dimanche 13 décembre 2009

Peut-on être heureux sans croire en Dieu?


«Heureux sans Dieu», un collectif dirigé par Daniel Baril et Normand Baillargeon, regroupe les réflexions de quatorze personnalités québécoises sur Dieu, la religion, les croyances et la foi. Quatre femmes et dix hommes, dont Arlette Cousture, Louise Gendron, Isabelle Maréchal, Yannick Villedieu et Louis Gill.
Tous affirment qu’ils ne croient pas en un Être suprême. Ils se sont débarrassés de toutes les superstitions et ne cherchent pas une cause ou un effet pour expliquer la vie et la mort. L’humain est seul dans l’univers, sans peur et sans craintes. Au bout de son existence, comme toutes les autres espèces vivantes qui l’entourent, il retourne au grand rien d’où il est sorti. Une réflexion qui, malgré tout ce que l’on peut entendre et dire dans les médias, s’avère courageuse.
«C’est qu’aujourd’hui encore l’athéisme dérange, fait peur, voire suscite le rejet, écrit l’auteur de la présentation Daniel Baril. Si les gays ont réussi à sortir au grand jour, les athées n’osent pas encore s’afficher, craignant d’être perçus, au mieux comme des trouble-fête, au pire comme de bien tristes personnages à qui il doit sans aucun doute manquer quelque chose.» (p.8)
Bien sûr, on peut parler de la désertion des églises, affirmer que le catholicisme  perd du terrain dans nos sociétés. Pourtant, il suffit de scruter l’actualité pour constater que nombres de guerres de religion existent encore. Le fanatisme et les croisades les plus folles sont loin d’être endigués et ne se retrouvent pas seulement du côté musulman de l’humanité
Cette façon de concevoir la vie sans plan de Dieu, sans au-delà, n’empêche pas ces témoins de ressentir de l’empathie pour leurs semblables, de prôner la solidarité, l’entraide et le partage. L’athéisme, selon eux, est jumelé au savoir. Plus la connaissance s’impose, moins les chances de croire aux fables et aux mythes sont grandes. Le savoir et la réflexion font en sorte que les superstitions cèdent le pas à une forme de lucidité courageuse.
«Les commandements de Dieu sont les mêmes, à quelques virgules près, dans toutes les grandes religions du monde, affirme Louise Gendron. Parce qu’ils correspondent à des tabous, à des règles profondément inscrites dans l’histoire de l’humanité et, souvent, dans la biologie même.» (p.15)
Ceux et celles qui ont accepté d’aborder cette question défendent une société laïque, libérée de toutes manifestations religieuses à l’école et dans le fonctionnement de l’État. Les croyances sont de l’ordre du privé et ne doivent pas s’aventurer sur la place publique. Jamais cela ne doit transpirer dans les discours des politiciens et des dirigeants.
«À mes yeux, je ne le cache pas, églises, synagogues, temples, mosquées, prêtres, imams, rabbins, pasteurs, soutanes, prières, chapelets et mille autres choses encore sont, par bien des aspects, des blasphèmes contre ce qui occupe dans mon échelle de valeurs cet équivalent laïque du sacré et contre certaines des valeurs que je chéris le plus : l’amour de l’humanité, la solidarité, la raison, le progrès.» (p.82)
Cette affirmation de Normand Baillargeon heurte de front les accommodements dits raisonnables qui ont fait les manchettes au Québec. 

Témoignages

Tout n’est pas de la même coulée dans ces témoignages. Louisette Dussault et Arlette Cousture racontent comment elles se sont éloignées des croyances de leur milieu. Un doute, une lassitude et l’abandon de la pratique religieuse est venu tout naturellement.
Il faut s’attarder aux réflexions Daniel Baril, Cyrille Barette et Hervé Fischer. Il y a matière à réflexions. Normand Baillargeon par exemple.
«Imaginez qu’il y ait, au Québec, un réseau de polyvalentes conservatrices, un autre de d’écoles libérales, un autre encore d’écoles péquistes, puis d’écoles communistes, et d’écoles anarchistes… … C’est pourtant ce que nous faisons en tolérant des écoles religieuses réservées à des « petits musulmans » et à des «petits juifs»… (p.96)
Le nouvel humanisme misant sur le vivant et sa capacité de réflexion est encore loin. Les religions, plusieurs le constatent, finissent par nous rattraper, que ce soit à la naissance ou à la mort. Toutes les sociétés ont des réflexes qui reviennent, particulièrement devant de lourdes épreuves. Un livre inégal mais fort intéressant sur un sujet que l’on n’ose guère débattre. Peut-être l’un des derniers tabous qui existent dans nos sociétés.

