mercredi 18 mai 2022

LA TERRIBLE DÉCISION DE PARTIR VIVRE AILLEURS

ANAÏS GACHET vient de publier un court essai autobiographique fort intéressant avec Du coup, j’ai fui la France. Avec un titre semblable, on sait à quoi s’attendre. Le «du coup» chez les Français est aussi fréquent que les «là, là» de Jean Tremblay, maire de Saguenay, à la belle époque. L’auteure est née en France, dans le sud-ouest, un petit village nommé Callas. Après ses études, elle a l’espoir légitime de prendre sa place dans son milieu, mais rien ne s’est passé comme elle le souhaitait. La société française me semble assez sclérosée et y vivre ses rêves s’avère difficile. Une France déchirée, avec toutes les nations du monde, nous l’avons constaté lors des récentes élections présidentielles. C’est loin d’être l’harmonie non plus aux États-Unis depuis Donald Trump et c’est terriblement inquiétant qu’un Pierre Marcel Poilièvre tente de se faire élire à la direction du Parti conservateur du Canada. Que dire de la présence d’Éric Duhaime comme chef d’une formation politique au Québec? Alors, pourquoi partir, aller dans un autre pays pour voir si l’herbe y est plus verte? Il y aurait 2,5 millions de Français qui ont quitté la France avec madame Gachet pour tenter leur chance à l’étranger.  

 

Non, le Québec n’est pas le premier choix de ces migrants. La Suisse, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique et l’Allemagne arrivent avant nous. J’ai des amis de longue date qui sont nés en France, surtout en Bretagne. Ils se sont très bien adaptés, œuvrant dans le secteur culturel et à l’usine. Ils ont vécu en région et à Montréal et ce fut toujours un plaisir que de se croiser et de pouvoir partager des moments. J’ai même eu la chance de travailler avec l’un d’eux et de tout faire pour que le livre et la littérature restent des éléments contagieux. 

Ce qui rend le court récit d’Anaïs Gachet intéressant, c’est la question qu’elle se pose. Pourquoi part-on? Pourquoi quitte-t-on son pays? «Le Français qui quitte la France — mais ça, on ne le dira jamais au journal de TF1 — lui aussi fuit une certaine misère intellectuelle : fermeture d’esprit, misogynie, racisme, statu quo politique, gérontocratie.» (p.27) 

Madame Gachet se montre sévère, mais pour migrer, il doit y avoir une «façon d’être» qui heurte et empêche de réaliser ses rêves. 

Si certains doivent abandonner leur pays pour sauver leur peau (je pense aux Ukrainiens qui fuient la guerre et l’horreur), ce n’est pas toujours le cas. Les Français partent parce qu’ils ressentent un malaise, je dirais «certaines entraves» à vivre leurs rêves dans leur société. Ce qui est terrible, on le comprendra. Rien n’est pire pour un jeune, homme ou femme, que de constater qu’il ne pourra s’épanouir dans son travail et se heurtera à une foule d’empêchements qui le confinera dans des tâches subalternes!

Nous avons presque tous dû migrer de la campagne vers la ville au Québec dans les années 70. Nous avions compris que nous ne pouvions demeurer dans nos villages et vivre nos rêves. Notre avenir était ailleurs. Ce n’est pas quitter son pays, mais nous perdions tous nos repères en nous installant en plein cœur de Montréal. La migration intérieure est exigeante et je connais des amis qui, après un an, n’en pouvaient plus. 

 

PARTIR

 

Le lieu où l’on est né et où l’on se sent chez soi, même si beaucoup de choses peuvent vous heurter, nous a pour ainsi dire ouvert les yeux sur le monde. Ça demande du courage de partir et une fois rendu à destination, l’adaptation ne se fait pas en claquant des doigts. Transplantez un arbre et il prendra des années à refaire son réseau de racines et à grandir. Bien plus, il restera un spécimen un peu différent. Il vit moins longtemps aussi et n’atteindra jamais les dimensions de son pareil né en forêt. C’est dire. 

Les humains sont-ils si différents?

Anaïs Gachet s’est retrouvée avec des migrants au Québec. Un réflexe normal. Toujours plus facile de vivre avec des gens qui partagent les mêmes difficultés, certainement. Comment s’acclimater alors, découvrir un nouveau milieu, s’adapter aux pulsions et aux habitudes de la majorité des Québécois? J’use le mot avec beaucoup de prudence, mais les «ghettos» ne sont jamais les lieux idéaux pour connaître un autre pays. Mes amis bretons sont venus en région et ils se sont glissés dans nos vies avec humour, enthousiasme et plaisir. Ce ne fut pas toujours facile, mais cela est allé de soi avec un travail où ils ont pu réaliser certains de leurs rêves, fonder une famille et avoir des enfants. 

