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lundi 20 décembre 2004

Gérard Bouchard retrouve des grandes figures

Qu’est-ce qui unit des intellectuels comme Arthur Buies, Edmond de Nevers, Édouard Montpetit, Lionel Groulx et Jean-Charles Harvey? C’est la question que l’on peut se poser à la lecture du dernier ouvrage de Gérard Bouchard.
«Tous ont un même idéal pour leur peuple. Ils évoquent la mission des francophones en Amérique et en même temps ils ont des propos très durs envers les Canadiens français. Lionel Groulx parle de «lâches», de «mous», de «peureux». Les quatre aussi prônent le relèvement de leur société. La Conquête a été une blessure qui a laissé le pays à la dérive. Il faut se relever et s’affirmer», explique Gérard Bouchard en entrevue.
Les cinq affirment ou à peu près que la Constitution de 1867 a en quelque sorte réglé le problème et qu’il ne reste plus qu’à prendre sa place. Jean-Charles Harvey effleure l’idée de la souveraineté mais il se reprend très vite. Tous voient le Québec dans la Confédération et même temps ils voient bien que les francophones sont menacés. «Les solutions sont différentes mais tous se retournent vers l’agriculture ou l’occupation du sol. Tous prônaient l’industrialisation, l’éducation même s’ils refusaient un ministère de l’Éducation. Jean-Charles Harvey a défendu cette idée. C’étaient les valeurs qui ont fait la Révolution tranquille quand on y pense», reprend Gérard Bouchard.
Tous voulaient sortir du carcan de la vallée du Saint-Laurent. «Edmond de Nevers prônait l’union avec les États-Unis et même avec le Mexique. Des états francophones ici et là qui correspondaient plus ou moins à la Nouvelle-France. Arthur Buies flirtait aussi avec l’idée de s’annexer aux Américains. De Nevers a prôné le contraire aussi. S’il y avait eu des décisions de prises, le Québec aurait pu s’affirmer comme il l’a fait à la Révolution tranquille mais beaucoup plus tôt. On peu le présumer», renchérit le chercheur.

Conditions de vie

Gérard Bouchard reste très sensible aux conditions de vie du peuple francophone au début du siècle dernier. La mortalité infantile dans les villes et dans les campagnes. «Une des plus élevée du monde», dit-il. Les conditions sanitaires étaient quasi inexistantes. L’eau, les égouts en ville, c’était primaire. On vivait comme au Moyen Age dans certains quartiers de Montréal. Il y avait aussi l’analphabétisme. On parle de 70 pour cent et plus d’analphabètes alors. Un sacré problème mais on ne voulait pas imposer la scolarité», explique-t-il.
Chose certaine la lecture de cet ouvrage permet de mieux comprendre le Québec d’avant et aussi le Québec de maintenant.
«Après le référendum de 1980, certains éléments de cette pensée équivoque ont refait surface mais pas d’une manière systématique», conclut Gérard Bouchard. Un essai fouillé qui permet de mieux comprendre certains comportements et de voir d’un autre œil certains discours qui reviennent au jour le jour dans les tribunes publiques.

«La pensée impuissante» de Gérard Bouchard est paru aux Éditions du Boréal.
http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/auteurs/gerard-bouchard-758.html

mercredi 15 décembre 2004

Toujours la recherche d’équilibre et de sens


Joël Pourbaix oscille entre le poème et un récit qui ballote le lecteur entre l’enfance et la vie présente. Encore une fois! Un monde fait d’avancés et de reculs qui expliquent peut-être le titre un peu étrange de ce recueil. «Labyrinthe », rues, passages, ruelles qui vont dans toutes les directions et qui n’ont à peu près jamais d’issues. Certains carrefours s’ouvrent selon les rencontres, les visages qui surgissent, les événements qui s’imposent en marquant le corps et l’esprit.
La solitude encore, l’isolement si lourd à porter malgré le visage des femmes qui vont sur les trottoirs comme des brûlures et des invitations. La plus terrible des solitudes? L’exil et le déracinement.
«Début septembre, la chaleur a pris possession des rues. Dans la foule je croise quelques femmes qu’on ne peut prier que des yeux. S’arrêter, faire demi-tour, quoi de plus simple, quoi de plus impossible.» (p.11)
Peu à peu Pourbaix livre des fragments de sa vie comme s’il déplaçait les morceaux d’un puzzle. Il multiplie les points de vue, surveille la rue, une voisine un peu étrange, un arbre que l’on abat et qui laisse un trou terrible dans le monde. Et un pays de sable et d’espace s’esquisse au détour d’un mot. L’enfance soufflée par la violence et souillée par la mort surgit.
«J’entends des pas et des voix. Hommes, femmes, chevaux, bêtes de somme à longs poils. Et des enfants.
Ils m’ouvrent leurs bras.»  (p.147)