«Heureux sans Dieu» de Daniel Baril et Normand Baillargeon est paru chez VLB Éditeur.

samedi 12 décembre 2009

Éloge de la merde et de la pisse

Avec Guy Perreault, nous basculons dans un univers sordide et plutôt inquiétant. «Ne me quittez pas», on serait tenter de le faire rapidement, présente ces individus qui ne savent pas rompre et tourner la page. Incapable d'affronter la réalité, ils préfèrent s'inventer un univers et se débattre avec des fantasmes qui peu à peu s'emparent de leur esprit. Dans «Eaux mortes», un homme abandonné tente de retrouver sa femme. Un mâle qui ne sait qu'uriner, boire, uriner encore jusqu'à faire déborder le bain, les éviers et les poubelles. Une bête mâle qui marque son territoire, l'orignal en rut qui ne sait plus se retenir. Il pisse sur les trottoirs, dans la cabine téléphonique! Très vite on se lasse de cette écriture qui ne dépasse jamais le stade anal. 
Le récit le plus réussi reste l'enfant au fond de la baignoire. Là, malgré certains égarements, l'auteur parvient à nous entraîner dans un monde fascinant. La séparation d'avec la petite morte ne se fait pas et la baignoire devient miroir et reflets.
Je n’avais encore rien lu pourtant. Dans «Étoile froide», je me suis heurté à la nécrophilie, la merde, une forme de cannibalisme, la sodomie et tout ce que vous pouvez imaginer. Un homme baise avec sa femme morte et semble vouer à l'érection perpétuelle. Bien sûr, il ne faut jamais lire ces textes au premier degré mais comment oublier toutes les horreurs et les immondices.

Contenu

On dira toujours que Guy Perreault sait manier la phrase mais faut-il pour autant oublier le contenu. Un texte, si bien écrit soit-il, ne me fera jamais oublier ces étreintes qui finissent dans la merde et la pisse. Un petit échantillon?
«L'anus se contracte mollement, desserre son étreinte. Une émission de merde en déborde, malgré la verge plantée au plus profond. Puis les sphincters se relâchent, laissant filer une ultime plainte. En même temps que les larmes, le sperme jaillit.» (p.63).
Il ne manque que l'odeur. Pour choquer dites-vous? Même pas. À oublier au plus sacrant.

«Ne me quittez pas!» de Guy Perreault est paru aux Éditions Triptyque.

dimanche 6 décembre 2009

Mylène Bouchard étonne et séduit

J’ai lu «La garçonnière» dans une sorte d’élan fou. Les personnages et cette histoire m’ont happé. L’écrivaine, qui présente ici son second roman, visite son histoire en multipliant les points de vue comme certains artistes en arts visuels savent le faire.
Les assises géographiques d’abord. L’Abitibi et le Lac-Saint-Jean. Deux régions sœurs et étrangères. Mara est née à Noranda, Hubert à Péribonka. Une ville et un village situés sur le 48e parallèle. Une ligne qui ceinture la Terre et traverse des centaines de villes. Deux régions éloignées, dissemblables et soeurs. Comme deux corps qui se frôlent sans vraiment se toucher, deux êtres qui nagent dans une même direction.
«Ainsi, Mara et Hubert étaient restés saisis de leur première poignée de main. Une route devrait impérativement les accoler. En fait, il y a une route pour aller et venir de l’un à l’autre de cet endroit, mais elle mobilise une journée de déplacement sur des chemins pourris, aux abords de brûlis à perte de vue.» (p.15)
Mara et Hubert sont prisonniers en quelque sorte de leurs lieux d’origine.
Beau voyage aussi dans la littérature, des films et des chansons qui portent cette histoire d’amour possible et imaginaire. Même Richard Desjardins devient un personnage.