 

AVENIR

 

Qu’allons-nous devenir en abandonnant pays et famille, son milieu, son village et une certaine tradition? «Alors que sur mon cellulaire, MétéoMédia annonce la fin des chaleurs extrêmes au Québec, je prends conscience que ce que mon père m’a dit au sujet de mes ancêtres (le fait que je ne pouvais pas tourner le dos à ce qu’ils s’étaient battus pour nous offrir) était moins une volonté de me faire culpabiliser de quitter ce qu’ils s’étaient battus pour avoir, qu’une peur. La peur que ma fuite me déconnecte de ma famille, de mon pays, de tout ce qui constitue ce qu’il connaît de mon identité et donc que sa fille ne soit plus vraiment sa fille, que la distance quotidienne, émotionnelle que creusera forcément notre séparation physique me fera devenir une autre personne; une étrangère à ses yeux.» (p.30) 

C’est ce qui arrive forcément. J’ai vécu dix ans à Montréal et quand je suis revenu au village, j’étais un survenant. J’avais coupé un fil. 

 

TRAVAIL

 

Madame Gachet fonde sa compagnie de danse où elle œuvre avec les autochtones. La question identitaire est au cœur de leur travail et de leurs réflexions. On le comprend. Les Premières Nations, pour s’affirmer et se faire respecter, doivent affronter des difficultés inouïes, même si le vent tourne actuellement. Elle multiplie les expériences et va jusqu’à suivre des cours de création littéraire. Ça m’a un peu étonné. Ce genre de cour où l’on s’attarde prétendument aux complexes des Québécois face à la France me semble dépassé. Bien sûr que ce sentiment a existé, mais nous ne devons surtout pas réduire notre littérature à ce seul point de vue. Les écrivains du Québec, à partir des années 1900 et même avant, ont tenté de dire un univers personnel et américain. Que ce soit avec Marie Calumet, de Rodolphe Girard, ou encore La scouine d’Albert Laberge, nous sommes loin des timides qui lisent les auteurs de la France en soupirant. Que dire de Ringuet, Roger Lemelin, Gabrielle Roy, Marie-Claire Blais, Jacques Poulin, Victor-Lévy Beaulieu et Francine Noël? Madame Gachet n’a pas eu de chance. Dommage. 

Et quand on veut étudier les textes des femmes, normal que les autochtones et les migrantes soient peu présentes si on se situe dans un contexte historique. Si on va vers une littérature contemporaine, obligatoirement nous devons tenir compte des arrivantes et des minorités.

 

UN CHOIX

 

Madame Gachet réfléchit à l’exil, rencontre des compatriotes, discute de ses origines et à de ses choix. Une démarche fort intéressante sur le phénomène des immigrants, de ceux et celles qui partent et rentrent après quelques années. Abla Farhoud a écrit des livres formidables sur le sujet. Je signale son admirable Au grand soleil cachez vos filles qui traite du retour au pays d’origine qui se fait plutôt mal. 

Partir, c’est mourir un peu, dit-on. Migrer pour toutes les bonnes ou mauvaises raisons, c’est abandonner un lieu, un village, des amis, une famille, une pensée pour se retrouver dans un milieu à apprivoiser. C’est se donner un regard différent et d’autres manières de faire. Certains y arrivent plus facilement que d’autres, certainement. 

Du coup, j’ai fui la France propose une réflexion importante dans un monde où les gens bougent de plus en plus pour réaliser leurs rêves. Difficile de changer ses référents pour s’intégrer à sa société d’accueil. Madame Gachet en témoigne parfaitement avec ses hésitations et ses réflexions. Elle m’a secoué et, certainement, nous n’avons pas fini de parler de ce sujet avec les migrations de plus en plus importantes. Un livre qui vient à point.

 

GACHET ANAÏSDu coup, j’ai fui la France, Éditions HASHTAG, 104 pages, 20,95 $.

https://editionshashtag.com/auteurs/anais-gachet/

mercredi 11 mai 2022

DANIELLE MARCOTTE ET LE CHEMIN DES QUESTIONS

JE L’AI RÉPÉTÉ SOUVENT, j’aime les carnets littéraires qui nous plongent dans les questionnements des écrivains et des écrivaines. Ces inventeurs de monde qui tentent d’expliquer leur parcours et ce qu’ils veulent cerner dans leurs écrits. À vingt ans, je lisais le journal d’André Gide, celui de Julien Green et Anaïs Nin, bien sûr. J’adorais. Pas étonnant alors que je me sois faufilé dans ce genre si peu prisé par le public et les éditeurs. Cela allait de soi que je m’attarde aux publications de la collection «carnet littéraire» de Lévesque Éditeur. Je viens de déguster : Mission : les possibles de Danielle Marcotte. 

 

Madame Marcotte se demande pourquoi elle a toujours eu ce désir de s’égarer dans une histoire. La grande interrogation. Que cherche-t-elle en jonglant avec les mots jour après jour? Pourquoi ce besoin si singulier? Les réponses ne tombent pas facilement. Je ne sais jamais quoi dire quand quelqu’un m’aborde avec cette énigme. Tout comme la question que l’on vous pose à chaque entrevue : ça raconte quoi votre livre? Et là, je bafouille et patine comme un politicien qui évite le sujet.

