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jeudi 24 janvier 2008

Michel Marc Bouchard chez les universitaires

Michel Marc Bouchard est un dramaturge marquant du Québec contemporain. Ses pièces sont jouées partout dans le monde avec succès. «L’histoire de l’oie», «Les feluettes» et «Les muses orphelines» a aussi été adaptée au cinéma.
Un lien particulier unit ce dramaturge avec la région puisqu’il y installe souvent l’action de ses pièces. «Les Feluettes», un drame qui a lancé sa carrière, se situe à Roberval. «Les Muses orphelines» à Saint-Ludger-de-Milot. Citons «Le chemin des Passes-dangereuses», «Les porteurs d’eau» et «Le peintre des Madones» dont le drame secoue Saint-Cœur-de-Marie.
La revue «Voix et images» de l’Université du Québec à Montréal, avec la collaboration de quelques professeurs de l’Université du Québec, a consacré son numéro d’automne 2007 à cet écrivain. Une réflexion sur ses principales œuvres pour découvrir des problématiques qui marquent un travail imposant. Le tout est complété par une entrevue avec l’homme de théâtre et la publication d’un extrait de «Soirée bénéfice pour tous ceux qui ne seront pas là en l’an deux mille», un texte qui n’a pas encore été publié. Une bibliographie impressionnante complète le tout.

Caractéristiques

Comment caractériser l’oeuvre de Michel Marc Bouchard? Les collaborateurs tentent de répondre à cette question en se penchant sur la violence, l’enfance, la figure omniprésente du créateur et la mémoire qui portent cette dramaturgie.
«Le théâtre est conflit. Quel que soit le milieu, il suppose le plus souvent une approche conflictuelle », explique Michel Marc Bouchard en entrevue. «… le germe de plusieurs de mes œuvres, notamment du désir de Chrysippe de porter un enfant, des «Feluettes» où l’amour adolescent est réprimé, de l’enfance abandonnée des «Muses orphelines» à l’enfance trahie du «Voyage du couronnement», à l’enfance violentée de «L’histoire de l’oie». Cette récurrence de la violence envers l’enfant vient certainement d’une blessure, car il y a une blessure en moi. Mais je n’en parlerai jamais en public.»
Les études remontent à la mythologie grecque pour donner à Michel Marc Bouchard une dimension que le spectateur peut facilement occulter en se contentant d’assister  à une représentation. La figure du créateur trouve ses racines chez Platon tout comme la muse si importante dans l’univers bourchardien.
Comment la région du Lac-Saint-Jean arrive-t-elle à imprégner cette œuvre qui se démarque de celle de Larry Tremblay et de Daniel Danis? Il ose une explication dans l’entrevue.
«L’eau, c’est aussi les larmes, la naissance, la purification. C’est aussi le pays de rivières et de lacs d’où je viens. De l’eau donc dans son état sauvage: le lac Saint-Jean que la Comtesse appelle la Méditerranée dans «Les feluettes» ou encore la rivière dans «Les porteurs d’eau», mais aussi l’eau «domestiquée». L’eau, c’est aussi un symbole extrêmement catholique: le baptême, la purification.» (p.25)
Irriguée par la géographie de la région et l’histoire du Lac-Saint-Jean, nourrie de sa langue aussi qui ne craint pas de se frotter aux grands mythes fondateurs de la pensée occidentale, l’œuvre de Michel Marc Bouchard devient particulièrement originale et singulière.

Monde de conflits

Ces études nous font voir l’univers de Michel Marc Bouchard d’un autre œil. On comprend mieux les conflits du père et des fils, la violence qui passe par le meurtre et le sang, une forme de cérémonial ou de sacrifice qui n’est pas sans évoquer la mort du Christ, Jocaste, Œdipe et Pélops, ce beau jeune homme enlevé et violé par Laïos. Une rivalité que l’homosexualité du fils ne peut qu’aggraver.
«Dans mon théâtre, il y a souvent l’artefact du souvenir, la robe de la mère, par exemple dans «Les muses orphelines». Dans toutes mes pièces, il y a un moment sacrificiel qui évoque le conflit entre les hommes qui jouent leur destin et les dieux. Cet aspect cérémoniel, référentiel même, est essentiel à toute mon œuvre et c’est par là que celle-ci rejoint, me semble-t-il, l’essence même du théâtre, qui est rituel et sacrifice du corps de l’acteur.» (p.25)
Nous comprenons mieux après cette lecture pourquoi le théâtre de Michel Marc Bouchard est traduit et apprécié un peu partout dans le monde.