Géographie

Un premier contact, une sorte de coup de foudre. Mara et Hubert deviennent les meilleurs amis du monde, des complices qui passent leurs nuits à discuter, à jongler avec des questions qui ne demandent pas nécessairement de réponses.
«Le futon était ouvert, béant dans le salon. Mara était belle, ce soir-là, toute simple. Dans la sensualité du film, nous nous étions rapprochés l’un de l’autre, à moins que j’aie rêvé, tout imaginé. Quelques centimètres nous séparaient. Il en manquait peu pour que je desserre la main, crispée, moite, et que je saisisse la sienne. J’avais du mal à me concentrer. J’étais bien, mais je souffrais de ne pouvoir foncer dans le noir. Dans l’inconnu. Pour dénouer les silences. Pour confirmer les étreintes.» (p. 56)
Il suffirait d’un geste, d’un regard. Il faudrait un abandon. Cette complicité les rapproche et les éloigne. Comme deux espaces géographiques qui ne seront jamais l’un et l’autre.
Ils se retrouvent à Montréal comme des milliers de jeunes qui quittent leur région pour des études, un travail et une vie autre.

Ensemble

Tous les voient ensemble. Amoureux ? Certainement. Complices, « frère et sœur de latitude » qui n’arrivent pas aux gestes physiques de l’amour. Et à trop se fréquenter, on finit souvent par s’éloigner.
«Aussi précipité que cela avait pu l’être ce matin-là, au Café Suspendu, leur lieu de prédilection à tous les deux, dans la maladresse de l’instant, ils s’étaient entendus sur l’idée de ne plus jamais, plus jamais se revoir, plus jamais… » (p. 120)
Elle devient vedette de la radio, lui écrivain en exil à Prague. Les régions siamoises peuvent devenir aussi des continents. Elle s’oublie dans le travail, les amourettes, les rencontres brèves. Il écrit comme pour lancer des cris de détresse, s’intéresse aux œuvres d’art.
Ils mettront une vie à se retrouver, à s’aimer comme ils auraient dû, le premier soir. À Beyrouth, les digues s’évanouissent. L’amour est là, fou. L’amour passion qu’ils consentent enfin à vivre.
«Mara et Hubert écrivaient leur propre histoire. Bien qu’ils commençassent à n’être plus guère en forme – fatigués, dépeignés, intemporels -, ils aimaient sortir, prendre l’air et exister là, comme seuls au monde. Comme une paire. De jeunes mariés. Avec l’illusion que cela durerait toujours et que personne ne remarquerait leur présence dans cette garçonnière de bord de mer qui semblait avoir été dessinée pour eux.» (p. 171)
« La garçonnière » est une magnifique réussite. Un ouvrage d’une étonnante profondeur malgré les apparences. Une fraîcheur aussi ! On ne peut qu’avoir envie de relire ce roman-puzzle, de s’y replonger pour en savourer tous les aspects.
Une grande histoire d’amour qui va dans plusieurs directions et hante toute une vie. Une passion qui s’appuie sur les éléments géographiques et des œuvres littéraires, qui remet en question une foule de comportements. Mylène Bouchard frappe juste et fort. J’ai adoré l’écriture, cet univers, les personnages qui prennent la parole tour à tour.

«La garçonnière» de Mylène Bouchard est paru aux Éditions La Peuplade.

dimanche 8 novembre 2009

Pierre Gariépy joue le tout pour le tout

Que j’ai aimé «Lomer Odyssée», le premier roman de Pierre Gariépy. Une histoire d’amour entre un jeune homme à peine réchappé de l’adolescence et une femme d’un âge certain. C’était quelque part dans une ville, un port de mer, un monde où la mort rôde quand s’installe la nuit. Une histoire d’amour qui finissait tragiquement, comme il se doit. Lomer, après la mort de sa Gueuse, continuait son errance qui allait le mener vers Blanca. Un dernier feu d’artifice.