Danielle Marcotte dans Mission : les possibles, ajoute sa voix à cette liste de titres souvent un peu étrange de la collection «carnet littéraire» de Lévesque Éditeur. 

Je me suis risqué dans cette aventure avec L’enfant qui ne voulait plus dormir et aussi dans Souffleur de mots. Avec également L’orpheline de visage, jusqu’à un certain point. Une tentative d’expliquer peut-être pourquoi j’aligne des phrases tous les jours. Une véritable hantise. 

«Ma vie tient à ce verbe. Écrire. Rien à voir avec le talent, l’ambition, ni l’urgent besoin de m’exprimer. Écrire est mon essence. Je n’ai jamais envisagé une autre manière d’exister — hormis la maternité peut-être, mais à un moindre degré, c’est dire.» (p.10)

Avec Danielle Marcotte, j’ai toujours eu ce besoin en moi. Raconter, plonger dans une histoire, s’aventurer dans une forêt sans savoir où j’aboutirais. Je rêvais de cela à dix ans. Sans en parler. Un écrivain, ça ne s’était jamais vu dans ma famille et mon village. Oui, Gilbert Langevin était poète (nous sommes tous les deux originaires de La Doré), mais il était parti à Montréal depuis si longtemps. Je ne devais confesser à personne ce fantasme, pas même au vicaire lors du premier vendredi du mois. J’imagine la tête du curé Gaudiose si j’avais osé lui dire : «mon père, je m’accuse de vouloir écrire.» Il m’aurait peut-être excommunié.

 

DÉSIR

 

Danielle Marcotte n’a jamais envisagé de faire autre chose. «Malgré la conviction qu’écrire répond bien à ma nature profonde, je reste embourbée dans un sentiment d’imposture.» (p.11) Tellement vrai. Il m’a fallu plusieurs publications avant d’oser affirmer en public que j’étais écrivain. C’était comme d’avouer une tare ou un vice terrible.

Quelle piste emprunter en semant des cailloux ici et là pour retrouver son chemin après s’être écarté dans la forêt des mots ? «J’ai envie d’écrire des histoires qui contribuent à alléger le quotidien. Le sentiment de n’avoir rien de neuf à dire me paralyse parfois.» (p.20)

Et tout ce que cette aventure exige. 

Mais d’abord, il y a l’éditeur et après le lecteur que l’on veut apprivoiser d’une certaine façon. C’est déjà extraordinaire de penser qu’un homme ou une femme ouvre votre livre et s’attarde sur chacune de vos phrases. 

«Comment, professant cela, peut-on écrire sans sentir peser sur soi le poids de ses proches, la crainte de les blesser? On n’écrit pas pour eux, bien entendu, non plus que sur eux, mais toujours sur soi, à partir de soi. Cela dit, je, c’est aussi : mes parents, mes enfants, ma fratrie, mes amis.» (p.45)

Danielle Marcotte a bien raison, l’écrivain tourne autour de soi. La rumeur dit que tout le monde peut le faire maintenant avec le web et l’autoédition. Pourtant, si tous sont appelés, peu sont élus. Nous pouvons tous courir, mais qui va remporter le marathon de Boston? Même chose avec les mots. Un écrivain est un être rare. Danielle Marcotte en est une, à n’en pas douter. 

 

QUESTIONS

 

L’écrivaine cherche et écoute les réactions de ses premiers lecteurs. Chacun a son regard sur un texte. C’est toujours un peu éprouvant cette étape. Ça touche son intérieur et peut devenir un jeu cruel. J’ai eu souvent l’impression d’être nul devant certaines affirmations. Sans parler des critiques qui vous débusquent ou qui croient le faire.

Voici des personnages, des lieux, un décor. Et les dialogues en plus. Comment se sent-on quand un lecteur vous dit que ça ne marche pas, que votre héros est faux? Je l’ai vécu. 

Que d’efforts pour arriver à peu près où l’on veut aller! Nous n’avons pas de GPS pour nous guider et habituellement, nous ne savons même pas la direction à prendre. Et il y a ces obstacles qui vous entraînent dans d’innombrables détours. «Mes livres sont comme de vieilles connaissances des bancs d’école, perdues de vue depuis des années. Il ne me reste bien souvent d’eux que des souvenirs approximatifs, qui ont plus à voir avec les émotions liées à une épiphanie ou à une difficulté d’écriture qu’avec le produit final que le lecteur découvre.» (p.117)

Ce travail demeure un peu étrange et garde bien des zones obscures. Il n’y a pas de méthode ou de manière de faire. Un roman est une cathédrale construite mot par mot, soupir après rire, dans l’effort et l’hésitation. Les pérégrinations nous poussent sur les mêmes pistes des dizaines de fois avant que tout devienne clair et limpide. 

