Frédérick Lavoie a fait les manchettes en 2006 en étant
arrêté lors d’une manifestation à Minsk, en Biélorussie. Le jeune journaliste
est devenu une célébrité en passant quinze jours derrière les barreaux. Dans «Allers
simples, aventures journalistiques en Post-Soviétie», le globe-trotter raconte ce moment difficile, mais aussi ses
pérégrinations dans l’ex-empire de l’Union soviétique qui a implosé en 1991.
L’immense
pays s’est fragmenté en de multiples républiques où des illuminés, des parvenus,
tous issus de l’ancien appareil étatique communiste, ont imposé leurs lubies. La
Lettonie, l’Estonie et la Lituanie, étrangement, ont tourné le dos aux régimes
totalitaires pour adopter le modèle européen.
Frédérick
Lavoie, après avoir perfectionné le russe à Moscou pendant un an, voyage dans ce
monde qui n’arrive pas à trouver les chemins de la liberté et de la stabilité. Parfois,
il se déplace en toute légalité, souvent il emprunte les chemins de la
clandestinité et risque le tout pour le tout. Les affrontements et la
répression sévissent dans à peu près tous les états.
«Le
Turkménistan est l’un des pays les plus fermés de cette planète. Il est sous
l’emprise d’une dictature aussi loufoque que cruelle. Les journalistes n’y ont
pratiquement jamais accès, hormis pour des conférences sur l’industrie
pétrolière et gazière. Je dois jouer au touriste naïf. Je veux mettre toutes
les chances de mon côté pour obtenir un laissez-passer vers la «Corée du Nord
d’Asie centrale». (p.138)
Il passe
des jours en train dans le mythique Transsibérien avant d’atteindre l’Asie. À
Vladivostok, les Russes et les Chinois se côtoient pour le meilleur et le pire.
Partout,
des potentats prennent leurs fantasmes pour la réalité ; partout, il verra
la misère des hommes et des femmes, l’avenir se replier devant des jeunes qui souhaiteraient
changer des choses.
Le
journaliste s’attarde auprès des étudiants, des révolutionnaires, des
chauffeurs de taxi et… des militaires. Il préfère ceux qui luttent pour un
morceau de pain, les vieilles femmes qui réussissent à garder une certaine
cohésion dans des pays qui s’effritent.
Délire
Le
président du Turkménistan a érigé des statues en or le représentant partout sur
le territoire qu’il contrôle. Ce mégalomane a écrit un livre que le peuple doit
mémoriser pour travailler, se procurer un permis de conduire ou un passeport. Le
seul livre que l’on offre dans les librairies du pays.
Tous
ne sont pas aussi dérangés, heureusement, mais tous pourchassent l’opposition,
truquent les élections, jouent le jeu de la démocratie pour soutirer de l’aide
financière aux Occidentaux. La Tchétchénie a connue une révolution et une
répression sanglante. Que dire du Kazakhstan qui a vécu des expériences
nucléaires pendant des années sous le régime soviétique ? Toute une population
touchée et tenue dans l’ignorance. L’horreur dont on ne parle jamais à la
télévision.
D’autres
dangers pointent avec la multiplication des croyances qui remplace les diktats
du communisme. L’intégrisme islamiste surtout.
Frédérick
Lavoie montre la face cachée du monde. Un récit fascinant. J’ai lu Allers
simples comme un roman d’aventures. Une belle façon d’échapper aux formatages
des médias pour nous montrer des gens qui vivent, souffrent, rêvent, se
débattent pour un avenir meilleur même quand tous les horizons sont cousus de
barbelés. À parier qu’il saura nous surprendre avec son regard sur l’Inde
puisqu’il vient d’y migrer.
«Allers simples, aventures journalistiques en Post-Soviétie»
de Frédérick Lavoie est paru aux Éditions La Peuplade.
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