William s'est réfugié sur la Côte-Nord, en proie à des crises qui le terrassent et le laissent quasi inconscient sur le sol. C'est que William, écrivain et esthète, s'est heurté à Tess lors d'un vernissage. C'est l'amour bien sûr, l'amour comme une tornade, l'amour qui met le feu partout et pulvérise l'être. Nous sommes aux plus belles heures du romantisme, au temps où les arbres tremblaient sous les larmes de l'héroïne esseulée.
William, qui s'était fait un devoir de vivre dans sa tête, ne possède plus sa vie. Il est jeté hors de lui par l'amour de cette femme.
«Moi, j'étais pour la colère noire, tranchante. J'étais pour la guerre, toutes armes tendues. J'aimais le mépris que j'irradiais. Le corps droit, la tête haute et fière, les yeux à peine baissés vers ces limaces autour de moi. Mon dégoût des autres. Cette rage sans nom que je brandissais comme un bouclier.» (p.17)
Le récit raconte la fuite de William sur la terre de Caïn, cette marche d'halluciné qui le jette au sol en proie à un désir qui fait frémir toute la Côte-Nord jusqu'au Labrador. Allons-y! Il ne faut pas avoir peur de la passion.
«J'ai Tess dans la peau, un raz-de-marée, et je sombre. Je suis là couché comme un navire coulé, comme un grand rorqual bleu échoué sur la grève.» (p.49)
On voudrait bien y croire mais les temps étant ce qu'ils sont, on ne peut que hausser les épaules devant la passion de William. On voudrait bien y croire mais nous ne sommes plus au temps de Lamartine et de Chateaubriand. Nous avons appris à faire autrement avec le condom et le SIDA.
Journal
William note, dans une sorte de journal intime, sa douleur, son amour et sa passion. William rédige au fur et à mesure de sa quête avec, en filigrane, Tess qui s'infiltre dans le texte, apporte comme un vent de réalisme dans cette errance, permettant au lecteur de respirer.
Un livre extrêmement écrit, léché, maniéré même. Un souci de réalisme, une carte qui n'explique rien, un glossaire qui tente peut-être de donner un ancrage à ce texte sans vraiment y parvenir.
Bien sûr, ces histoires existent dans les livres mais encore faut-il avoir un pied au sol pour nous permettre d'y adhérer. Marie-Claire Corbeil, malgré les artifices, ne parvient pas à convaincre le lecteur.
«Tess dans la tête de William» de Marie-Claire Corbeil est paru aux Éditions, Triptyque.