Du moins dans mon cas. 

C’est comme s’aventurer dans une grande maison dont on ne trouve plus les portes et les fenêtres. C’est peut-être pourquoi je fais tant de rêves, quand j’écris, où je suis égaré dans des villes inconnues. J’erre sans pouvoir retrouver mon hôtel ou la direction à prendre. J’ai perdu les adresses et souvent mon portefeuille. Je suis alors une sorte d’itinérant qui ne sait plus que marcher en regardant devant soi.

 

INTÉRÊT

 

Danielle Marcotte reste formidablement intéressante et surtout honnête en tentant de s’approcher de soi et de cette soif immense d’écrire et de vivre en fréquentant les mots. Elle revient sur ses lectures, s’attarde aux réflexions de ceux et celles qui se posent les mêmes questions et qui indiquent des directions. Parce que s’aventurer dans un roman, c’est souvent s’avancer sur la route avec un bandeau sur les yeux en pensant que l’on voit tout. C’est cultiver le doute et les hésitations, se condamner aux recommencements. C’est aussi échouer. Si l’auteur parvenait à rédiger l’ouvrage qui coïncide avec celui qu’il a dans la tête ou qu’il imagine, il cesserait d’écrire. Il aurait atteint le but, le livre tant convoité. 

Le texte impeccable nous échappe tout le temps. 

C’est pourquoi nous devons reprendre pour nous avancer vers ce roman idéal, ce livre parfait, celui que l’on voit dans un flash et qui disparaît rapidement. Il nous reste à le pister pendant des années sans jamais réussir à l’approcher, bien sûr. C’est fou comme ça vivre avec les mots. Une quête qu’il faut sans cesse refaire et qui nous laisse toujours avec un tremblement intérieur. 

Un très beau carnet que celui de Danielle Marcotte. Une réflexion, une démarche qui exige toute une vie, une forme d’ascèse qui se fait souvent dans la joie et le bonheur, malgré les questions et les hésitations.

 

MARCOTTE DANIELLEMission : les possibles, Éditions LÉVESQUE Éditeur, 145 pages, 19,95 $.

mercredi 4 mai 2022

LA PAROLE PERMET DE NOUS ÉLOIGNER DE LA MORT

CHARLOTTE BIRON signe un premier roman fort intrigant avec Jardin radio. La vie parfois nous pousse en marge de la société et dans une solitude extrême. Comment lutter, combattre la maladie quand vous avez l’impression que le monde vous rejette


On découvre une tumeur à la mâchoire de la narratrice. Les médecins doivent pratiquer une intervention chirurgicale où elle risque de perdre la parole. La jeune femme, encore aux études, plonge dans une aventure terrifiante. 

«Le miroir reflète mon visage enflé. Mon menton et ma gorge sont bleus et jaunes. Il est difficile de me reconnaître. Sur la peau de mon cou, il reste du sang. Je prends la photo du jour. Je note la date et l’heure, j’avale le comprimé de morphine et j’inscris mon niveau de douleur sur dix.» (p.13)

N’ayant de contacts qu’avec les médecins et le personnel médical, la narratrice ne peut plus communiquer avec ses proches. Une terrible solitude la happe. «Les antidouleurs me donnent la nausée, ils m’empêchent de lire et de travailler, alors j’écoute la radio. Entre mes livres fermés et mon ordinateur éteint, je ne laisse presque jamais le silence noyer la pièce. Non, j’écoute des voix à la radio, des voix en direct sur les ondes, des voix dans des podcasts, des voix d’archives radiophoniques. Les voix remplissent l’air chaque jour de leurs particularités lointaines.» (p.19)

Une tumeur à la mâchoire, c’est plutôt inquiétant. La jeune femme perd pied, ses amitiés et ses amours peut-être. Parler, c’est vivre, s’affirmer et tenir sa place. «Les mots sont dits avec calme et détachement. Les mots paralysie, les mots résection, les mots greffe, les mots sont présentés avec calme et détachement. Là, sous les néons qui bourdonnent, les machines médicales et l’attirail métallique disent l’ordre raffiné du découpage de la chair, des os et des organes, la promesse que la peau et le sang seront envisagés avec calme et détachement.» (p.44)

Comme si on la privait de sa langue, de son identité, du plaisir d’embrasser, de parler, de chanter, de vivre dans la détresse comme dans l’enchantement. Elle se sent éjectée de ses études et de ses projets d’écriture. Sa vie dépend des autres dorénavant. 

 

RECUL

 

La voilà dans une chambre d’hôpital qu’elle partage avec un vieil homme qui écoute la radio. Et si c’était ça qui la rattache à la vie, ces paroles qu’elle entend, ces murmures qui lui disent que des femmes et des hommes rient, respirent, chantent et aiment tout près et si loin. 

