J’ai lu «Testament de mon enfance» de Robert de Roquebrune alors que j’étais en huitième ou en neuvième année. Je n’en conserve que peu de souvenirs.
Nous gardions précieusement la
collection du Nénuphar de Fides dans l’armoire vitrée de la petite école de
Monsieur Baillargeon. Une vingtaine de livres peut-être. «Les enragés du
Grand-Portage» de Léo-Paul Desrosiers, «Trente arpents» de Ringuet et «La
Minuit» de Félix-Antoine Savard.
J’étais curieux de plonger
dans le récit-biographique de Normand Cazelais. Peut-être qu’il réussirait à
faire ressurgir des images, secouerait des souvenirs chez un jeune lecteur sauvage
qui bondissait sur tout ce qui était imprimé.
Bien sûr, cet ouvrage n’est
pas là pour ameuter les lecteurs ou décortiquer les œuvres d’un écrivain. Parlons
plutôt d’un arrêt, d’une manière toute simple de s’approcher d’une personnalité
pour soulever la curiosité. Je garde de bons souvenirs du «Gabrielle Roy»
d’André Vanasse et du «Louis Hémon» de Mathieu-Robert Sauvé.
Personnage
Il est rare qu’un écrivain se
crée une identité, s’invente un passé comme l’a fait Robert Hertel La Rocque. C’est
le nom de baptême de Roquebrune. Il s’est imaginé des ancêtres nobles pour
mener grand train dans la bonne société de son époque. Sa vie comme son œuvre aura
été une formidable mystification où le vrai et le faux se mélangent. Cet écrivain
qui n’était pas dépourvu de talent, loin de là, aura fait de sa vie une véritable
fiction.
Il a prétendu avoir reçu des
formations à La Sorbonne. Pure invention. Il est devenu archiviste on ne sait
trop comment, n’ayant jamais étudié dans ce domaine.
«Il y a le patricien qui
ajoute une particule à son nom, passionné d’un passé révolu, qui combat toute
sa vie pour défendre des ancêtres… supposons pour certains d’entre eux. Un
homme qui s’est fait lui-même, vraisemblablement sans parcours académique
officiel, qui s’invente une formation universitaire, qui obtient un job dans
une sphère très pointue, au surplus à Paris et dans une institution fédérale
canadienne.» (p.117)
Vie mondaine
Il aura mené une vie mondaine
fascinante, fréquenté des artistes, séjourné pendant de longues périodes en
France où il se sentait chez lui. Il a connu aussi une vie heureuse avec son
épouse, écrivant aussi dans plusieurs revues françaises. Il sera un familier des
conservateurs de son époque tout en ayant un pied dans la modernité. Il se
montrera particulièrement aigri les dernières années de sa vie, pourfendant les
nationalistes québécois avec une hargne remarquable. Peut-être que la question
de l’identité venait le chercher d’une manière particulière.
Un homme qui a su créer une
légende autour de sa personne sans jamais être démasqué. Un autodidacte certain
qui a travaillé toute sa vie à enjoliver son passé et à entretenir sa légende.
Normand Cazelais le présente
avec le plus grand respect. Il aurait été facile de le pourfendre avec les yeux
d’un contemporain. Robert de Roquebrune pourrait être le sujet d’un roman, sans
aucun doute. Une belle manière de s’approcher d’un écrivain fascinant dans sa
vie et son œuvre. Un personnage, un cas.
«Robert de
Roquebrune, L’art de la fabulation» de Normand Cazelais est paru chez XYZ
Éditeur.
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