Dans «Blanca en sainte», Lomer, ce survivant de son passé, brûlé par la vie est disparu. Pour ne jamais l’oublier, Blanca se fait marquer au fer rouge. Elle est sa femme, dans sa chair et son âme, marquée comme le bétail pour montrer son appartenance.
«Et si j’en avais eu la force, j’aurais ri de moi-même en pensant que pour ne jamais t’oublier justement, Lomer, j’avais fait marquer au fer rouge ton nom dans mon front.» (p.14)

Pas rassurant

L’univers de Gariépy n’avait rien de réjouissant dans «Lomer Odyssée». Les personnages évoluaient dans un monde de déjections et de rebuts. La ville s’est dégradée dans «Blanca en sainte». La peste règne, les rats crèvent massivement et les gens meurent dans les rues quand ils ne se tuent pas. Il n’y a plus de nourriture, plus de pétrole, plus d’alcool. Blanca, la Démone, est enceinte de Pierre. Elle a retrouvé son clan après la mort de Lomer, se bute à Ti-Rat qui rêve d’elle, la suit comme son ombre, lui offre son corps et son âme.
«J’avais deux fois son âge, à lui, et j’avais à peine 18 ans, même si j’en avais 100 dans mon ventre, ma tête – c’était qu’un ti-cul, ti-rat -, et déjà il conduisait, un bull, et il killait, un pig. J’en ai donc conclu qu’il était un intéressant jeune animal et je suis venue à lui, enjambant mailles de stainless, lambeaux en sang et miasmes de viscères.» (p.22)
Blanca donne naissance à un fils, mais elle se meurt. Les hommes retombent en enfance. Elle vieillit de plusieurs années à tous les jours. Tout est exacerbé, poussé à son extrême. Ti-Rat, désespérant d’amour, obsédé, halluciné, se pend au mât du navire où le clan s’est réfugié.

Apocalypse

L’amour chez Pierre Gariépy est perte de soi et hantise. Est-il possible de survivre à un amour qui rase tout? Peut-il y avoir un amour après l’amour? Iseult ou Juliette auraient-elles pu connaître une autre passion fulgurante après Tristan et Roméo? L’absolu de la jeunesse n’existe que dans la jeunesse, que quand le brasier illumine le ciel, quand les planètes gravitent autour de l’être aimé. Que la première fois!
Blanca ne peut être l’amour de Ti-Rat. Elle pourrait peut-être l’aimer sans connaître les grandes secousses telluriques, mais lui cherche l’absolu et ne peut se contenter d’un succédané. Il préfère la mort.
Allégorie bien sûr, mais comment se défaire de l’impression que tout grince, qu’il n’y a plus d’avenir possible. Reste l’enfant… Demain est-il imaginable dans un univers en décomposition…
«Pierre, lui, grandissait, il tétait et semblait ne jamais vouloir s’arrêter, c’était mieux ainsi, la nourriture était si rare, j’étais ses vivres et pensais que tant que je le resterais, je vivrais moi aussi. Ni la peste, ni Dieu, ni Satan n’auraient d’emprise sur moi, aussi longtemps qu’il ne serait pas de moi sevré, Pierre c’était toi, Lomer, et je ne serais jamais sevrée de toi ni de Pierre, mais lui, si.» (p.80)
Un roman exigeant et un peu déconcertant. On trébuche dans les interstices des phrases qui s’étiolent. La langue est atteinte, les mots perdent leur sens. L’écriture se défait, s’inverse et devient floue, comme grugée de l’intérieur. Inversions, répétitions, allitérations, tout sert à porter ce grand cri de désespoir.
Pierre Gariépy joue le tout pour le tout, saute sans parachute. Une entreprise fort risquée qui laisse un peu perplexe, même si à la toute fin s’ouvre «l’âge de Pierre». Est-ce celle de l’auteur... Oui, peut-être que l’avenir peut avoir un avenir. On veut y croire. Je le souhaite en croisant les doigts.

