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dimanche 28 octobre 2012

Pierre Laporte demeure un grand méconnu

Pierre Laporte est certainement l’homme politique, au Québec, qui a connu une fin que nul ne pouvait prévoir. Une bévue de l’histoire que nous avons encore du mal à aborder.


Après avoir connu une carrière journalistique remarquable, Pierre Laporte plonge dans une vie politique trépidante aux côtés de Jean Lesage pour vivre la Révolution tranquille. Sa mort en octobre 1970 aux mains des membres de la cellule Chénier du Front de libération du Québec, demeure un événement dont on ne parle pas volontiers. Peut-être, parce que, comme l’écrit Nathalie Petrowski: «La mort de Pierre Laporte est une tache dans notre album de famille.»
Jean-Charles Panneton a voulu suivre l’homme à la trace dans sa carrière publique. La tâche n’était pas facile parce que le journaliste a écrit des milliers d’articles et que le politicien était de tous les débats. Il a aussi siégé dans l’opposition avant de revenir aux premières loges après une course à la direction du Parti libéral du Québec où il s’est incliné devant Robert Bourassa.
«Le travail de recherche, qui a duré près de six ans, a été particulièrement ardu puisqu’aucun fonds d’archives n’a été constitué à ce jour par Pierre Laporte ou sa famille. Pour ce faire, j’ai dû consulter de nombreux fonds d’archives de personnages contemporains de Laporte. Ces recherches m’ont toutefois permis de faire plusieurs découvertes et ainsi d’offrir aux lecteurs des éléments inédits.» (p.28)

L’homme public

Panneton s’en tient au journaliste qui intervient dans les journaux d’abord, surtout dans Le Devoir, et au politicien qui prononce des discours à l’Assemblée nationale et dans les assemblées partisanes. La tâche n’était pas facile parce que Pierre Laporte était partout.

«Face à l’imposant volume d’articles et de textes produits par Laporte, soit plus de 3000, j’ai écarté d’emblée les compte-rendus sur l’actualité parlementaire, trop factuels, publiés dans les pages du Devoir.» (p.27)
Une tâche immense que de cerner la pensée de ce nationaliste qui a refusé de suivre René Lévesque quand il a quitté les libéraux pour fonder le Parti québécois.
Nationaliste, oui, autonomiste plutôt, refusant de rompre avec le Canada.
«J’opte pour un fédéralisme de conjoncture, c’est-à-dire s’adaptant périodiquement à la conjoncture économique et politique et conformément à l’évolution des rapports entre Ottawa et Québec. […] Le fédéralisme que je propose est un fédéralisme de concertation au même titre que la société que je propose, c’est-à-dire un fédéralisme où les mécanismes nécessaires à la discussion et l’ouverture d’esprit seront présents.» (p.372)
On connaît la fin tragique de l’homme. L’enlèvement alors qu’il jouait au ballon avec son neveu. Les policiers retrouveront son corps dans le coffre d’une auto abandonnée sur les terrains de l’aéroport Saint-Hubert, en banlieue de Montréal.

Personnage

Jean-Charles Panneton le présente comme un travailleur infatigable, un homme droit, fidèle et sincère. Le portrait est plutôt sympathique et René Lévesque, à ses côtés, paraît plutôt brouillon et impulsif.
Malheureusement, l’homme s’efface devant le personnage public. Rien sur sa vie familiale, ses amitiés, ses déceptions, ses hésitations, ses rancunes ou ses espoirs. C’est ce qui rend la lecture de cette biographie aride. L’accumulation des faits devient un peu indigeste. Tout un côté de Pierre Laporte reste dans l’ombre malgré le travail impressionnant de Jean-Charles Panneton. Dommage!

«Pierre Laporte» de Jean-Charles Panneton est paru aux Éditions Septentrion.
http://www.septentrion.qc.ca/catalogue/Livre.asp?id=3496

