Nombre total de pages vues

dimanche 12 décembre 1999

Marie-Claire Corbeil n’arrive pas à convaincre


William s'est réfugié sur la Côte-Nord, en proie à des crises qui le terrassent et le laissent quasi inconscient sur le sol. C'est que William, écrivain et esthète, s'est heurté à Tess lors d'un vernissage. C'est l'amour bien sûr, l'amour comme une tornade, l'amour qui met le feu partout et pulvérise l'être. Nous sommes aux plus belles heures du romantisme, au temps où les arbres tremblaient sous les larmes de l'héroïne esseulée.
William, qui s'était fait un devoir de vivre dans sa tête, ne possède plus sa vie. Il est jeté hors de lui par l'amour de cette femme.
«Moi, j'étais pour la colère noire, tranchante. J'étais pour la guerre, toutes armes tendues. J'aimais le mépris que j'irradiais. Le corps droit, la tête haute et fière, les yeux à peine baissés vers ces limaces autour de moi. Mon dégoût des autres. Cette rage sans nom que je brandissais comme un bouclier.» (p.17)
Le récit raconte la fuite de William sur la terre de Caïn, cette marche d'halluciné qui le jette au sol en proie à un désir qui fait frémir toute la Côte-Nord jusqu'au Labrador. Allons-y! Il ne faut pas avoir peur de la passion.
«J'ai Tess dans la peau, un raz-de-marée, et je sombre. Je suis là couché comme un navire coulé, comme un grand rorqual bleu échoué sur la grève.» (p.49)
On voudrait bien y croire mais les temps étant ce qu'ils sont, on ne peut que hausser les épaules devant la passion de William. On voudrait bien y croire mais nous ne sommes plus au temps de Lamartine et de Chateaubriand. Nous avons appris à faire autrement avec le condom et le SIDA.

Journal

William note, dans une sorte de journal intime, sa douleur, son amour et sa passion. William rédige au fur et à mesure de sa quête avec, en filigrane, Tess qui s'infiltre dans le texte, apporte comme un vent de réalisme dans cette errance, permettant au lecteur de respirer.
Un livre extrêmement écrit, léché, maniéré même. Un souci de réalisme, une carte qui n'explique rien, un glossaire qui tente peut-être de donner un ancrage à ce texte sans vraiment y parvenir.
Bien sûr, ces histoires existent dans les livres mais encore faut-il avoir un pied au sol pour nous permettre d'y adhérer. Marie-Claire Corbeil, malgré les artifices, ne parvient pas à convaincre le lecteur.

«Tess dans la tête de William» de Marie-Claire Corbeil est paru aux  Éditions, Triptyque.

Péloquin se perd dans le verbiage

Claude Péloquin a connu la célébrité avec une phrase. On se souvient de la murale du Grand Théâtre de Québec et de la controverse. Un poème-affiche, un cri comme un soufflet. L'oeuvre poétique réduite à sa plus simple expression, une grenade jetée dans la foule et qui explose. Il y a eu aussi des textes écrits pour Charlebois. Un poète, un personnage connu surtout par ses apparitions publiques.
Dans «Le flambant nu», Claude Péloquin entreprend de jeter un regard sur sa vie dans un semblant d'autobiographie. «Des histoires vraies», prend-il la peine de préciser. Soyons franc! Il n'a rien des conteurs d'autrefois qui nous prévenaient que tout ce qu'ils allaient dire seraient pure vérité.
L'entreprise de Péloquin aurait pu être intéressante pourtant. Il a côtoyé Charlebois à ses débuts et Jordi Bonnet. C'est toute une époque qui se profile derrière ces pages où la faune artistique se rencontrait à La casa Pedro de Montréal pour délirer et inventer le Québec moderne. C'était le temps du FLQ et des poètes. Il aurait pu nous présenter un homme méconnu et un certain Québec puisque Péloquin a choisi l'exil très tôt.

Anecdotes

Rien de cela. Péloquin se complaît dans le trivial, l'anecdotique et les bobards. Tout juste des propos d'ivrogne qui se vautre dans ses faits d'armes. Jamais l'écriture ne lève pour se nicher dans un mode réflexif ou méditatif. Tout à fait sans intérêt cette énumération de folies «houblonesques» qui ne débouchent que sur les rires gras.
Péloquin peut pavaner, prêcher l'amour à trois, se remémorer ses cuites, ses «baises merdiques», ses voyages en taxi à La Tuque, rien n'accroche. Il reste désespérément superficiel et ses confessions sont de l'ordre du verbiage. Même les moments les plus attendrissants, ceux où il effleure son père et sa mère, sont gâchés par ce besoin d'épater la galerie. Les beuveries de Péloquin ne laisseront de traces que dans la mémoire de certains ivrognes qui ne peuvent plus s’émoustiller qu’en paroles.
«J'adore le cirque. Je crois même que j'en fais partie quelque part au monde dans une vie parallèle.» (p.66)

Tout est dit. Le verre est vide. Une écriture quelconque, un propos échevelé et un narrateur qui se perd dans les échos de son miroir. Léméac/Actes Sud ont habitué les lecteurs à plus de rigueur et de pertinence.

«Le flambant nu» de Claude Péloquin est paru chez Leméac.