Incapable de marcher, à cause d’une greffe (on a prélevé un os de sa hanche pour refaire sa mâchoire), elle arrive mal à s’arracher à la torpeur qui semble vouloir l’avaler. Elle s’accroche à ces présences. «On écoute la radio et on se représente tout de suite le corps de la personne qui parle. On fabrique instantanément un sourire, un visage, un regard sans même y réfléchir. On ne se contente pas des voix.» (p.32)

Nous tenons le fil de ce roman fascinant. Le mot témoigne de la vie et des idées, du monde et de ses turpitudes. Le verbe crée l’humain. La parole, c’est l’aventure, l’amour, le souffle qui permet de survivre aux jours et aux nuits. 

Ce lien la retient et la tire tout doucement vers la rive. Comme la ligne de la canne à pêche remonte le poisson à la surface. «Je rentre dans l’appartement, je rentre dans mon corps lent et maigre, je rentre à l’intérieur, je ne défais pas de valise, mais j’ai avec moi la vieille boîte en carton, celle qui contient mon walkman et la cassette des reptiles.» (p.89)

Avec tous ces enregistrements maintenant, les trépassés s’approprient la radio. Je peux écouter pendant des jours les chansons d’hommes et de femmes disparus ou encore me bercer dans les musiques de Bach et de Mozart. Le son échappe au temps et à l’anéantissement. Nous avons peut-être inventé une forme d’immortalité avec cet appareil. «C’est ce que j’aime aussi de la voix enregistrée. Elle contient chaque minute. Elle ne concède ni ne condense rien. Sa précision défie la mémoire. En même temps, elle ne respecte pas de chronologie. Elle n’ordonne pas le passé, ne restitue pas le déroulement des faits.» (p.48)

Ce sera sa manière de revenir dans un monde qui bruisse et que nous finissons par ne plus entendre. Et cette parole, la sienne, celle de la petite fille qu’elle a été et qui s’intéressait aux reptiles. «Quand j’appuie sur play, je découvre ma voix miniature, encore intacte et parfaite, ma voix en cinquième année qui parle de lézards, ma voix qui résonne pour la première fois dans un microphone. Mon sourire symétrique d’enfant de dix ans reprend vie. Mon rire crépite, éternel dans l’enregistreuse, à parler de serpents, de couleuvres et de caméléons.» (p.12)

 

PRÉSENCE

 

Un roman très fort qui fait prendre conscience du monde qui nous entoure et de tout ce qui vibre, palpite près de nous. Ces sons dans les endroits publics qui éloignent notre angoisse devant la solitude et le silence qui menace. 

Charlotte Biron m’a rappelé combien j’aime certaines voix à la radio. J’ai si souvent écouté Serge Bouchard et Jacques Languirand qui m’emportaient au plus profond de mon être. Madame Biron réussit ce miracle. Nous respirons dans ses souffrances, assommés par les médicaments et la morphine. Nous basculons dans ses fantasmes et ses rêves, les hallucinations aussi. Nous revenons avec elle pour nous faufiler dans l’espace des vivants. 

Jardin radio m’a branché sur le moment présent, à l’instant et à mon environnement sonore. Ce roman fait découvrir la beauté et l’extraordinaire merveille de la vie. Je me suis souvent attardé sur un court paragraphe pour méditer, m’ancrer si on veut dans ma voix et celle de l’écrivaine. 

Un ouvrage essentiel. 

Je tends l’oreille près du grand lac où j’habite et me demande ce que les Ukrainiens entendent avec l’horreur qu’ils vivent. J’imagine des pleurs, des hurlements, les sifflements des bombes, les explosions, «le bruit que fait la mort en tombant» comme le dit si bien Guy Lalancette. Ici, ce sont les sons de la vie, l’appel des outardes, le cri d’une corneille. Là-bas, on fait taire les oiseaux.

 

BIRON CHARLOTTEJardin radio, Éditions LE QUARTANIER, 136 pages, 20,95 $. 

https://lequartanier.com/parution/600/charlotte-biron-jardin-radio

mercredi 27 avril 2022

UNE FILLE DOIT-ELLE TOUT ACCEPTER DE SON PÈRE

J’AI DÛ PARCOURIR des chemins que je ne fréquente guère avec Pour que cela se taise d’Anne Peyrouse. Une femme, l’écrivaine (elle ne s’en cache pas), reçoit un appel de sa mère. Son père est à l’agonie et souhaite voir ses filles. Que faire devant cet homme qu’elle a cherché à extirper de son existence? Christian n’a cessé de la bafouer, de la violenter tout au long de son enfance et au début de son vécu d’adulte. Elle ira à son chevet. Comment faire autrement? L’approcher, le regarder, ressasser des moments de sa vie qu’elle espérerait effacer. Anne Peyrouse propose un livre saisissant.