dimanche 21 novembre 2010

Vincent Thibault poursuit son exploration

Ceux qui ont savouré «Les mémoires du Docteur Wilkinson» seront peut-être déboussolés par  La pureté» de Vincent Thibault. Cet écrivain a l’art de dérouter le lecteur et de surprendre à chacune de ses publications.
Dix nouvelles pour nous plonger dans un univers feutré où les éléments physiques de la campagne ou de la ville sont des agissants, accompagnant ou révélant le personnage qui vit un bouleversement intérieur.
«C’est alors que quelque chose de magique se produisit. Oui, vraiment, quelque chose de surnaturel. Lorsqu’il avisa l’horloge, un peu pour se détendre les yeux, il constata que deux heures étaient passées. Comme si, à son insu, le temps avait été réduit en charpie et les minutes immédiatement dispersées par la tempête.» (p.19)
Un pas de côté et le personnage bascule dans la marge, un univers connu et en même temps étrange. Il est aspiré hors de la course qui entraîne tout le monde entre deux périodes de sommeil. Il suffit de quelques heures ou d’un bouquet de secondes et tout se défait comme du verre qui éclate en mille morceaux.
«J’étais aveuglé, et quelque part au loin, j’entendais la voix de Naomi. J’eus le sentiment étrange d’avoir une décision à prendre, d’être à un point de non-retour. Je restai immobile sur le seuil de la porte. Je fermai les yeux dans la blancheur et inspirai à pleins poumons. J’avançai vers l’inconnu.» (p.86)
Partout, tout le temps, le personnage fait face à ce seuil. Il doit choisir. Avancer ou revenir sur ses pas. L’illumination ou l’aveuglement entraîne le narrateur dans une autre dimension. La conscience se déverrouille et change totalement la vie. Chez Thibault, il y a le concret, mais aussi cette réalité que l’on touche par la conscience et la méditation. Ces deux aspects de la vie sont souvent indissociables. Il suffit de s’ajuster pour voir réellement, sentir la pulsion qui anime l’univers.

Orientaux

Les narrateurs de «La pureté» sont d’origine orientale. Ils vivent au Québec ou ailleurs, suivent un fil qui guide leur vie. Un éblouissement les pousse vers un trop plein, une joie qui marquera leur existence. Cette rencontre se produit lors d’un événement anodin ou spectaculaire.
Un jeune moine, lors de sa promenade quotidienne dans un parc, passe sous un arbre où un pendu oscille. Un garçon de son âge. Le monde vibrant qui le nourrit et l’éblouit est aussi le lieu de la mort et du désespoir. Qu’est-ce qui révèle l’être? Le bonheur ou la catastrophe? Qu’est-ce qui touche l’âme? Chaque jour contient la joie et son contraire. Tout peut blesser ou permettre de passer dans la « vraie » réalité.
«La méditation n’a rien d’une échappatoire. On ne cherche pas à fuir la réalité, il s’agit plutôt de regarder les choses en face, d’apprendre à les voir telles qu’elles sont. C’est un processus d’ouverture continuelle, de lucide acceptation de la réalité. Et cette réalité peut être comprise grâce aux enseignements sur l’interdépendance.» (p.118)

Douceur

Tout est douceur dans ces textes concis, malgré les obsessions, les folies, les étourdissements dont la vie est friande. Pour être réellement, il suffit de s’arrêter et de fuir le flou, de se mettre un peu en retrait pour vivre autre chose, connaître une véritable expérience.
Des textes étranges parfois comme «Le grain noir» qui se transforme en une hantise destructrice. Ou le contraire, la méditation dans «Le promeneur» qui donne une plus grande conscience du monde.
«Il m’apparut ce jour-là qu’une part de la souffrance du monde provient de notre façon tronquée d’appréhender la réalité, discriminant confusément entre continuité et changement. Il s’avère pourtant que ces promenades n’étaient ni identiques, ni différentes.» (p.132)
Vincent Thibault fait ici un autre pas dans une carrière d’écrivain qui ne suit aucun sentier connu. Sa voix demeure intrigante et souvent déroutante. Il réussit ce parcours avec beaucoup de justesse et de talent. Un écrivain original qui tente par bien des façons de donner un sens à la vie. L’écriture peut servir aussi à cela. 

«La pureté» de Vincent Thibault est publié aux Éditions du Septentrion. 
http://www.septentrion.qc.ca/catalogue/Livre.asp?id=3027

jeudi 31 mai 2007

Nelson-Martin Dawson présente son Saguenay

Nous oublions souvent qu’il a fallu moins de deux cents ans, depuis l’installation des premiers défricheurs à Grande-Baie, pour quasi raser les immenses forêts du Saguenay-Lac-Saint-Jean et construire des barrages qui ont modifié tout le bassin hydrographique de la région. Heureusement, les négociations de l’Approche commune rappellent que des peuples vivaient dans ce vaste territoire avant la «Société des Vingt et un». Les activités alors s’articulaient autour de la chasse et de la pêche. La traite des fourrures devait modifier bien des habitudes et l’installation des premiers colons a été un point de non-retour pour ces nomades.
Nelson-Martin Dawson, historien, garde cette conscience du passé. «Les Battures», sa première tentative romanesque, nous pousse dans une époque où les Blancs convoitaient les fourrures des Autochtones, créant des remous en offrant de produits nouveaux, des outils de métal et des poisons comme l’eau-de-vie. L’autre volet nous ramène à la période contemporaine.