Équilibre

Plusieurs poèmes sonnent comme des aphorismes, retournent des expressions connues et inventent un autre équilibre. C’est souvent un vers, une phrase qui fige le lecteur tel un point d’ancrage. Des perles tout au long de ce recueil, des fragments comme des oasis que l’on ne veut plus quitter. Le mot se dresse comme ces «êtres de pierre» qui font face au temps et narguent l’espace.
Arriver à colmater les manques de la vie, les faux pas, calmer les douleurs avec des images pour revenir «parmi les hommes», voilà ce que tente Joël Pourbaix dans son entreprise poétique. «Un combat contre le vide et l’absence par un peu plus de vide et d’absence.»
Un recueil fascinant même si le poète a tendance parfois à se recroqueviller dans un hermétisme qu’il est difficile à percer. Mais autant se laisser porter par le rythme, le phrasé où les poèmes esquissent des sculptures que le temps ne réussit pas à courber.

«Labyrinthe 5» de Joël Pourbaix est paru aux Éditions du Noroît.

mardi 14 décembre 2004

Maugey se complaît dans le romantisme

Axel Maugey regarde derrière son épaule pour retrouver un amour qui a marqué sa vie. Il retourne au pays des origines, ce pays de Provence qu’il a abandonné pour les raisons qui font qu’un homme ou une femme deviennent des migrants. Les chemins du monde sont innombrables et fascinants. Par l’écriture, Maugey esquisse un Saint-Tropez méconnu, ce petit port de mer plein d’odeurs et de parfums étourdissants pour le fixer dans sa mémoire. L’entreprise est séduisante.
«J’invente ma vie à chaque seconde, avec le souvenir de cette femme dans le cœur. J’ai appris très tôt, même entouré et choyé, que l’homme ne se construisait que dans la douleur, le déchirement et la lutte quotidienne. Que de réminiscences, se bousculent aujourd’hui dans mon esprit ! Sans arrêt l’image voluptueuse et trépidante de l’amie brune des premiers jours revient s’inscrire en moi.» (p.16)
Mais les caresses, les baisers qui sentent le thym et la menthe, le ballet des sens qui occupe les nuits du couchant aux premières lueurs du jour finissent par faire un peu sourire.
Axel Maugey ne sait pas éviter la complaisance et la mystification de l’amour. Surtout que son écriture devient très rapidement un peu trop laquée et pompeuse. Et l’amant en érection s’attarde sur des nuits sans fin, ces jours où «la chair exulte» avec les vagues qui usent le sable de la Méditerranée.
«Tes yeux de nymphe, baignés de sources, s’épanouissent, telles des feuilles de menthe, sur le chemin qui monte comme ton rire. Ton rire qui me poursuit sans cesse durant mes rêveries nocturnes pendant lesquelles je t’accueille en t’inventant, ô ma visiteuse !, en train de te faufiler sous les arbres musicaux, la bouche gonflée par une figue fraîchement cueillie, la robe très légère, à la fois nuage et voile, que ton corps épouse au gré du vertige.» (p.71)
Pour les romantiques.

«La Magnifique surface de ta chair» dAxel Maugey est paru aux Éditions Humanitas.

