dimanche 24 juillet 2011

Henri Lamoureux aborde un sujet délicat

«Orages d’automne» d’Henri Lamoureux met en scène un personnage qui s’éloigne de la société pour retrouver son équilibre. Tout ce à quoi tenait Rémi s’est effrité à la mort de Catherine, sa compagne.
L’amour de sa vie a été assassiné par son ex-époux, un Mohawk intégriste. Tel un animal qui s’isole pour lécher ses blessures, Rémi s’est installé en forêt, loin de tous. Il observe les animaux, les saisons qui se succèdent et tente de recentrer sa vie. Ce militant qui cherchait à sauver la planète a été incapable d’être là quand Catherine, une Algonquine, a eu besoin de lui.
«J’ai baptisé tous les animaux qui me paient une visite de temps en temps, et ceux croisés au gré de mes randonnées sur les lacs ou dans les sentiers du petit territoire que je possède depuis trois ans et où je vis depuis six mois, soixante kilomètres au sud-ouest du parc de La Vérendrye, en pays algonquin. Cet investissement a grugé toutes mes économies, mais c’est peu payer pour reconquérir une partie de la terre que mon grand-père a sillonnée pendant un demi-siècle.» (p.11)
Dans la solitude, avec quelques livres, il cherche à se calmer pour réussir ce qui lui reste à vivre.

Les filles

Noémie, sa fille avec qui les contacts sont difficiles, lui confie Marilou et la fille de Catherine. Ève, une adolescente rebelle, a été retrouvée dans un parc de Montréal, complètement givrée. Après la mort de sa mère, elle a vécu la dégringolade dans la grande ville, l’alcool, la drogue et la prostitution.
Rémi se retrouve devant une adolescente qui en veut au monde entier et une fillette un peu capricieuse. Ces deux présences bousculent son quotidien. Ève et Marilou le forcent à sortir de ses habitudes et lui font oublier ses ruminations.
«J’ai rentré leurs bagages comme si j’étais leur domestique, tout en élaborant mentalement une stratégie de survie avec ces deux filles capables de m’enfirouaper à la moindre occasion et sans effort. Peut-être que Noémie m’a rendu service ? Peut-être sait-elle parfaitement bien ce qu’elle fait en me confiant cette garde inopinée ? Il n’y a rien de gratuit dans la vie, ai-je toujours cru. Il me faut donc reconnaître qu’il doit y avoir du sens dans ce coup du destin.» (p.57)
La vie s’organise entre la chasse aux crapauds, les visites d’un orignal, les jeux et quelques excursions en forêt.
Une chute lors d’une promenade change tout. Rémi en frôlant la mort retrouve ses proches.

Préoccupations

Henri Lamoureux a trouvé là un sujet idéal pour illustrer ses préoccupations, dénoncer la situation des autochtones et les travers de notre société. L’essayiste et le militant qu’est cet écrivain ne se gêne pas et il en met parfois un peu plus que le lecteur en demande.
«Sans aller aussi loin, mais animée d’une même idéologie, l’évangélisation des Premières Nations se réalisa ici sous le noble prétexte de faire sortir la bête du Sauvage pour qu’il accède enfin à la plénitude humaine du baptisé. Instruit par des historiens catholiques et des racistes hollywoodiens j’avais, comme tous ceux de ma génération et celles qui nous précédaient, adhéré à la vision « du sauvage  brutal massacrant femmes et enfants », brandissant le scalp sanglant d’un prisonnier ou de sa fiancée venus s’établir sur les terres riches d’une Amérique à conquérir.» (p.127)
Heureusement, nous avons droit à de très belles pages sur la forêt, la présence des bêtes sauvages, le glissement des saisons.
C’est souvent un peu rugueux, mais il arrive à donner l’envie au lecteur de s’installer sur les rives d’un lac pour attendre le passage de l’orignal et surveiller les activités des canards. C’est là l’essentiel.
Une quête de sens qui prend des détours inattendus.  Si Lamoureux se montre parfois un peu redondant dans ses réflexions, il n’en demeure pas moins qu’il touche l’essentiel, la perte de sens qui aspire la société. L’écrivain croit que le retour à la nature peut solutionner bien des problèmes et guérir des blessures. Une approche qui peut faire sourire, mais qui vaut bien des thérapies à la mode.

«Orages d’automne» d’Henri Lamoureux est paru chez Lévesque Éditeur.

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