Deux points de vue

Pierre, journaliste, s’installe au Saguenay. Il entraîne dans cette aventure sa fille Élyse et sa femme Lily, une pianiste qui joue régulièrement avec les orchestres symphoniques de Montréal et Québec. Ils trouvent une maison de rêve sur les battures, un véritable paradis qui semble avoir été abandonné par les anciens propriétaires. Ils apprendront rapidement qu’un halo de mystère entoure le «ruisseau maudit». Il existe bel et bien une malédiction. Plusieurs tragédies ont frappé les différents propriétaires et les ont fait fuir.
Dans un autre temps, une jeune ilnue, à peine sortie de l’adolescence. Oucheiashte s’initie aux tâches quotidiennes auprès de sa mère. Sa tribu vit des jours paisibles dans le secteur de La Baie depuis des générations.
«L’esprit du Fjord, qui conserve la mémoire de la terre et des eaux du Royaume de Saguenay, se souvient de, petite eau claire jaillissante. Son nom rappelait aux siens qu’elle était née aux jours chauds et doux, près d’un lac aux eaux transparentes qui coulaient des entrailles de la montagne, où son père, Ekhennabamate, avait établi son tentement.» (p.28)
On se croirait au cœur de «La Fabuleuse histoire d’un Royaume» où «l’esprit planait sur les eaux». Une toponymie différente, un pays nouveau surgit alors. Le lecteur vit un parfait dépaysement. La vieille Kurtness agit comme lien entre les deux époques et hante le territoire comme ses ancêtres autochtones auparavant. Pierre n’aura qu’à l’écouter et à suivre ses conseils pour contrer le mauvais sort.

Le Saguenay

Le véritable personnage de ce roman, qu’importe les époques du récit, demeure le fjord, les humeurs du Saguenay, les vents, ses colères et les fortes marées d’automne, le silence aussi quand viennent la neige et les glaces.
«Les grands vents étaient tombés et le Saguenay les avait emportés. N’en restait qu’un souffle porteur d’un air tendre. Une chanson d’amour, c’est sûr. Le clapotis des vagues berçait nos premiers rêves éveillés. Le bruissement des feuilles chuchotait des mots que nous ne comprenions pas, pas plus que nous ne saisissions ceux coassés par les grenouilles qui bénissaient le congé du soleil. Dans le boisé, des ombres s’agitaient. Tout à notre bonheur, nous tournions le dos, et au boisé, et aux ombres, et au vent. Nous fermions nos oreilles, et au chuchotement  des feuilles, et au susurrement de l’eau, et au murmure du vent. Le nez planté dans les étoiles qui perçaient entre les nuages, nous contemplions un ciel qui se laissait saisir par la noirceur.» (p.41)
Nelson-Martin Dawson aurait cependant avantage à retenir ses élans lyriques. Il en met trop quand il veut atteindre une forme de poésie. Quand on trébuche sur une phrase comme «Je risquai un regard vers la fenêtre qui frissonnait du rideau», on perd son élan. Et que dire devant cette argutie: « Pas une boîte. Trop légère pour être une boîte. Quelqu’un d’autre aurait dit qu’elle était vide. Trop légère pour contenir quelque chose, aurait dit quelqu’un comme Solange. Mais pas Lily. Sa légèreté n’indiquait pas le vide. Elle démasquait son contenu. Ce n’était pas parce qu’elle était légère, qu’elle était vide…» (p.169)
Un roman sympathique malgré tout qui fait découvrir un Saguenay porteur de mythes et de légendes, une nature éblouissante.

