Tout vient de la «Maestà» de Duccio di Buoninsegna», un peintre italien qui a réalisé ce tableau vers 1308. La madone, des anges et un étourdi qui tourne la tête et regarde ailleurs. Il brise l’ensemble et les forces du tableau. Pourquoi cette exception?
«Un ange détonnait sur le côté gauche du tableau, avec sa peau foncée, son regard perdu ailleurs et son expression triste. Jean-François se fraya doucement un chemin dans le troupeau de Japonais et vint se placer devant l’ange. Voir l’image en miroir est parfaite, pensa-t-il. Chaque personnage de 1300 a son double de 1980. Cet ange, c’est moi. Les cicatrices d’acnés en moins, on n’est pas ange pour rien.» (p.36)
Une volonté du peintre qui veut «s’imposer dans sa toile» et y laisser une touche personnelle? Un autre impératif... Le roman tourne autour «des distraits», de ceux qui regardent ailleurs et modifient un ensemble. Ceux et celles qui se perdent dans une quête artistique ou la violence aveugle du terrorisme. Comment savoir? La différence et l’originalité viennent d’où?
Attendez! Le roman de Louis Lefebvre n’est pas une réflexion sur l’art. Nous plongeons rapidement dans une histoire solide et fascinante.
Recherche
Jean-François Beaupré, généticien donne une conférence à Bologne et prend la clef des champs. Il se perd dans l’Italie, tente de retracer une femme qui a écrit à son père pendant des années. Un homme secret qui séjournait une fois l’an en Italie pour son commerce supposément. Le fils a hérité des lettres de Franca. Une manière de recoller des morceaux de ce passé qui lui a toujours échappé.
Il tente de découvrir «la face cachée» de son père, va de clinique en clinique, cherche cette mystérieuse Franca qui écrivait de si belles lettres, croise Nathalie, la petite amie de Sébastien qui est interné pour cause de démence. Overdose de culture. Il semble que ce soit possible.
«- Je sais, mais Sébastien, il pousse toujours tout trop loin. Pas surprenant qu’il ait été un syndrome de Stendhal. Il n’est pas capable de regarder trois peintures en ligne sans chercher leur point commun ou trouver la fracture entre elles, comme il dit. Il y a des livres pour ça, on n’est pas obligé de tout réinventer soi-même.» (p.88)
Jean-François rêve de changer le monde avec Sébastien. Une volonté de tout enfermer dans des faits mesurables et quantifiables quand tout se transforme selon les pulsions du corps ou d’un gène rebelle. Les humains échappent à toutes les règles. Ils sont belliqueux, hargneux, impulsifs et grégaires à outrance. Ils sont l’accident et le hasard dans l’émergence de la vie.
La vie
Ce beau roman d’atmosphères nous plonge dans une Italie grouillante et rebelle, dans sa beauté, sa vitalité et sa folie. Une histoire d’amour qui rate, une quête qui n’aboutit à rien. Peut-être est-ce le lot des humains de passer à côté de tout.
Un roman intelligent qui bouscule nos références et nos manières de voir. Les lecteurs, les vrais, ne se lassent jamais de ces questions qui permettent de s’inventer une histoire.
«Le troisième ange à gauche» de Louis Lefebvre est paru aux Éditions du Boréal.
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