L’auteure ne pourra résister après la mort de son père «des mots veulent te commencer. Les retenir ne sert à rien.» Elle va rédiger des biographies, celle du père et aussi la sienne, effleurer des souffrances encore présentes, malgré ses frayeurs et ses hésitations. «À quel âge puis-je écrire ma vie? Ai-je le droit de tout dire? Vais-je blesser quelqu’un? Dois-je me censurer? Est-ce une écriture thérapeutique juste pour moi? Quel est le devenir de tous ces mots, de tant de mots?» (p.14) Peut-on s’arracher à son passé et faire en sorte que tout «se taise»? Comment se libérer des traumatismes de l’enfance

Les ambitions de Christian ont broyé son frère Stéphane, avec sa sœur qui a eu du mal à s’en sortir. Raconter le père… Tout dire de son histoire, avec un peu d’espace où l’auteure s’attarde à ses angoisses qui surgissent devant un homme qu’elle a refusé de voir pendant des années. «Je vais t’écrire. Te livrer. Te molester. Te tuer. Je le ressens ben profondément. T’arracher comme cette carie que je devrai inévitablement réparer.» (p.15)

 

PASSÉ

 

Né en France, architecte, entrepreneur, doué pour les projets qui tournent mal et les échecs, il a tout détruit autour de lui. Et le voilà à l’hôpital, agonisant, encore capable de provoquer la douleur et le ressentiment. Doit-on tout pardonner à un père sur son lit de mort? C’est la question qui m’a suivi tout au long de la lecture de ce récit. «J’ai peur des revenants-e-s, néanmoins je ne me tairai pas! J’écrirai les choses horribles où Christian joue le premier rôle et où il m’impose le bonnet d’âne. Sans appel pour lui et pour moi : ce sera vrai. Pas de mains tendues, pas de rondes d’enfants, pas de guimauves à partager. Pas de temps alambiqué, pas d’eau de rose. Un épanchement à dégueuler : la totale!» (p.20)

L’homme cherche à réaliser de grandes choses sans tenir compte des autres, capable de toutes les extravagances, exploitant sa famille et particulièrement sa mère qu’il ruinera. 

Voilà. Anne Peyrouse va écrire ce que personne ne souhaite entendre. Tout cracher, même ce qui se cache d’habitude. «Oublierai-je un jour toutes ces marques? Qui est-il pour mourir ainsi en éveillant des ineffaçables? Comment taire le glas de son abandon pour mieux m’enfuir? Je ne veux pas de lui, mais arriverai-je à m’en détourner?» (p.31)

 

LE PÈRE

 

Manipulateur, extravagant, mégalomane, je pourrais aligner tous les qualificatifs négatifs pour décrire cet homme. Après ses études, il se prendra pour une sorte de Gaudi, voulant laisser sa marque dans différents projets. Il ira de catastrophe en catastrophe, ne respectant jamais ses employeurs, dépassant les coûts, n’en faisant qu’à sa tête et poussant des gens à la ruine. 

«Égoïste, sans considération pour les demandes et restrictions et réalités des personnes qui t’engageaient. Combien de fois t’ai-je entendu dire que tu t’en balançais d’entraîner dans la faillite les petites entreprises et les modestes créanciers? De toute façon, rien n’était de ta faute, c’était toujours à cause des autres.» (p.57)

Il devra quitter la France et finira par aboutir aux Escoumins, pour tout reprendre à zéro et se refaire une vie. Ce qui aurait pu être une chance de muter ne sera une fois de plus que projets de mégalomane et de rêveur impénitent. Il se lance dans le tourisme, organise des excursions sur le fleuve Saint-Laurent pour voir «ses» baleines. Comme toujours, il se moquera de tout. Pas question de se tenir à une certaine distance des cétacés. Il ira jusqu’à saboter les embarcations de ses concurrents pour être seul à accueillir la clientèle. 

Tout échouera bien sûr après avoir ruiné sa mère, perdu sa femme et ses enfants. Il se retrouvera dans un motel avec des chiens qu’il maltraite de toutes les façons imaginables.

 

COURAGE

 

Anne Peyrouse fait preuve d’un courage incroyable en écrivant son histoire. Cette tâche a dû demander tout ce qu’elle avait d’énergie. On le sent à la lecture. «À chaque regard que je pose sur toi, j’ai l’espoir que tu meures. L’envie de jeter une pierre pour ouvrir ton front, pour te saigner et passer à autre chose. Pour que je puisse enfin quitter ta chambre.» (p.42) 

Si elle hésite parfois, jamais elle ne recule. L’écrivaine fonce et se donne le droit de tout dire pour ne pas laisser d’ombres, ne pas succomber à la pitié. Surtout ne pas se laisser envoûter par le magouilleur, même sur son lit de mort, dans ses derniers moments.

Une tentative de rupture unique avec son enfance, un calvaire qui marque au corps et à l’âme. Comment déchirer les images qui sont siennes pour devenir une autre, muter en une adulte sans histoire?