Ying Chen trouve refuge dans l’écriture

Ying Chen, écrivaine d'origine chinoise, arrivait au Québec en 1989. Son entrée dans la littérature d’ici fut assez spectaculaire avec «Les Lettres chinoises», «L'Ingratitude» et «Immobile». Des ouvrages qui permettaient de découvrir une belle sensibilité et un monde fascinant. Dans «Quatre mille marches», elle explique son rapport à l’écriture et la vie.
«Je veux que pour une fois mon carnet soit exempt des éléments fictifs, qu'il serve de point final à une tristesse usée. Un enterrement peut être parfois un secours.» (p.9)
Lors d'un retour à Shanghai, le temps de tourner un documentaire, elle retrouve ses parents après dix ans d’exil. Pas de larmes, aucune exubérance! Ying Chen est devenue une étrangère au pays de sa naissance. Dorénavant, sa patrie est le monde de l'écriture.
«Aujourd'hui, j'ai l'impression de n'être pas vraiment née, de n'avoir jamais vraiment vécu avant vingt-huit ans, avant de m'être mise à écrire pour de bon.» (p.13)

Abandon

En quittant la Chine, Ying Chen abandonnait sa nationalité comme une vieille robe et plongeait dans une nouvelle langue pour s'y effacer. Il faut peut-être parler de mutation dans son cas. Comme si elle s’arrachait à tout ce qu’elle était pour se sculpter dans une nouvelle culture, d'autres langues devrais-je dire. Le « territoire des langues » donne dorénavant une direction à sa vie et contribue à former un nouvel être à chaque expression ou mot qu’elle découvre. Elle est heureuse dans ces glissements vers une autre identité. Comme une voyageuse qui se grise du vol de l’avion mais qui veut repartir aussitôt qu’elle a posé le pied dans l’aéroport.
«Mais l'écrivain par sa nature d'enfant sauvage est irrésistiblement attiré par la langue et la littérature, cette chose vague, indéfinie et sans cesse en devenir, qui risque à tout moment de lui filer entre les doigts. L'écrivain est en exil dans la langue.» (p.93)
Elle a d'abord apprivoisé le français mais ce n'était que le début d’une longue pérégrination. La migration la pousse encore et toujours vers «cette autre femme» qu'elle pourchasse en plongeant dans d’autres langues pour «renaître, avec une peau toute neuve, sans plaie et respectable?»

Le rêve

«Je rêvais et je rêve encore de franchir la barrière des langues, convaincue que toutes les cultures peuvent me nourrir, que je suis ma propre origine qui se forme, se disperse et se reforme au fur et à mesure que je voyage, que je suis moi avant d'être shanghaïenne, chinoise, québécoise, canadienne ou autre.» (p.48)
Comme si en explorant une autre langue, elle cherchait à oublier tout ce qui fait qu'elle  est Chinoise.  Il faut savoir que Ying Chen a grandi pendant la Révolution culturelle en Chine. Un régime politique où le je n’avait guère d’espace et de sens. Aujourd’hui, elle semble basculer dans l'excès contraire. Elle nie toute appartenance, toutes racines pour n’être plus qu’un moi errant. Elle peut sembler moderne à l’époque de la mondialisation mais rejeter l'histoire et tout nationalisme, est-ce raisonnable? Que serait Léon Tolstoï sans sa langue, son peuple et son milieu? Qu'aurait été Gabriel Garcia Marquez et Günter Grass sans des ancrages nationaux qui en ont fait les écrivains que nous connaissons. Danny Laferrière peut-il oublier sa naissance haïtienne? Est-ce que le glissement d’une langue vers une autre peut donner un ancrage à un écrivain? Arrivera-t-elle à «construire un abri pour mon corps méprisable.»
«On existe, n'est-ce pas, dans la langue et par la langue.» (p. 36) «Je ne sais plus trop où est mon vrai sol et quelle est ma vraie langue. Le passé et l'avenir se confondent.» (p.37)
Ying Chen s’accroche à ce présent qui file et s’échiffe. Un instant qui contient à la fois le passé et l’avenir. Une réflexion troublante et une haine dérangeante de ce qu’elle est «de ma peau avec son insupportable couleur, cette laideur et cette honte!».
L’esthétisme de Ying Chen me semble beaucoup plus une dérobade qu’un véritable approfondissement de ce qu’est l’écriture, cette quête de soi et du monde qui surgit et se transforme dans et par le langage. L’apprentissage des langues, de toutes les langues dans ce cas, devient un abandon et une négation de soi. Bien plus, c’est là une trajectoire qui risque de faire oublier l’écrivaine que nous avons découvert avec bonheur. Dans «Quatre mille marches» on ne retrouve pas la justesse de la langue de «L'Ingratitude», ni sa limpidité. Le français de Ying Chen semble s’étioler. Dommage! A vouloir posséder toutes les langues, on n'en maîtrise peut-être plus aucune.

