujours réinventer.

Photographies

Madeleine Ouellette-Michaslka visite sa famille du Bas-du-Fleuve, la migration de la campagne vers la ville, l’amour et tous les enfermements qu’il faut encore et encore briser pour faire de la place au «je». Tout un pan de l’histoire des femmes du Québec se profile dans cet apprentissage de la liberté et de l’affirmation.
«Un collègue lui dira un jour que son œuvre a parfois l’apparence d’une mise à table, réelle dans certains cas, où tente de se dire la parole manquante. Elle s’en étonnera. Elle croit plutôt qu’elle commence à écrire. Elle croit qu’il lui faudra des années pour accomplir tout ce qu’elle veut faire.» (p.134)
Le lecteur a souvent l’impression de se pencher sur un album de photographies où des disparus l’interpellent. Des enfants aussi devenus des vieillards aux regards effarouchés.
Un roman qui tient de la quête, de la réflexion et de la méditation, qui permet de comprendre pourquoi des écrivains passent une vie à secouer des souvenirs et à les réinventer. Ils scrutent leur enfance, la transforment et l’embellissent pour la garder bien au chaud dans la mémoire collective et individuelle. L’œuvre de Michel Tremblay et de beaucoup d’autres peuvent en témoigner. La vie sociale et individuelle n’est possible qu’avec le passé qui moule le futur. Les sociétés ne peuvent survivre et s’épanouir sans ces racines.

«L’apprentissage» de Madeleine Ouellette-Michalska est publié chez YXZ Éditeur.