jeudi 17 juin 2004

Jean-Paul Desbiens, un homme du passé

Régulièrement, depuis des années, Jean-Paul Desbiens, publie des tranches de son journal en changeant souvent d’éditeurs. Il se retrouve aux Éditions Septentrion pour la publication des années 2002 et 2003.
Je n’ai pas tout lu le journal de Jean-Paul Desbiens mais j’y reviens à l’occasion. Et à chaque fois, je répète que c’est la dernière incursion. Oui, j’aime les journaux d’écrivains. J’adore ce genre peu pratiqué au Québec. Une écriture qui exige de la générosité et une franchise exemplaire. Comme si le lecteur se faufilait dans l’intimité de l’auteur. Jean-Paul Desbiens a au moins le mérite de continuer envers et contre tous.
«En fait, je ne tiens pas un journal intime. Certes, je fais parfois mention de mes états d’âme, mais j’enregistre plutôt mes réflexions sur l’actualité, mes lectures, mes rencontres, la vie religieuse et la vie spirituelle». (p.65 )
C’est ce qui rend la lecture de ce journal exigeante. Évangile du jour, réflexion sur un saint dont c’est l’anniversaire, considérations sur la liturgie et les petites occupations quotidiennes.
Il effectue sa promenade d’une heure, à chaque matin, le long du fleuve. Rarement, il va s’attarder ou s’extasier devant le panorama.
«Le temps est couvert, mais le ciel est plein d’oiseaux: goélands, étourneaux, corneilles, pluviers kildeers, merles, tourterelles tristes. J’entends, mais sans le voir, un pic-bois. Les goélands volent très haut. Ils ont leur raison. Je vois aussi un raton laveur, mais je ne réussis pas à m’en approcher». (p.218)
Jean-Paul Desbiens n’est pas un contemplatif et encore moins un poète. Des faits, rien de plus.
Il y a aussi Jean O’Neil avec qui il correspond, les rencontres avec Didier Fessou, des amis, les voyages dans sa famille au Lac-Saint-Jean mais il ne s’attarde guère. Pas d’atermoiements! Il y a bien des tentatives d’humour mais cela ne lève pas. Jean-Paul Desbiens est tristement sérieux, farouchement austère.
Ses lectures? Très rarement québécoises. Il grogne sur les nouvelles du jour et rabâche une pensée désespérante.
«Au Québec, on s’attache! On finira bien par être attachés! Oh! qu’advienne la sécession du Québec! On va-t-y se retrouver, se découvrir, en plein fascisme. À l’âge que j’ai, je me sens tout à fait capable de toffer la run.» (p.204)
Le bon frère Untel perd les pédales quand il est question de la souveraineté, des pacifistes, des péquistes, des syndicats et du féminisme. Il sort les gros mots pour ne pas dire les insultes. Comment cet homme à la pensée si étroite et archaïque a-t-il pu travailler pendant des années au ministère de l’Éducation du Québec, être éditorialiste au journal La Presse, frayer avec ceux qui ont fait le Québec moderne et contemporain? Il y a un malentendu que Jean-Paul Desbiens n’élucide jamais dans son écriture quotidienne.
«Mais le pire du pire, ce fut d’entendre une femme enceinte se plaindre d’avoir été bousculée et d’avoir respiré un peu de gaz lacrymogène. Seigneur! Quand on est enceinte, on commence par rester à la maison.» (p.35)
Il est question ici des hommes et des femmes qui ont manifesté lors du Sommet de Québec.

Sympathique


Jean-Paul Desbiens devient attachant pourtant quand il se moque un peu des manies de ses supérieurs, du renouveau liturgique ou qu’il voit mourir ses frères en religion les uns après les autres. Une communauté à bout d’âge. Il réussit à nous émouvoir alors mais quand il revient à l’actualité, tout se gâche.
«On retourne au chanoine Lionel Groulx, sur lequel Gérard Bouchard, le frère de Lucien, vient de publier un livre. Le jupon dépasse, on s’en doute. Gérard Bouchard n’est pas historien. C’est un péquiste. Mais il écrit sous le parapluie universitaire d’historien.» (p.205)
On pourrait multiplier les excès du genre. Il pourfend tout ceux qui contestent l’ordre établi. Il est pour l’armée, la politique américaine d’intervention. La loi et rien d’autre!
Le frère mariste est un homme d’un autre siècle. Il baigne dans une pensée qui en était à ses derniers soubresauts quand j’étais petit garçon et que je tremblais pendant les sermons du curé de mon village. Il n’a pas su accompagner le Québec dans sa marche vers la modernité. Il s’est réfugié dans des dogmes et une religion qui tombent en lambeaux. Un peu triste de l’entendre grogner au jour le jour. Jean-Paul Desbiens, bourru, souvent hargneux, s’accroche à une époque d’avant la Révolution tranquille.

«Comme un veilleur», journal 2002-2003 de Jean-Paul Desbiens est paru aux Éditions du Septentrion.