«Voix et images» automne 2007, numéro consacré à Michel Marc Bouchard.

jeudi 3 février 2005

Michel Marc Bouchard livre une oeuvre puissante

«Le peintre des madones» de Michel Marc Bouchard a connu une carrière un peu singulière. «C'est à Florence, en Italie, dans la ville aux mille madones, que j'ai jeté sur papier ce conte en m'inspirant très librement des événements entourant la création de la fresque qui orne encore aujourd'hui la nef de l'église de Saint-Coeur-de-Marie», écrit le dramaturge dans sa courte préface.
L'oeuvre fut d'abord présentée en Italie, au «teatro della limonaia de Sesto» de Florence dans une version italienne. Elle a connu un grand succès à Montréal dans la mise en scène de Serge Denoncourt.
Un texte fascinant par son propos et sa facture que j'ai lu à deux reprises, pour m'imbiber de ce langage envoûtant. Parce que c'est  aussi un délice de lecture que «ces pigments écarlates, du vin sacré et de l'hémoglobine, c'est tout ce rouge qui coule en nous, de nos sexes à nos âmes. C'est la collision des extases, ce sont des mensonges déguisés en conte.» Les mots sont de Michel Marc Bouchard.
Ce texte nous entraîne à Saint-Coeur-de-Marie, en 1918, fin de la première guerre. La grippe espagnole ravage les campagnes, ce pourrait tout aussi bien être le sida. Les hommes sont partis à la guerre ou bien ils fuient comme des ombres dans la forêt pour échapper aux militaires.

Une boucle

Cette oeuvre théâtrale s'ouvre et se termine de la même façon. «Un triptyque. Ce sera un triptyque», lance l'ange annonciateur en prologue. Dans l'épilogue le même personnage répète: «Et c'est ainsi que dans ce village, de génération en génération, on réinventa, de chuchotements en chuchotements, l'histoire de ce triptyque qui ornait le choeur de l'église. Les personnages parlaient une langue biblique. Tous ces mots empreints de sang, de guerres séculaires, d'inventions et de miracles.»
Le ton est lancé. La tragédie est devenue oeuvre d'art. Un monde sublimé qui échappe à toutes contraintes. Michel Marc Bouchard invente un univers où tout est poussé à la limite. Un ange présentateur qui tente de nouer la narration et des personnages qui gravitent autour du peintre, qui dansent comme des atomes autour du noyau. Un questionnement sur l'art, la création et des personnages hantés par des forces qui les jettent hors d'eux-mêmes.
Des êtres inquiétants. Un docteur qui souhaite découvrir l'âme humaine en charcutant ses patients, une jeune femme qui accompagne les morts et les délivre de leurs secrets inavouables.
L'oeuvre d'art devient un viol ou un rapt du modèle. Comme les anges dans la Bible ravissent les vierges. Le geste du prédateur qui dévore son sujet.
Un cri, un langage qui déborde des normes habituelles et qui tient de la prière et de l'incantation.
«Quand il pose ses yeux sur moi, quand il me fixe de son regard, il me vient toutes sortes de pensées. Le sol s'ouvre en dessous de moi et tous les croquis inachevés, toutes ces femmes sans visage, m'invitent à me blottir dans leurs bras... Et je le regarde encore et encore et je m'envole encore et encore, toujours plus haut.» (p.64)
 Le spectateur ou le lecteur s'imbibe de ce monde marqué par la religion, de cet univers où tout est tourment, déchirements et hallucinations. Surtout une folle histoire d'amour qui retourne l'être et le consume pour ne laisser que des cendres. Tout simplement fascinant et j'ai terriblement hâte de voir ces personnages bouger sur scène et devenir humain. Ils deviendront l'impossible, tout ce qui peut arriver quand les instincts de vie et de mort sont poussés à leur paroxysme. Michel Marc Bouchard a écrit ici une oeuvre puissante.

«Le peintre des madones» de Michel Marc Bouchard est paru aux Éditions Leméac.