Il faut avoir vécu le départ d’un proche pour comprendre le récit de Pierre Monette. L’écrivain plonge dans le plus intime, le plus personnel en s’attardant aux derniers jours de sa compagne atteinte d’un cancer incurable. Il raconte au jour le jour, observe, décrit, exprime ce qu’il vit et ce que cette femme éprouve face à l’inéluctable. Du moment où ils apprennent la terrible nouvelle jusqu’au dernier souffle. Un témoignage extraordinaire par sa simplicité et sa grandeur. Il faut une franchise et, peut-être, aimer tout simplement pour en parler de cette façon.
Peut-être aussi que l’écrivain n’arrive à vivre le pire qu’en se faisant porteur de mots.
«Je vais peut-être me décider à mettre en forme les notes que j’ai prises depuis le mois de septembre : afin de revivre ces événements une fois pour toutes, de tourner la page – parce qu’il n’y a que dans un livre qu’on peut vraiment tourner la page sur quelque chose.» (p.204)
Accompagnement
Monette observe les derniers jours de Diane tout en restant attentif à ses propres émotions. La vie de sa femme est aspirée par un trou noir qui broie son corps, mélange ses idées et lui vole sa lucidité par moments. Les gestes prennent une autre importance, ceux que l’on pose peut-être pour la dernière fois. Mais il y a ces petits plaisirs, l’amour, la musique, les objets accumulés au cours des années et les chats. Il serait facile de basculer dans le sentimentalisme et les larmes. Monette évite le piège.
«Mais, en regardant Diane manger avec appétit, profitant à plein de l’instant, les larmes me sont venues aux yeux : c’était sans doute notre dernier souper à cet endroit. Je suis tout de même parvenu à ravaler ma tristesse ; c’est justement parce que c’était peut-être la dernière fois qu’il ne fallait la gâcher d’aucune façon.» (p.51)
Effervescence
Il y a tant de choses à prévoir, le testament et les funérailles. Un dernier voyage à Martha’s Vineyard. L’adieu à la mer et aux amis. Une frénésie folle avant le départ pour les soins palliatifs. La douleur de Pierre Monette aussi devant ce moment ultime et la fatigue immense qui s’accumule avec les jours. Tout devient si difficile quand le corps n’est plus certain. Le bain, se mettre au lit et manger. Tout exige un effort incroyable. Que dire? Un récit que l’on termine les larmes aux yeux.
«Elle a pris une courte inspiration qui a été suivie par un log moment de silence. J’ai pris sa main dans la mienne; son bras s’est replié en attirant ma main conne sa poitrine. Quelque chose au fond d’elle, qui venait de si loin que ce n’était déjà presque plus là, que ce n’était même plus un reste de conscience, m’a reconnu. Ce n’était pas elle: c’était sa peau qui se souvenait de la mienne; c’était la matière dont elle était faite qui reconnaissait la vibration de la matière dont je suis fait. Ce n’était déjà plus la vie; c’était la matière seule qui parlait, et cette matière se souvenait de ce qui la mariait à la mienne, et cette matière m’a reconnu, cette matière m’a attendu.» (p.193)
À petits coups de pinceau, l’auteur esquisse un portrait inoubliable de cette Diane admirable qui trouve le moyen de rire même quand son corps se déforme. Elle fait face sans rechigner, sans éclat malgré les hésitations et les peurs. Un témoignage d’une remarquable justesse.
«Dernier automne» de Pierre Monette est paru aux Éditions du Boréal.
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