Le cancer frappe. Partout. Des amis, des connaissances luttent
contre cette terrible maladie. Encore la semaine dernière, je suis allé aux
funérailles de Sylvain, un ami, décédé des suites d’un cancer. Un terrible vivant
pourtant, un courageux, un amoureux de la vie. Et comment ne pas songer à ma
sœur qui, pendant des années, a fait face avant d’abdiquer. Trois de mes frères
ont été emportés par cette malédiction. Tous peuvent raconter l’histoire de
quelqu’un que l’on appréciait et que l’on aimait ou sa propre aventure. Dany
Tremblay craignait cette calamité depuis toujours. C’est pourtant un verdict
qui la heurte de front en 2011. Cancer. Dans Un sein en moins ! Et après… elle raconte sa descente aux enfers et
sa résurrection.
La vie laisse peu de
temps pour souffler. Surtout quand, comme Dany Tremblay, on mène plusieurs
carrières de front. Enseignante, écrivaine et éditrice avec Le chat qui louche, une maison d’édition
numérique qu’elle a lancée en même temps qu’elle apprenait la terrible
nouvelle. Elle était atteinte du cancer du sein et la mastectomie était incontournable.
Un sein en moins. L’amputation. De quoi laisser abasourdi, en état de choc.
Lorsqu’elle a cédé sa place au radiologue,
j’ai dit à ce dernier que je voulais savoir avant de quitter les lieux. «
Certaines personnes choisissent le contraire », m’a-t-il répondu. Pas moi. Pas
question de me mettre la tête dans le sable. Pas cette fois. Lorsqu’il en a eu
terminé, il m’a dit de m’asseoir. Je me suis redressée. J’étais étrangement
calme tout à coup. Sans me regarder, tout de suite, comme ça, il a dit
qu’aujourd’hui, l’espérance de vie était bonne. Ça m’a fait l’effet d’une
douche glacée. L’espérance de vie ! L’espérance de vie ! (p.25)
Comme si la mort
s’avançait un matin, celle que vous avez toujours refusé de voir ou
d’approcher. Comme si tout ce à quoi vous vous accrochiez perdait son sens. Les
projets, les écritures, les idées de publication ne sont possibles que quand le
corps se sent éternel. Que reste-t-il quand tout menace de s’arrêter, quand le
mot fin se dresse au bout de la galerie ? Un bout de phrase et la peur vous tord
les tripes, vous foudroie, vous garde les yeux ouverts dans la nuit. Plus rien ne
saurait être pareil.
Les jours qui ont suivi l’annonce ont été
étranges. Je passais d’un état à un autre. J’étais incapable de me concentrer,
animée par une fébrilité malsaine, une nervosité bizarre. Puis c’était tout le
contraire. Je devais me forcer à m’habiller, à m’arranger un peu pour être
présentable. Je passais de l’optimisme à l’angoisse dans un claquement de
doigts. À certains moments, j’étais submergée par la panique. (p.32)
La panoplie des
examens, les explorations pour cerner la maladie. Le personnel médical tente de
rassurer, de calmer les affolements, les peurs, les terreurs. La plupart le
font admirablement, d’autres sont débordés par les tâches, les patients qui se multiplient.
Dany Tremblay rencontrera la plupart du temps des infirmières admirables, des
médecins formidables qui prennent le temps d’expliquer et de calmer. Mais comment
être rassuré quand une bête monstrueuse vous grignote et menace de vous bouffer
?
Combat
Toute une traversée
que Dany Tremblay entreprend après l’intervention chirurgicale. Comment
accepter de se retrouver avec un sein en moins ? Il faut du temps. Elle repoussera
le moment, ce regard sur la cicatrice qui marque sa poitrine. Elle doit
affronter ses peurs, ses hésitations, sa fragilité aussi, les effets des
traitements qui bousculent le quotidien.
Des périodes
euphoriques où elle a l’impression de pouvoir transporter des montagnes succèdent
à une fatigue extrême. À peine si elle peut mettre un pied devant l’autre.
C’est le lot des traitements, les effets collatéraux.
Lorsque je m’assois devant le casse-tête, je
constate que cette fatigue qui s’est abattue sur moi sournoisement telle une averse
soudaine est doublement plus forte que celle vécue précédemment. Elle est
subite et intense. Je me sens misérable. Pourtant, c’était prévisible. J’ai
ressenti une fatigue similaire, quoique moins écrasante, à la suite du premier
traitement. (p.176)
La lutte contre un
cancer peut isoler. La perte des cheveux, cette malédiction colle à vous quand
vous quittez la maison. Ce crâne dénudé fait de vous une coupable, comme ces
femmes que l’on accusait d’avoir collaboré avec les Allemands après la Deuxième
Guerre mondiale et que l’on rasait. Il faut du courage pour se montrer, rencontrer
des gens. Il y a surtout Martial qui est toujours là, présent, confiant,
toujours capable de voir le bon côté des choses.
Dany Tremblay
raconte ses peurs, ses angoisses, ses craintes, ses espoirs et aussi les
moments difficiles qui coupent ses élans. Ce cancer a donné un autre regard à
celle qui vivait à cent à l’heure. Elle a dû faire le tri et surtout trouver
l’essentiel en écrivant et en lisant. Elle est maintenant plus proche des gens
qu’elle aime, de ses amis, de son Martial qui a été là comme un phare
inébranlable.
Le témoignage de
Dany Tremblay est important pour ceux qui affrontent cette terrible maladie et
pour les proches, les témoins. Ces combattantes doivent préserver chaque
seconde pour être encore une vivante qui peut penser à des projets, vivre des
amours, des amitiés, de la complicité.
Dany Tremblay ne
cache rien, n’hésite pas à revenir sur sa vie, des lectures qui l’ont soutenue tout
au long des traitements, à faire le ménage dans sa façon de vivre. Parce
qu’après tout, combattre un cancer, c’est se redonner vie chaque seconde du
jour et de la nuit, c’est se donner une autre chance. On la souhaite longue et
belle et chaleureuse cette nouvelle vie à Dany Tremblay. Tout au long de ma
lecture, je n’ai cessé de me répéter combien j’étais chanceux, combien c’était
bon d’être vivant. Le témoignage de Dany Tremblay donne le goût de vivre et
d’être là pour ceux qui partagent notre quotidien.
Un sein en moins ! Et après… de
Dany Tremblay est paru aux Éditions JCL,
19,95 $.
http://www.jcl.qc.ca/detail_auteur/191/
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