«Quatre mille marches» de Ying Chen est paru aux Éditions du Boréal.

Mathieu Arsenault s’attarde aux jeunes

Mathieu Arsenault en est à sa première plongée dans le roman et il bouscule les règles et toutes les convenances dans «Album de finissants». On n’en attend rien de moins d’un jeune écrivain qui cherche à transformer le monde par l’écriture. Il faut du culot et toutes les audaces pour se lancer dans une pareille aventure.

Des garçons et des filles, des révoltés, des marginaux, des doués et des oubliés parlent de l’école, de leur réalité et de leur monde asphyxiant. Des clichés s’y succèdent, des sourires plus ou moins confiants devant l’avenir qui s’ouvre sur tous les horizons. Est-ce une fin ou un début? Comment savoir? Des élans, des colères mais surtout un milieu qui écrase autant les doués que ceux qui sont largués. Un rap sans fin qui martèle une longue confession qui donne des frissons.
Comme dans ces albums de fin d’année où l’on surprend un chapelet de visages qui ont su résister à l’épreuve mais qui semblent effarouchés devant l’avenir.
«Plus je me débats plus ça se resserre l’étudiant modèle sur les dents poussin courbé lapin étouffe dans un collet mais il sourit quand même quand il reçoit sa belle note de fin d’étape signez signez parents de février au sinistre bulletin des choses signez au stylo sur les lignes de genévrier pleines de la neige de celui qui n’en finit plus de tomber au stress de performer à l’école comme dans la vie tes notes c’est tout ce que t’as mon grand garçon fais pas honte à ton éducation.» (p.25)

Matières

Mathieu Arsenault évoque les matières que les étudiants doivent fréquenter quand ils subissent les lois des professeurs et des parents. Une sorte de jubilation qui débouche sur des moments particulièrement intéressants quand il bascule du côté des mathématiques ou des sciences. Un beau délire.
«En biologie le monde est si petit il y a le jour et la nuit y a la mer et y a la pluie en fines particules qui tournent en cycle à la page cent trente-six mais c’est à la dernière page que je voudrais me coucher d’avoir tout su perdu dans le blanc de la page de garde ma chérie tombe ruisselée évaporée reste près de moi encore une pluie que les flèches du tableau 5.8 font tomber sur mon corps tordu je suis fait en papier tu m’allumes tu me brûles tu me fus et je pars en fumée dans ton nuage d’école en feu qui nous réchauffe le cœur ma vapeur monte et je suis diffus enfin.» (p.108)
Au diable les règles et la ponctuation! Arsenault déconstruit la langue et bouscule la grammaire. Il s’abandonne à la frénésie du dire et s’amuse avec les images tel un cracheur de feu.
«Le petit lapin. Quand le printemps revient de nouvau virgule quant le printamps revien de nouveau virgule tous les annimaux de la forêt surgicent de l’heure tanniêre le preintemp revient de nouveaux virgule tous les animmaux de la forèt surgisse de leurs tanières et retrouve le soleil point tout les animeaus de la forait suregisent de leurs taniaire et retrouvouvent le soleille poing…» (p.7)
Autant se laisser emporter par la magie de cette écriture qui bondit dans toutes les directions. Exigeant pour le lecteur mais l’aventure en vaut le coup.
«Viens m’embrasser en plein cours dégrafe ton soutien-gorge je veux me coucher dans la chaleur de ton corps grande chaleur peau sur mon bureau pour dormir et rêver peut-être mais dans ce rêve suivre encore le cours et viens me border plus profond encore jusqu’à la folie je me lève sans rien dire à personne et je sors en plein examen pour je sais pas quoi je sais rien l’examen reste blanc comme ta petite culotte que je cherche à tracer sur ma feuille les lettres s’arrêtent sur ton nom à chaque question j’écris rien je calcule rien je pense à rien la tête couchée sur mon bureau end on the line fin de la corde à linge tout sèche tout cours pour rejoindre mon amour dans le blanc d’examen dans le zéro pour cent du monde.» (p.81)

