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dimanche 3 janvier 2010

Le tour du monde d’Hélène Rioux


Hélène Rioux a entrepris en 2007, avec «Mercredi soir au Bout du monde», une saga qui nous conduit aux quatre coins de la planète. «Âmes en peine au paradis perdu» est le second volet de cette entreprise impressionnante. L’ensemble comprendra quatre ouvrages.
Je me précipite dès que je vois que l’écrivaine effectue un pas dans son exploration. Chose certaine, quand Hélène Rioux aura mis un point final à cette aventure, je reprendrai le tout, pour me laisser emporter par ses personnages et cette pérégrination dans le monde de maintenant.
Dans «Âmes en peine au paradis», nous retrouvons des figures que nous avions appréciées dans «Mercredi soir au Bout du monde». Julie a perdu son grand amour et arrive difficilement à refaire surface. Doris est morte, mais elle continue de hanter le personnel et les clients du «Bout du monde». Tous survivent avec la douleur ancrée dans leur chair et leur âme. La vie est marquée par la mort. Les deux vont main dans la main.
«Parfois la mort arrive aussi, à la sauvette, en catimini, et sa prestation n’a rien de spectaculaire. Inaperçue, elle règle son affaire vite fait et puis s’en va. Non, ce n’est pas comme dans les films de guerre aux actualités télévisées.» (p.22)

Présence

Ernesto Liri, le musicien qui a connu la gloire et la grande vie a presque cent ans. Il souhaite réaliser un dernier rêve en Toscane, là où tout a commencé. Il ne sait plus que ressasser des souvenirs. Julie souhaite biffer son passé de danseuse nue comme on se défait d’une vieille robe en s’engageant comme serveuse au Bout du monde. Béatrice croise un homme étrange qui veut réécrire «La divine comédie» de Dante. Il a besoin de l’aide d’une lectrice pour connaître l’état du monde.
«À présent, quelqu’un devait prendre la relève, se charger de l’époque contemporaine, le vingtième siècle et au-delà, qui formerait le cœur de l’œuvre. Cette personne lirait pour lui les journaux, les romans, les essais, tout ce qui lui tomberait sous la main.» (p.56)
La littérature s’infiltre partout dans le roman d’Hélène Rioux. Dante, Proust, Sade et aussi des auteurs de romans de type Arlequin qui se servent d’écrivains fantômes. Que nous soyons en Italie, à Montréal, à Cabarete ou à Séville, les personnages ont eu des contacts, se sont croisés et se sont perdus comme veut la vie. Ils trouvent des frères ou des sœurs malgré des époques lointaines.

Quête

Les personnages dérivent comme des plaques tectoniques qui se heurtent ou s’éloignent imperceptiblement. Chacun cherche une direction ou un paradis perdu. Pour y arriver, certains retournent aux grandes œuvres qui ont marqué l’humanité et la civilisation.
«Nous ne sommes pas, n’avons jamais été dans une vallée de roses. Le paradis est un espoir nostalgique, on croit s’en souvenir sans toutefois l’avoir jamais connu, le paradis est une illusion. L’histoire des villes, c’est comme l’histoire du monde. Celle de l’humanité. Aucune histoire n’est morale, nous sommes tous bâtis sur des ruines, nous fleurissons sur des charniers. Les cris, dit-on, restent longtemps enfermés dans les pierres, quand on est attentif, il paraît qu’on peut les entendre. Nous sommes bâtis sur ces pierres, sur ces cris. Nos maisons, nos os se lamentent, la nuit surtout. » (p.203)
Cela s’appelle la culture ou les cultures. Cela s’appelle le monde contemporain où toutes les frontières sont abolies, où la planète n’est plus qu’un seul et vaste territoire. «Âmes en peine au paradis perdu» est une oeuvre touffue, plein de découvertes et de surprises. Tous cherchent l’amour, une épaule et un peu de chaleur. C’est peut-être ce qui caractérise les hommes et les femmes.
Un roman d’une intelligence remarquable qui fouille dans les obsessions humaines. Un portrait de fraternité, d’entraide, d’affinités littéraires, de rencontres qui changent le cours des choses, de fils qui se rejoignent et se cassent aussi. Une aventure unique, originale et fascinante. Le monde selon Hélène Rioux est dur, difficile, mais combien humain et attachant. Il peut être tout aussi envoûtant, grisant que désespérant.

