samedi 15 décembre 2007

Violaine Forest fait vivre une expérience

«L’Adoration du Bourreau» nous entraîne dans un monde déroutant où le lecteur doit oublier ses références.
Nous voici dans l’univers de la suggestion, du murmure, du soupir et du fantasme, dans un «Conte des mille et une nuits» où les chaînes luisent, les chairs brûlent de désir et les parfums étourdissent.
«L’éponge de la servante aux aguets qui lisse l’ambre, l’or de la peau. L’étirant. Ouvrant l’amande.» Une même sensualité d’un lieu à un autre, peu importe les époques. «Je vis d’effluves, de parfums de vanille, de réglisse. Je me replie soudain dans ma petite manche, dans l’or et les bleus du royaume ancien. Un éventail de plumes à la main. Je prends la lumière du jour, et m’abreuve à n’en plus finir de songes interdits et de douceur humaine.» (p.23)
Douleurs et espérance, univers recroquevillé hors temps. Et puis tout bascule dans la «pièce aux tremblements». Le désir appelle la douleur, l’amante cherche la fulgurance dans le supplice, la caresse et l’écartèlement. «Combien de fois l’huile, le sang et l’eau, les ongles dans la pierre. Je suis la force du monde qui tue.»
Le poème devient incantatoire, chant de mort et de vie. «Je me drape dans la transparence des bourreaux. Je m’offre sans résistance. J’ai mis mon nom à la table ancillaire. Je suis la maison de ma mère, je fais lessives successives qui calment. Je prends le plus long détour jusqu’aux choses simples. Au temps assis d‘un bonheur interdit, je réclame mon dû, la vie son pesant d’or arrache les sangles qui me lient au destin.» (p.51)

Violence

La poésie de Forest évoque aussi ces existences qui forment une chaîne depuis des millénaires sans jamais bercer l’espoir. «Je ne crois plus à la beauté du monde/ aux hommes heureux/ je dis que la vie est un leurre/ qu’au bout de leur nez/ pend la souffrance/ des femmes toujours/ partent sans douleurs/ des fils blancs s’étirent/ déroulent, leurs paroles inutiles». (p.118)
Bien sûr, la marche de l’humanité est écrite en lettres de sang, mais est-ce une raison pour rechercher ces instants où la vie effleure la mort, la douleur rameute le plaisir. «Il n’y a de beauté que dans la violence et l’injustice.» Certaines images vibrent comme des gongs.
Un univers où une femme recherche la douleur et le plaisir de la main du maître. Comment imaginer une quête semblable après trente ans de féminisme ?
«Reviens/ Que je sois/ Vie ou trépas/ Reviens/ Me l’apprendre/ Je n’ai d’autres desseins/ Ici bas/ que tu sois/ mon unique et dernière adresse. »
Un texte qui oscille entre la prose et le poème, le chant et la stance. Une fixation pour des images où «l’or et l’ambre» luisent dans des chambres où fument de lourds parfums. Une complaisance qui finit par lasser.

«L’Adoration du Bourreau» de Violaine Forest est paru aux Éditions d’art le Sabord.

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