Mathieu Arsenault, «Album de finissants» de Mathieu Arsenault est paru aux Éditions Triptyque.

mercredi 17 novembre 2004

Jean Désy retrouve son pays du Nord

Jean Désy ramène son lecteur vers le Nord, le pays que cet écrivain prolifique, médecin et globe-trotter, affectionne. Dans son dernier ouvrage, il nous entraînait en Nouvelle-Zélande avec sa fille Isabelle. Ici, il trafique un peu. Pas étonnant quand nous connaissons l’homme, sa passion de la découverte, l’application qu’il met à vivre avec ses enfants malgré une famille éclatée. Parce qu’avec cet écrivain, né à Kénogami, la fiction se faufile souvent dans sa vie. Un bon mélange!
Peut-être aussi qu’en se glissant dans le roman et en donnant la parole à Geneviève, il cherche à mieux se surprendre.
La jeune fille débarque à Puvirnituq, regarde, s’étonne et reste interdite. Une belle manière de faire voir ce pays de glace, de froid et de lumière, de douceur et de violence crue.
«Tout à coup, je l’ai aperçue: elle s’étirait d’un bout à l’autre du ciel, comme si un prestidigitateur l’avait tendue sur une corde à linge gigantesque. Elle dévoilait un rideau de dentelle verte qui voletait, se balançait, frémissait. Des franges disparaissaient puis réapparaissaient à tout moment, comme par enchantement. Papa était aussi impressionné que moi, même s’il avait observé des centaines d’aurores boréales dans sa vie.» (p.67)
Geneviève se heurte au pire des Inuits et au meilleur. Quand les Inuits ont bu, ils deviennent des étrangers. Mais dans la vie de tous les jours, elle s’étonne de leur patience, de leur douceur, de cet humour aussi que rien ne perturbe.
La jeune femme vit son voyage initiatique dans le Nunavik avec passion. Deux mondes se heurtent, se repoussent et se fascinent. Deux univers se font face.
«C’est ici que je me sens vivre le mieux. Je me sais au meilleur de moi-même. J’ai l’impression qu’ailleurs, au Sud, en tout cas, je n’arrive pas à être au meilleur de ce que je peux être ni de ce que je peux offrir aux autres. Cette mer-là, le ciel qui s’élève tout au bout de la mer, là-bas, c’est comme si je les avais moi-même inventés. C’est fou, mais c’est comme ça! Je ne sais pas si ça te fait le même effet, mais moi, ça me soulève! Je déchirerais ma chemise. Je me mettrais à courir tout nu sur la glace pour montrer au monde entier que je trouve ça beau.» (p.102)

Confrontation

Geneviève expérimente une autre manière de manger, d’agir dans un univers écrasant. Quand la vie dépend de la chasse ou de la pêche, les codes s’évanouissent. C’est peut-être là que Jean Désy découvre le sens du voyage, cette manière de bousculer ses certitudes et ses convictions! Une façon aussi d’éprouver ses croyances.
Il y aura bien quelques palpitations, des regards d’amoureux mais Geneviève évitera les bras du beau Putulik. Ce serait trop simple. Une fin dramatique à souhait! Vous verrez!
Désy aime ce monde aride, impitoyable où chasser et pêcher façonne l’être humain. Une chance aussi de retrouver l’essentiel, le vrai que la vie moderne occulte et fait oublier. La pêche, une expédition pour surprendre les caribous, la rencontre avec un renard arctique, les perdrix blanches, tout devient fascinant.
Et surtout, Désy décrit ce pays avec des couleurs inoubliables. Il suffit de quelques pages et nous avons envie de partir pour ce pays mal connu.
«Les amoncellements de glaces étaient géants. On aurait dit des châteaux du Moyen Age, mais détruits par de grandes batailles. Des pièces rectangulaires ou carrées s’empilaient de n’importe quelle façon, comme abîmées par les boulets. Seuls certains morceaux étaient intacts. Une tourelle ici, un donjon là. Féerique!» (p.163)
Alors, il reste à empoigner les mots de Jean Désy, comme on le ferait d’une motoneige pour se lancer dans la toundra. L’éblouissement se dissimule tout près de l’horizon.

«L’île de Tayara» de Jean Désy est publié par  XYZ Éditeur.
http://www.editionsxyz.com/auteur/5.html