L’auteur est né en Suisse,
d’une famille de paysans qui n’hésitaient pas devant l’effort. Un pays qu’il quitte
dans la vingtaine pour aboutir au Canada où il rencontrera l’amour, réussira à
se tailler une place enviable dans le monde de l’édition. Ce qui ne veut pas
dire qu’il tourne le dos à son lieu d’origine, loin de là. Il y retourne régulièrement
et la Suisse le fascine même s’il adore le Québec.
Le détour est long avant d’aborder
sa vie à Montréal. Marcel Broquet est un passionné d’histoire, des pays et des
gens. Il remonte l’arbre généalogique de ses ancêtres et découvre la Suisse qui
traîne une mauvaise réputation avec sa neutralité politique et les comptes bancaires.
Et comment éviter les secrets
de famille ?
Son père a eu l’étrange idée
de migrer en France juste avant le déclenchement de la Deuxième Guerre
mondiale. Il s’est engagé dans la Résistance, s’est fait tuer dans un règlement
de compte.
«Mon père, Paul, est né le 14
septembre 1903 à Delémont. Il est mort assassiné à Marvelise, petit village de
Franche-Comté, le1er octobre 1944.» (p.41)
Une histoire d’amour, un
rival qui l’abat froidement. Il laisse cinq enfants à la charge de sa femme. Sans
ressources, elle doit retourner en Suisse et faire mille tâches pour survivre avec
l’aide de sa famille.
Étude
Marcel à dix ans ne sait ni
lire ni écrire. En retard sur les jeunes de son âge, il doit fréquenter
l’école, la loi l’oblige en Suisse. Heureusement, une institutrice le prend en
charge et lui donne des cours particuliers.
Élève sérieux, il se dirige
vers un établissement de commerce et peut gagner sa vie dans les assurances. Un
métier qu’il n’apprécie guère mais qui lui procure une belle indépendance. Il
découvre surtout Lausanne.
La passion pour les livres est
là, celle des randonnées dans la campagne, des excursions en France. Il fera
même une expédition à Paris à bicyclette. Le jeune Broquet dort à la belle
étoile et mange ce qu’il trouve. Il ne manquait surtout pas d’audace.
Le Canada
Le goût de partir devient de
plus en plus pressant et il choisit le Canada, l’Ouest pour devenir fermier. Il
se retrouve à Montréal avec dix dollars en poche et doit effectuer de menus
travaux pour survivre. Il finit par ouvrir une librairie à Verdun. Un monde
difficile, surtout avec l’étiquette d’étranger qui lui colle au dos. Il glisse
imperceptiblement vers le métier d’éditeur, se distinguant surtout pas ses
ouvrages sur les oiseaux et la belle collection Signatures qui présente les peintres du Québec. Tout cela avec les
hauts et les bas du marché de l’édition, la compétition féroce et un système
d’escomptes qui laisse peu de sous dans la caisse. Il parvient à créer une
entreprise exemplaire et ses fils prendront la relève.
Marcel Broquet survole toute
la période d’affirmation du Québec avec la Révolution tranquille, mais reste
discret et laisse le lecteur souvent sur sa faim. Il s’attarde plus aux
origines de sa famille, la Suisse que sur le monde du livre et ses soubresauts.
Il effleure à peine l’univers des auteurs et les grands moments de sa carrière.
Il plaide pourtant pour le
livre, la culture, la lecture sous toutes ses formes avec une complice, Rosette
Pipar. Les deux croient que le projet de loi C-11 du gouvernement Harper va
anéantir les revenus déjà plutôt minces des créateurs.
«Stanley Péan, le président
de l’UNEQ, avait qualifié le premier ministre d’« inculte » et de « bête
politique non intelligente ». Il citait en exemple des pays comme l’Angleterre,
l’Irlande ou l’Écosse, qui investissent entre 20 $ et 22 $ par citoyen pour
leur conseil des arts. « Le Canada donne 5 $ par citoyen… » (p.240)
Un ouvrage sympathique, le
monde d’un migrant qui a gardé un amour sincère pour son pays d’origine et qui
s’est taillé une place enviable au Québec.
«Laissez-moi vous raconter» de Marcel Broquet est
paru aux Éditions Marcel Broquet.
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