 «Je rédige mon père dans la littérature à brûler, à ne pas primer, à censurer. Les mots frémiront à mes lèvres sirupeuses. Y a-t-il plus triste qu’une fille expurgeant son père? Y a-t-il plus triste qu’une femme noyant ses amours? Y a-t-il plus fervents que des enfants heureux de la mort paternelle? Avais-je appréhendé sa mort? Avais-je imaginé la fragmentation de ses membres dans un quelconque accident? Avais-je assez d’énergie et de haine pour ça? Ou demeurais-je une indomptable philanthrope? Et trouverais-je la force du pardon? De l’oubli?» (p.67)

Pour que cela se taise, broie l’esprit et le cœur. Ça grince, à chaque phrase, ça fausse, ça hoquette et dépasse les limites du possible. Ce monstre qu’était le père devient quasi fascinant par son délire et sa démesure.

Terriblement inquiétant. 

Un récit qui attaque les fondements de notre société, cette famille que l’on a sacralisée au cours des siècles. Ce milieu béni, qui souvent se transforme en enfer, devenant le refuge où des fous peuvent régner en toute impunité, blesser leurs proches à l’âme. J’ai connu de ces hommes qui se permettaient tout dans leur maison, même de violer leurs filles. Si on a beaucoup reproché aux écrivains du Québec de mettre en scène des hommes silencieux, Anne Peyrouse, elle, a été emportée par une avalanche de mots et ce n’est guère mieux. Un témoignage où chaque phrase fait avaler de travers. Oui, il y a des guerres qui se livrent dans les familles et les enfants en sont toujours les victimes. À lire en retenant son souffle. 

 

PEYROUSE ANNEPour que cela se taise, Éditions Somme Toute, 112 pages, 17,95 $.

https://editionssommetoute.com/Livre/pour-que-cela-se-taise

jeudi 21 avril 2022

ROBERT JOHNSON VIENT HANTER HERVÉ GAGNON

ÇA FAIT UN CERTAIN TEMPS que je n’ai pas lu un roman d’Hervé Gagnon. Pas qu’il se laisse oublier. Cet écrivain publie à un rythme qui donne le vertige, comme s’il avait passé un contrat avec le diable pour connaître la célébrité. Je l’ai croisé lors d’un événement du Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean en septembre, au lancement de son ouvrage. Crossroads, la dernière chanson de Robert Johnson. Avec en prime, ce soir-là, un concert de Steve Hill qui a interprété plusieurs succès de ce musicien légendaire. Hill, survolté, est un magicien avec sa guitare. Il nous a entraînés aux États-Unis, dans le delta du Mississippi, dans une nuit chaude où ça levait le coude et dansait jusqu’aux premières lueurs du jour. C’est là que j’ai découvert que Gagnon aime le blues depuis toujours et touche la guitare à ses heures. Oui, la littérature nous pousse dans des sentiers étonnants.


 

J’étais un peu en terrain connu avec Robert Johnson. J’ai lu la biographie de Jonathan Gaudette, un ouvrage bien étoffé de 344 pages avec grand plaisir. J’en ai parlé dans une chronique en 2020. J’écoute souvent les compositions et le jeu fascinant de ce guitariste, et ce depuis des années. Ce musicien est décédé trop jeune, après avoir enregistré 29 chansons en deux sessions. Cela se faisait rapidement alors et le chanteur était payé une centaine de dollars. Pas question de toucher des droits d’auteur comme maintenant. 

On sait peu de choses de lui, sauf des légendes et des mythes qui entourent sa vie. Ces troubadours allaient d’une ville à l’autre, jouant, buvant et faisant danser les gens après une semaine de travaux quasi forcés dans les plantations de coton. Nous sortions à peine de la terrible période de l’esclavage au début du siècle dernier. L’une des fables veut que Johnson ait signé un pacte avec le diable. Il semble que c’était souvent le cas avec ces musiciens qui cherchaient la plus grande dextérité et la célébrité. D’autant plus que tous interprétaient un genre musical honni par les prédicateurs et la bonne société blanche. Ce contrat se concluait toujours pendant une nuit noire, à la croisée des chemins, un lieu où Belzébuth lui-même tenait ses quartiers et effectuait le commerce des âmes. Les pasteurs parlaient de la musique du diable à toutes les rencontres du dimanche et contribuaient peut-être à populariser ces chansons destinées à faire danser les gens avant tout. 

Il n’y a pas à pavoiser. Le curé de mon village a longtemps interdit la musique et la danse lors des fêtes familiales. Et ceux qui faisaient fi de ces directives étaient pointés du doigt par le curé Gaudiose, à la grand-messe. Danser, c’était ouvrir la porte de l’enfer et les rebelles devaient tout avouer dans le confessionnal pour échapper à la géhenne. Ils risquaient même de se voir refuser l’absolution par un prêtre toujours vindicatif, s’ils récidivaient.

