L’écrivaine revient sur son
enfance à Amqui, son adolescence, la période des études à Québec et Moncton, les
voyages en France, la découverte de l’Europe et le retour à Montréal pour y
devenir un rouage important du monde littéraire. Un parcours qui épouse les
grandes périodes du monde contemporain, ses espoirs et aussi ses déceptions.
Il y a d’abord la famille.
Tout commence là ou presque. Les parents ne feront rien pour contrer les
ambitions de leur fille.
«… Je l’ai déjà écrit
ailleurs mais j’aime à le répéter: «Et si je n’ai pas assez d’argent pour faire
instruire tous mes dix enfants, je ferai d’abord instruire les filles!»
Pourquoi? avions-nous osé demander. Sa réponse fut simple: «Parce que les
femmes sont meilleures, plus intelligentes et ont plus de morale. Et parce
qu’elles transmettent les valeurs d’une génération à l’autre. Les garçons, eux,
peuvent toujours gagner leur vie avec la force de leurs muscles.» (p.123)
Il semble bien que l’on a
oublié que les filles ont «plus de morale» avec l’arrivée de Pauline Marois
comme première ministre du Québec. Une grande première pourtant, une étape
importante.
Études
Étudier à l’époque voulait
dire tourner le dos jusqu’à un certain point à une façon de vivre et à son coin
de pays. Madeleine Gagnon séjournera au séminaire des Ursulines de Québec
d’abord. L’aventure prendra fin abruptement.
«Ce jour-là, elle me dit sans
autre préambule que si je voulais revenir au collège l’année suivante, je
devais renoncer à mes premiers prix – j’en avais quelques-uns, et dans quelques
matières. Elle me donnait vingt-quatre heures pour réfléchir et lui faire
connaître ma réponse. Sans trop comprendre de quoi il retournait, et flairant
l’abus de pouvoir, je ne mis pas vingt-quatre heures, mais vingt-quatre
secondes, et la fixant droit dans les yeux, ce qui nous était interdit, humilité
oblige, je dis: «Ma décision est prise, mère, je garde mes prix!» Ne pouvait
contenir sa rage, elle hurla: «La porte, mademoiselle. La porte de mon bureau
et celle du collège, l’an prochain. Vous êtes congédiée ! Pour cause officielle
d’insubordination!» (p.45)
Première injustice, prise de
conscience peut-être que certaines pouvaient revendiquer des privilèges par
leur naissance. Des études marquées par des changements, des arrêts et des
déplacements. À la fin, ce sera Montréal et son initiation à la philosophie. Là
encore, elle fait face à un monde où les femmes ont peu de place, où elle devra
s’imposer. Madeleine Gagnon poussera jusqu’au doctorat en France.
Écriture
Le désir d’écrire se manifeste
tôt. La poésie d’abord, des textes engagés, la découverte de la littérature québécoise,
la conversion à l’idée de la souveraineté, l’amour, le mariage et la maternité.
Une vie qui poussait la jeune intellectuelle un peu dans toutes les directions.
Une volonté de militer, de participer à la société du Québec en devenir.
Une histoire de franches
amitiés, une volonté de rendre son pays plus juste, pour les femmes surtout, l’enseignement
de la création littéraire et la défense des écrits du Québec dans ses cours et
lors de conférences à l’étranger. Elle deviendra une sorte d’ambassadrice de la
littérature francophone d’Amérique un peu partout dans le monde.
Un témoignage touchant, sans
complaisance, dur parfois pour ses proches. Une page importante de l’histoire
du Québec moderne qu’elle écrit magnifiquement. Tout n’est pas dit, mais nous
avons là un bel aperçu du parcours d’une femme d’exception et de courage.
Depuis toujours de
Madeleine Gagnon est paru aux Éditions du Boréal.
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