« Blanca en sainte » de Pierre Gariépy est publié chez XYZ Éditeur.

dimanche 1 novembre 2009

Dany Laferrière retrouve son pays


«La nouvelle coupe la nuit en deux. L’appel téléphonique fatal que tout homme d’âge mûr reçoit un jour. Mon père vient de mourir.» (p.13)
Commence alors pour Dany Laferrière le périple du retour qui le ramène en Haïti. L’écrivain a peu connu son père qui a quitté son île pour échapper aux tontons macoutes. Réfugié à New York, il s’est refait une vie loin des siens et de sa famille.
«J’avais frappé à sa porte il y a quelques années. Il n’avait pas répondu. Je savais qu’il était dans la chambre. Je l’entendais respirer bruyamment derrière la porte. Comme j’avais fait le voyage depuis Montréal j’ai insisté. Je l’entends encore hurler qu’il n’a jamais eu d’enfant, ni de femme, ni de pays.» (p.66)
Qui est l’homme qui a dû partir à cause de ses idées et de ses activités politiques? Tout se bouscule dans la tête du romancier qui devait lui aussi suive ses traces. Des vies parallèles, l’un à New York, l’autre à Montréal.
«Mon père vivait dans une petite chambre presque vide que mes oncles m’ont fait visiter après l’enterrement sous la pluie dans ce cimetière de Brooklyn. Il s’était, vers la fin, dépouillé de tout. Il fut toute sa vie un solitaire malgré le fait que ses activités politiques le poussaient vers les gens.» (p.65)

Le retour

Après les rituels et les derniers hommages, le romancier se retrouve à Port-au-Prince avec sa mère et sa sœur, un neveu qui veut devenir écrivain.
«J’ai pris toutes les précautions du monde pour annoncer à ma mère la mort de mon père. Elle a d’abord fait la sourde oreille. Puis s’est fâchée contre le messager. La distance est si fine entre la longue absence et la mort que je ne me suis pas assez méfié de l’impact de la nouvelle sur les nerfs de ma mère.» (p.112)
Cette femme a cultivé l’espoir de retrouver son mari tout en refusant de quitter Port-au-Prince. À cause des enfants et peut-être aussi par crainte de l’étranger même si la vie en Haïti demeure dangereuse. Duvalier est parti, mais la situation n’a guère changé.
«Les vrais maîtres de ce pays, on ne les voit jamais. Pour eux, c’est une histoire sans rupture. D’un seul tenant. Ils veillent au grain depuis la fin de l’époque coloniale. C’est toujours la même histoire : un groupe remplace un autre, et ainsi de suite. Si tu crois qu’il y a un passé, un présent et un futur, tu te mets un doigt long comme ça dans l’œil. L’argent existe, pas le temps.» (p.223)
Dany Laferrière qui s’installait à Montréal, il y a plus de trente ans, a perdu bien des illusions. Il reconnaît des lieux, des visages, mais il n’est plus chez lui.

La quête

L’écrivain rencontre des amis de son père, glane ici et là des anecdotes, mais n’arrive pas à percer le brouillard. Pas plus qu’il n’arrive à renouer avec sa jeunesse et son enfance. Il est devenu un autre dans le pays du froid. La vie est mouvement. Pire. Il est devenu étranger. C’est peut-être le châtiment le plus terrible pour celui qui doit abandonner son pays.
Dany Laferrière se montre sous son meilleur jour dans «L’énigme du retour». Un roman vrai, chaud et plein de tendresse. L’écrivain témoigne de ce farouche instinct de vie qui anime la population haïtienne, cette rage de survivre, d’aimer, de se relever peut-être pour croire au présent.
La forme surprend un peu au début. La phrase prend l’apparence du poème, peut-être pour dégager l’atmosphère qui peut devenir lourde quand on se bute à ses souvenirs, à des proches que l’on ne reconnaît plus. Réflexions sur la vie, la mort, l’exil et l’écriture, les racines et la filialité, ce roman parle particulièrement à un Québécois qui n’en a pas fini avec la question de l’identité.
Dany Laferrière questionne l’exil qui condamne des individus à n’être plus que des déracinés, des êtres qui ont l’impression d’avoir vécu à côté de soi. Toujours juste et émouvant, pas étonnant que «L’énigme du retour» soit en lice pour plusieurs prix littéraires.

«L’énigme du retour» de Dany Laferrière est paru aux Éditions Boréal.