Une question et les réponses prennent toutes les
directions. Pourquoi écrire ? La collection Écrire
des Éditions Trois-Pistoles tente de donner des réponses. Une cinquantaine
d’écrivains, jusqu’à maintenant, ont accepté de parcourir des chemins étonnants
et particuliers. Louise Portal dans La
mouvance de mes jours prend le relais avec ses couleurs et ses manières. Sa
vie n’a cessé de tourner autour des mots depuis qu’elle a quitté Chicoutimi
pour vivre la vie de pensionnaire. Des phrases la suivent, la hantent, viennent
habiter son être.
Certains y
sont allés d’une boutade. Je pense à Claude Jasmin et Francine Allard. La plaisanterie
pourtant n’éclipse jamais la gravité. Comme si l’écrivain devait justifier son
existence. C’est comme si on leur demandait avec un petit sourire : pourquoi
vivez-vous et comment respirez-vous ?
C’est
peut-être la question que Victor-Lévy Beaulieu pose aux écrivains. Quelle est
l’essence de votre vie ?
Pour le moment, j’ai plutôt envie
d’avancer sur la route de ma vie où l’écriture est devenue prière et méditation
quotidienne. Une manière de me déposer chaque matin. Très tôt, avant d’être
happée par le tourbillon du monde. Me déposer au cœur des mots et les laisser
tracer le chemin de mon cœur à toutes choses. (p.10)
Une manière
« de se déposer », d’être au monde, aux choses qui captent l’attention. Pour
tromper l’ennui au pensionnat. Louise Portal a treize ans alors et se confie à son
journal. Une habitude qu’elle gardera malgré une carrière de comédienne fort
enviable. Une manière d’être, de trouver un équilibre et de respirer.
Écrit
Et pourquoi
ne pas répondre à l’écrit par l’écrit, se faufiler dans ses romans, son
journal, des lettres ? Pas de grandes confidences pourtant. Belle discrétion
sur sa vie, sa carrière, l’actrice. Elle se concentre sur cette passion qui fera
qu’elle publiera dans la cinquantaine. Il y a eu une pièce de théâtre avant,
des chansons, mais la carrière d’écrivaine arrivera un peu tardivement.
L’enfance.
On y revient toujours. Son père, Marcel Portal, jouera un rôle important dans
ce désir d’écrire. Il écrivait tout en exerçant médecine. Il peignait aussi. Je
l’ai connu alors qu’il dirigeait l’hôpital de Chicoutimi le jour et retrouvait
l’artiste la nuit. C’était sa manière de se garder au monde et Louise l’a vu
s’enfermer dans son bureau pour bousculer les phrases. Des lettres aussi qu’il
lui écrivait et qu’elle a conservées comme des pierres précieuses.
Ainsi je vis, ainsi j’incarne,
ainsi j’écris. En proie à des prémonitions. J’écris, portée par mon inconscient
et mon imaginaire qui visitent des paysages intérieurs à être révélés. (p.17)
Exploration
Comme si
Louise Portal fermait les yeux et s’avançait dans un brouillard, explorait un
monde qui ne cesse de se dérober. Chercher à être, à voir, à vibrer dans la vie
comme elle le fait sur une scène ou au cinéma. Comme s’il y avait quelqu’un
d’autre en elle qu’il faut rassurer. Jouer, écrire, c’est peut-être retrouver
une voix, calmer tous les êtres qui se disputent en soi.
Partager. N’est-ce pas l’essentiel
de notre passage ici-bas ? Ma motivation à écrire vient de là. Besoin de
partager pour nommer ce qui tisse mon cœur et mes heures. Témoigner. (p.44)
Il y a le
rituel pour faire venir l’écriture. Cela arrive souvent tôt le matin, comme
pour les matines dans les lieux de prières. Il faut le silence, les bougies,
une mise en scène ou une mise en écriture où la femme se glisse dans la peau de
l’écrivaine. Une manière de donner de l’espace à la romancière qui doit céder
le pas à l’actrice le jour.
Écrire, c’est pénétrer dans une
caverne mystérieuse, emprunter une route inconnue, s’aventurer sur un
territoire incertain, souvent sauvage et parfois hostile où nous nous sentons
très seuls. (p.104)
Louise
Portal parle de ses hésitations, de ses voyages où un carnet la suit, de
personnages qui constituent une famille qui l’accompagne longtemps après la
publication, de certains lieux qui l’habitent.
Pourquoi écrire ? Pour ne pas
mourir. Sans avoir pris naissance en moi par la parole. Écrire. Raconter les
méandres de ma pensée, les épanchements de mon cœur, la mouvance de mes jours.
En toute simplicité et une certaine vulnérabilité. Dire comme chanter les élans
de l’âme qui cherche à s’exprimer. (p.131)
Écrire
pour rester vivante au cœur du monde, une humaine sensible aux autres. Une forme
de prière qui donne l’énergie pour affronter le jour.
Un
témoignage d’une belle honnêteté qui nous emporte au cœur des écrits de Louise
Portal qui sont autant de récits qui font connaître une femme qui ne joue pas quand
elle s’abandonne à la parole. Un beau témoignage. Plus. Un voyage dans un
univers particulier. Écrire ? Non. Exister par et dans les mots.
La mouvance de mes
jours de Louise Portal est paru aux Éditions
Trois-Pistoles, 21,95 $.
http://www.editionstrois-pistoles.com/nouvelle-page-11Acceptez-de-partager-La-mouvance-de-mes-jours/
Des phrases que j’apprécie :
Avant mon premier cri, je suis
née amoureuse. Je pense n’en jamais voir la fin. Je veux encore tous les
chavirements pour continuer à vivre et écrire. (p.27)
J’écris pour déposer de la
lumière, un peu d’espérance. (p.68)
L’enfance n’est jamais bien loin.
Elle attend en silence qu’on la reconnaisse et qu’on en prenne soin. (p.90)
Écrire aide à vivre. À poursuivre
l’itinéraire souvent douloureux de l’existence. (p.105)
Écrire, c’est poser un regard sur
toute chose. Non pour les critiquer, mais pour les reconnaître, les ressentir
et réfléchir à ce qu’elles sont venues remuer en nous. Écrire… pour oublier,
consoler, avouer. Écrire… pour aimer, pardonner, découvrir. Écrire… pour dévoiler,
souffrir, guérir… chanter et raconter. (p.112)