«Âmes perdus au paradis perdu» d’Hélène Rioux est publié chez XYZ Éditeur.

http://www.editionsxyz.com/catalogue/544.html

mardi 12 juin 2007

Hélène Rioux nous convie au restaurant

Malgré tout ce que l’on peut dire, malgré toutes les modes et les chapelles, le genre romanesque a très peu évolué. Roman traditionnel avec une intrigue et dénouement dans l’extase, roman contre le roman, roman anti-roman où toutes les expériences sont à peu près permises n’y change rien.
Il faut parfois s’y prendre à deux mains pour réussir à suivre certains romanciers dans les méandres de leur écriture. Je songe à Marie-Claire Blais. Ses derniers ouvrages, même s’ils sont époustouflants, demandent des efforts terribles au lecteur. Une sorte de lave qui emporte tous les personnages, abolit les lieux, fait voyager dans une fresque à la vitesse de l’éclair.
Hélène Rioux dans «Mercredi soir au Bout du monde» nous entraîne dans une aventure particulière. Le roman s’amorce dans un restaurant où les habitués se retrouvent à peu près tous les jours. Marjolaine la serveuse, Doris, Denise et Laura. On retrouve aussi Raoul, Boris et Diderot Toussaint. Le «Bout du monde», c’est ce restaurant ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre qui est en quelque sorte le siège social des chauffeurs de taxi. Chacun de ces personnages nous embarque dans sa vie et nous mène dans son intimité, nous fait voyager dans ses obsessions et ses désirs.
Le lecteur se retrouve ainsi à faire son tour du monde, à passer par les Caraïbes et à faire escale en Europe en suivant chacun des personnages.

Fragments

Le processus est assez connu depuis la parution de Mrs Dalloway de Virginia Woolf qui a fait recette. Hélène Rioux sans plagier Madame Woolf emprunte un peu à cette formule et nous fait suivre les personnages indistinctement. Une sorte de lien se noue et se défait selon les chapitres qui sont autant de fragments du monde comme on l’écrit en surtitre de la page couverture. Des fragments ou des morceaux de vie qui nous désarçonne parce que nous ne comprenons pas tout de suite qui est qui dans cette histoire.
J’avoue que par moment, je me demandais bien à qui j’avais affaire et il m’a fallu revenir au début pour comprendre les liens de certains personnages entre eux.
La modernité veut cela. Au lecteur d’inventer son intrigue, de travailler et de construire si on veut la trame narrative du roman.
Hélène Rioux exige beaucoup de son lecteur. Je songe à ce chapitre sur le musicien qui a signé la trame sonore d’un film à succès et qui vient éclairer un peu le réalisateur. Parce que c’est aussi cela le roman de Rioux. Chacun des fragments nous permet de mettre l’éclairage sur un personnage et de faire progresser l’histoire.

Problèmes

Nous embarquons dans la vie d’un personnage et Rioux nous laisse en plan, sans tirer les fils. Je songe à cette jeune Fanny qui se sauve de sa famille sur un coup de tête et nous ne saurons jamais rien de ce qui lui arrive. A nous encore une fois d’imaginer le pire comme le meilleur. On la retrouvera dans la suite, j’imagine, parce qu’il y aura plusieurs volumes.
À la toute fin, quand on doit faire le point en quelque sorte, nous demeurons un peu perplexe. Une suite de personnage a fait son tour de piste sans trop en révéler, sans trop nous en dire. Une manière de nous attacher pour suivre Hélène Rioux au bout du monde.

«Mercredi soir au Bout du monde» d’Hélène Roux est paru chez XYZ-Éditeur.