J’aime le blues et écoute la radio de Radio-Canada tous les vendredis soir où on donne un peu d’espace à ces voix si envoûtantes et parfois lointaines. J’y ai vécu des moments fabuleux où le démon marquait le rythme en tapant des mains. 

Pourtant je n’attendais pas l’écrivain dans ces parages, même si Hervé Gagnon s’est souvent intéressé aux mythes et aux légendes dans ses sagas. Avec Robert Johnson, il ne pouvait qu’étonner. Bien des rumeurs ont circulé concernant une trentième chanson du musicien. Et son commerce avec le diable, les chants, son penchant pour l’alcool, ses multiples conquêtes féminines font aussi fantasmer.

 

HISTOIRE

 

Donald Kane est historien, passionné de blues, guitariste amateur. On dirait le double d’Hervé Gagnon. Et Virginia Craft, une anthropologue, est descendante des esclaves afro-américains, spécialiste de la culture populaire du Sud des États-Unis. Une centenaire lègue une étrange boîte aux deux enseignants, des objets qui auraient appartenu à Robert Johnson.

 

Puis, sans prévenir, Simone Jackson était entrée dans sa vie. Dans sa lettre, la vieille dame affirmait qu’elle détenait des effets personnels de Robert Johnson, et qu’elle souhaitait les confier à quelqu’un avant de quitter ce monde. Elle prenait la peine d’ajouter qu’il ne devait parler à personne de cette rencontre, et qu’il devait s’adjoindre la collaboration de Miss Virginia Craft, professeure d’anthropologie à l’Université de Memphis. (p.27)

 

La suite du roman de Gagnon devient une véritable épopée. La bête rôde. Le guitariste et le diable ont signé un pacte. Ce dernier attend son dû même si Robert Johnson a réussi à retarder la livraison de son âme. Et si la trentième chanson existait. Le démon ne lâche pas le morceau et l’héritage de Simone Jackson entraîne toute une série d’incidents étranges. Des musiciens de blues connaissent des morts affreuses. La malédiction opère et le Malin œuvre dans l’ombre, peu pressé parce que le temps ne pèse guère pour lui. Il possède l’éternité dans les poches de son grand manteau qui sent le soufre, toujours selon les rumeurs. Ce qui compte c’est que le pacte soit respecté. 

 

RELIQUES

 

Bien sûr, les deux enseignants mettent la main sur des reliques et le texte de la trentième chanson. Une fortune pour les collectionneurs et les spécialistes. Des objets étranges : deux pics du musicien, un bout de doigt desséché, des talismans et le plus important, un carnet.

 

Tandis qu’il admirait ses trouvailles, Virginia extirpa le dernier élément enveloppé dans la boîte. Cette fois, le mouchoir protégeait un calepin noir d’environ huit pouces sur six, à la couverture de carton épais usée, tachée et écornée, qui avait manifestement beaucoup vécu. Elle caressa doucement le nom tracé à la mine de plomb et encore bien visible. Robert L. Johnson. Ils échangèrent un regard ému. Avec révérence, elle ouvrit la couverture. (p.87)

 

Ce legs déclenche une suite d’événements imprévisibles. Certains veulent ces objets et ne reculeront devant rien pour se les approprier. 

Oui, il y a des morts, des retournements, des rencontres étourdissantes et des malédictions. Des moments d’amour aussi malgré les maléfices et la magie du hoodoo. J’en ai eu le vertige. L’écrivain ne nous laisse jamais un instant de répit. Il a toutes les audaces et nous plonge dans la sorcellerie, les sorts jetés et les anathèmes qui se transmettent de génération en génération. 

 

FASCINATION

 

Gagnon multiplie les fausses pistes jusqu’à la fin de cette aventure étrange qui s’appuie sur les paroles des chansons de Johnson et les idées de l’époque. Tout devient plausible. C’est particulièrement documenté et solide. C’est ce qui importe. Et avec la musique en plus, toujours là. Elle vient vous posséder et vous emporter, avec les chants du guitariste qui arrivent comme des mantras. 

Des personnages qui sortent de l’ordinaire comme Cornélia Craft, née Wilson, qui en sait long sur le diable et ses manœuvres. Elle est de la famille de Virginia, bien sûr. Nous voilà dans les hantises de l’humain qui a souvent pactisé avec le côté obscur de son âme tout comme avec la lumière que l’on associe à Dieu. 

Hervé Gagnon garde le tempo, comme un grand bluesman qui envoûte et nous entraîne là où il le veut bien. C’est à couper le souffle et il est impossible de résister à Craft et Kane. 

Enfin, cet infatigable vient de publier un autre roman qui risque de retenir mon attention. Il se faufile cette fois dans le monde de la Corriveau, un personnage célèbre du Québec, propre encore une fois à toutes les légendes et les mythes. Oui, Hervé Gagnon est un diable d’écrivain. 

 

GAGNON HERVÉCrossroads, la dernière chanson de Robert Johnson, Éditions Hugo, 536 pages, 32,95 $.