Katia Gagnon, journaliste et directrice des informations générales au journal La Presse, effectue, avec « La réparation », sa première incursion dans le monde romanesque.
Son héroïne, Marie Dumais, travaille comme journaliste. Une manière de ne pas trop se dépayser.
« Il y a treize ans, quand Marie Dumais était entrée comme stagiaire à La Nouvelle, elle n’avait pas du tout le profil de la journaliste, hormis, peut-être, une grande facilité à écrire. Elle n’était pas un jeune loup trilingue et assoiffé de scoops, le modèle préféré des patrons. Elle avait sagement couvert, vite et bien, tout ce à quoi on l’avait affectée. Elle s’était penchée sur le creux historique du dollar canadien, l’inauguration de la promenade des premiers ministres à Québec par Lucien Bouchard. » (p. 17)
Voilà qu’on confie à la journaliste une enquête particulièrement difficile. Une jeune fille, Sarah Michaud, s’est suicidée. Elle aurait été victime d’intimidation dans un collège où la progéniture de la petite bourgeoisie de Rivière-aux-Trembles fait la loi. Sarah venait d’un milieu modeste, mais avait un don pour les mathématiques.
« Elle prit le combiné en soupirant et se prépara à convaincre quelqu’un. Persuader l’école de la laisser fouiner dans les couloirs n’allait pas être facile. Tout le monde était encore traumatisé par le décès de la jeune fille. Déjà, les parents accusaient l’école secondaire de leur fille, un collège privé, d’avoir fermé les yeux sur l’intimidation dont elle était victime. Aucune personne sensée ne voudrait d’une journaliste dans ce portrait. » (p. 16)
Marie Dumais réussit à persuader les autorités scolaires. Elle va circuler dans l’institution, interroger des étudiants et des professeurs, des parents si nécessaire. Elle constate rapidement que la bande de Florence Dugré, fille unique d’un avocat connu, fait la pluie et le beau temps dans le collège.
« La bande de l’escalier était en fait le club des rejets, racontèrent tour à tour Maxime et Catherine. Tous ces jeunes venaient, comme Sarah Michaud, des villages voisins de Rivière-aux-Trembles. Dès leur arrivée en secondaire I, ils avaient été snobés par la bande à Florence Dugré. « (p. 118)
Marie Provencher
Parallèlement à l’enquête de Marie Dumais qui reconstitue peu à peu le puzzle qui a mené Sarah Michaud à mettre fin à ses jours, le lecteur suit l’histoire assez singulière de Marie Provencher. On se demande au début ce que ça vient faire dans le récit, mais on finit par s’attacher à cette fillette qui a vécu les cinq premières années de sa vie dans un appartement insalubre, avec une mère qui souffrait de graves problèmes mentaux.
« Elle était en plein délire religieux. Sa fille était une enfant choisie, spéciale, une enfant de la destinée, qu’on devait à tout prix préserver du monde extérieur et de la souillure de la parole humaine. Ses oreilles devaient rester vierges, le plus possible. Elle était donc élevée dans le silence. L’enfant ne sortait jamais de chez elle. Il n’y avait aucun jouet dans la maison. Elle avait eu cinq ans il y a quelques mois, mais la mère n’envisageait pas une seconde de l’envoyer à l’école. Durant toute la durée de la rencontre avec l’intervenante, la mère avait gardé sa fille sur ses genoux, les mains sur les oreilles de l’enfant. La petite n’avait pas dit un mot. » (p. 43)
La direction de la Protection de la jeunesse prend l’enfant en charge. Elle doit combler des retards dans son apprentissage du langage et connaît des problèmes de locomotion. On fera le lien entre cette enfant et Marie Dumais à la toute fin du roman.
Pointe de l’iceberg
Katia Gagnon nous plonge dans les situations horribles que vivent des jeunes dans une société moderne où les déséquilibres mentaux font des ravages. L’ostracisme, l’inconscience, la méchanceté existent et les faits divers que l’on peut lire dans les journaux ne sont que la pointe de l’iceberg. Madame Gagnon le sait et va au fond des choses en recourant au genre romanesque. Elle démontre surtout que le travail journalistique a ses limites.
Une belle réussite que ce premier ouvrage senti et bellement mené. Katia Gagnon possède un sens de l’intrigue et du rebondissement assez remarquable. Une écriture drôlement efficace. Une incursion qui permet au lecteur de comprendre aussi les limites des médias.
« La réparation » de Katia Gagnon est paru aux Éditions du Boréal en avril 2011.http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/auteurs/katia-gagnon-1808.html
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