Bertrand Laverdure et Pierre
Samson, dans «Lettres crues», se
lancent dans une correspondance à l’incitation de leur éditrice. L’échange
donne des propos percutants, parfois impertinents, souvent émouvants.
Bertrand Laverdure |
Pierre Samson |
«Réglons le cas de mon zona,
puisque tu le mentionnes dans ta lettre. Admettons que c’est un problème somme
toute mineur, un sain exercice de zénitude avant mon départ pour le Japon. Le
pire avec ce virus, c’est la douleur constante, pulsative, quoique modérée, qui
a meublé mes jours comme mes nuits. Et, franchement, encaisser un zona, c’est comme
lire un roman de Victor-Lévy Beaulieu: vous savez que vous êtes confronté à
quelque chose de plus fort que vous, c’est une marée puissante faite
d’élancements dans un cas, polluée par d’innombrables débris littéraires [et
coupants] dans l’autre, dont Ferron, Aquin, Ducharme et, bouée de sauvetage,
Joyce. Peu importe de laquelle de ces épreuves il s’agit ici, l’évocation d’un
dix-huit roues lancé à tombeau ouvert sur une autoroute du 450 et vous
imprimant pour de bon sur l’asphalte prend alors des airs de libération.»
(p.12-13)
Bertrand Laverdure,
heureusement, même s’il a des idées sur ce que doit être un roman et l’écriture,
se montre plus tolérant.
«…VLB, si on met sa poésie de
côté, a pondu des œuvres majeures, que ce soit dans le domaine de la biographe
d’écrivain (Melville, Joyce, Voltaire), du roman-fleuve, du roman poétique, de
l’étude sur l’édition au Québec, de l’essai en général et du téléroman à
succès. Il est un monument de nos lettres ET un histrion éhonté de notre
histoire littéraire.» (p.19)
Samson ne semble guère lire ses
contemporains, ce qui ne l’empêche pas d’avoir des idées tranchées, surtout sur
le travail des chroniqueurs.
«Je nous demande d’éviter le
piège de l’indéfinitude, zona de la prose québécoise, notamment chez nos
tortionnaires en pantoufles, les chroniqueurs : Mort au «on»! Je n’en peux
plus de ces fadaises indéterminées, de cette présence floue, de ce «nous» de
bigleux, de ce «je» outremontais, c’est-à-dire un «nous» monarchique non
assumé, et avec raison.» (.12)
Une fois à Tokyo, dans une
résidence d’écrivain, Samson crache souvent dans la soupe, se moque des
fonctionnaires, des manies des Japonais et peut-être aussi des siennes. Il a
l’œil pour débusquer les travers de ceux qu’il approche.
Laverdure, à Saint-Ligori, découvre
la vie à la campagne, fait preuve d’une franchise troublante quand il raconte
ses misères de jeunesse et ses expériences.
Recherche
Quand les deux écrivains tentent
de cerner le pourquoi de l’écriture ou leurs ambitions, la quête, malgré les
doutes et les obstacles, devient vibrante. Les deux cherchent un ancrage au
cœur des mots, un monde où l’imaginaire et le réel peuvent se colletailler. Ils
bousculent leur désir de renouveler la littérature en la forçant à aller au-delà
de la vie peut-être et des sentiers trop fréquentés. Comment ne pas aimer?
C’est chaud, vivant, même s’ils m’ont fait rager souvent.
«Lettres crues» de Bertrand Laverdure et Pierre
Samson est paru aux Éditions La Mèche.
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