«Qui de nous deux?» de Gilles Archambault s’avère un récit particulièrement touchant et bouleversant. L’épouse de l’écrivain est décédée d’un cancer après quarante ans de vie commune. Une présence irremplaçable, une perte d’équilibre dans la vie de Monsieur Archambault. Autant dire qu’il a perdu une partie de soi.
Il ne pouvait réagir qu’en bousculant
les mots pour apprivoiser cette «absence» qui le laisse perdu dans son corps et
son esprit. Chacun des objets de l’appartement lui rappelle la présence de son
épouse.
«Le passé, le nôtre, qui ne
fut pas toujours rose, avait une réalité que le présent n’a plus. Je me sens
amputé. J’ai perdu le seul être au monde avec qui je pouvais converser même
dans le silence. Voilà pourquoi je sens le besoin de ne pas me taire.» (p.11)
Écrire pour garder sa
présence, lui souhaiter encore de « beaux rêves » comme il le faisait à tous
les soirs avant d’aller au lit.
«C’est tout simple, je n’ai
qu’un désir, lui parler, la toucher. Je voudrais qu’elle soit présente, elle
n’est plus que cendres. Je me déplace dans notre appartement. Tout me rappelle
sa présence. Parfois, en me mettant au lit pour la nuit, je viens bien près de
lui souhaiter de faire de beaux rêves. Je l’ai fait si longtemps.» (p.23)
Deuil
Gilles Archambault se
souvient de leur première rencontre alors qu’il venait de quitter l’université
et qu’il rêvait de livres et d’écriture. Après, il y a eu le travail, la
famille, des voyages, des hésitations et des absences. Les écrivains s’égarent
souvent dans leur tête.
Et ces années où le cancer a
récidivé. La perte d’autonomie, la vie qui semble se recroqueviller pour n’être
qu’une toute petite flamme qui vacille.
«Je me dirige vers ma mort.
Tant que Lise était à mes côtés, il me semblait que l’irréversible pouvait
attendre. Nous avions soixante ans, soixante-dix, des choses devenaient plus
difficiles. Pour elle, de fréquentes alertes du côté de la santé. Le passé
avait depuis longtemps jeté une ombre sur l’avenir, dont nous ne parlions
qu’avec prudence. La perspective d’un voyage éventuel nous a souvent permis de
vivre avec un peu moins d’angoisse.» (p.68)
Lise a fait face à la mort
avec courage et dignité même si la maladie l’éloignait un peu plus à chaque jour.
Maintenant elle est là, tout
le temps. Monsieur Archambault a placé des photos d’elle partout dans
l’appartement. Elle a toujours été là même quand il partait pour son travail et
qu’il prenait plaisir à s’attarder en France.
Que peut être la vie
maintenant ? Un voyage à Paris où ils sont allés si souvent tous les deux. La
ville qu’ils aimaient. Leur ville. Les souvenirs deviennent encore plus
douloureux.
Un récit qui vous laisse avec
les larmes aux yeux. Le témoignage d’un homme qui perd son équilibre, celle qui
aura été une camarade, une complice dans le long voyage d’une vie.
D’une justesse et d’une
vérité remarquable.
«Qui de nous deux?» de Gilles Archambault est paru
aux Éditions du Boréal.
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